Infrarouge

Le whisky MADE IN FRANCE EST AUX ANGES

Les whiskies français peuvent commencer à frimer et à frétiller de plaisir au vu du succès croissant de leurs flacons et au regard des jeunes distilleri­es qui ne cessent de créer de nouvelles marques.

- Par Frédérique Hermine

Toutes les régions de France et de Navarre, de la Bretagne à la Corse, ont désormais leurs distilleri­es de whiskies. Parmi les plus anciennes, la centenaire Distilleri­e Warenghem, dans les Côtes-d’Armor, a cherché à diversifie­r sa production d’eaux-devie de fruits dans les années 1980 en lançant les whiskies Armorik. C’est la pionnière à sortir un blend à une époque où la catégorie représente dans l’Hexagone plus de 80 % des ventes. A suivi, dans les années 1990, une autre Bretonne, la Distilleri­e des Menhirs (Morbihan) avec les whiskies Eddu. Autre précurseur, G. Rozelieure­s, en Lorraine, entre Nancy et Épinal, cherche également à diversifie­r au début du siècle sa production de mirabelle et d’eaux-de-vie « Il y a 20 ans, il n’y avait pas de marché, et on entendait même sur les salons que les Français n’avaient pas le savoir-faire pour élaborer de bons whiskies », raconte Christophe Dupic, l’un des instigateu­rs du whisky Rozelieure­s. « La demande s’est réellement accélérée il y a troisquatr­e ans, et la crise sanitaire a renforcé l’envie de produits locaux et traçables. Le spiritouri­sme, pour lequel nous étions également pionniers, a aussi aidé (notre nouvelle boutique qui a ouvert au printemps propose même un espace spécifique pour les whiskies), car il nous permettait d’expliquer la fabricatio­n du whisky avec une vidéo sur la distillati­on et un atelier d’assemblage. »

Diversité et spécificit­és

Le whisky français bénéficie pourtant du savoir-faire ancestral de distillati­on des producteur­s de cognac, d’armagnac, d’eaux-de-vie et de calvados. De surcroît, l’Hexagone est le premier producteur d’orge en Europe. Récemment, des microdisti­lleries se sont développée­s à partir d’un autre savoir-faire, celui des brasseurs. Certains entreprene­urs partent même d’une feuille blanche sans alambic ni expérience, juste par passion. Ces négociants arpentent les distilleri­es pour choisir des whiskies, les assembler et les faire vieillir, tels Benjamin Kuentz en Île-de-France, Les Bienheureu­x en Charente, Guillaume Ferroni, en Provence…

Il n’y a guère de spécificit­é française hormis un style souvent rond et fruité typique de l’alambic charentais le plus utilisé et une dimension en générale artisanale. On compte désormais, selon la Fédération du Whisky de France, une centaine de distilleri­es en activité (elles étaient cinq en 2004), environ 115 marques et près de 30 000 fûts en vieillisse­ment. La production est passée de 215 000 bouteilles en 2010 à un million en 2018. « Aujourd’hui, avec plus de 100 distilleri­es, on commence à jouer sur les styles et on voit apparaître une demande croissante de whiskies de terroir, pas seulement d’un pays d’origine », confirme Gaspard Dutheil de La Maison du Whisky.

De nouveaux whiskies ne cessent d’arriver dans les boutiques spécialisé­es et chez les cavistes, toujours friands de nouveautés. Mais la moitié des ventes restent néanmoins à l’actif de cinq acteurs majeurs (les Bretons Warenghem et Les Menhirs, les Lorrains-Alsaciens Rozelieure­s et Hepp, plus Bellevoye en Gironde-Charente). Ils exportent même une partie de leur production, tandis que les plus jeunes distilleri­es vendent surtout localement.

Des amateurs de plus en plus curieux

Le cahier des charges du whisky français, actuelleme­nt plus permissif qu’en Écosse, favorise aussi l’innovation. Il existe néanmoins depuis 2015 deux Indication­s Géographiq­ues Protégées (IGP) pour les whiskies bretons et alsaciens et, en 2017, un décret a imposé une utilisatio­n d’orge maltée ayant vieilli au moins trois ans en fût pour revendique­r la mention « single malt ». On peut identifier quelques spécificit­és régionales. On retrouve dans le P&M corse de Mavela des parfums de myrte, de thym et d’agrumes, dans le Glann Ar Mor et le Naguelann en Bretagne-Nord l’influence maritime et des notes iodées… Nombre de distilleri­es veillent à utiliser en priorité, voire exclusivem­ent, des céréales locales (Hautes Glaces, Rozelieure­s, Les Menhirs, Mr Balthazar, Distilleri­e du Vercors, Hautefeuil­le…). Très peu disposent néanmoins de leur propre malterie (La Piautre, Alfred Giraud, Le Barroux, Rozelieure­s, la seule à maîtriser entièremen­t tout le processus de l’orge à la bouteille). « Les consommate­urs toujours plus curieux s’intéressen­t autant au produit qu’à son histoire, s’il y a une famille derrière, un alambic atypique, les variétés des céréales, sur quelles parcelles, la provenance des matières premières… Les questions sont de plus en plus pointues, avec une envie de produits de proximité. Ils cherchent avant tout l’authentici­té », conclut Tom van Lambaart de Dugas.

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