QUOI DE NEUF ce printemps ?
Le parfum devient historique, une Maison renaît, la génération Z veut être riche et on enfile les nouvelles créations comme des pulls sur une peau nue. C’est tentant, déboussolant, addictif. On aime.
Àla niche Non seulement le mot « niche » n’est pas très heureux, mais il ne correspond plus à la réalité des parfums auquel il se réfère. Selon une étude réalisée par la Maison de composition Takasago, sur cinq nouvelles marques de parfums lancées chaque année, quatre appartiennent à la « niche », et leur nombre a doublé en deux ans. Ce qui ne veut pas dire qu’elles se démocratisent, mais plutôt que le luxe qu’elles initient attire de plus de plus, et cela, quelle que soit l’origine sociale de ses adeptes, notamment quand ils appartiennent à la génération Z. C’est cette jeunesse émergente et universelle qui dicte les nouveaux usages et les nouveaux codes. Pour ceux dont les goûts transcendent les continents, porter la niche c’est être « in the know ». Soit se sentir riche, oui, mais aussi initié. Personne n’a jamais autant maîtrisé le vocabulaire olfactif et les matières premières qu’eux. Cela dépasse l’ascension, la réussite sociale. On est dans un au-delà où l’on se modèle une autre personnalité, voire une autre identité. Cette génération aime mélanger deux compositions pour fabriquer sa propre signature, laquelle doit être suffisamment puissante pour être immédiatement perceptible. Mais le parfum est aussi un voyage. Dans son sillage, on peut se sentir à Tokyo à trois heures du matin ou dans un club de jazz new-yorkais des années 1950. C’est bien sûr sur les réseaux sociaux que le succès se calcule, et non plus dans les reportings du marketing. Plébiscités : Baccarat Rouge 540 de la Maison Francis Kurkdjian, Missing Person de Phlur et Delina de Parfums de Marly. Deux sont français… Sans oublier les collections couture, comme Le Vestiaire des Parfums d’Yves Saint Laurent, Les Exclusifs de Chanel, La Collection Particulière de Givenchy ou encore The Alchemist’s Garden de Gucci, car elles sont confidentielles. Ça, c’est pour aujourd’hui, mais demain ? Takasago a tracé les nouveaux territoires. Ils sont toujours à la frontière de deux mondes. Que sentiront-ils ? La fleur, hormis la rose et la fleur d’oranger. Les épices et les bois comme la vanille, l’ambre, le patchouli et le poivre noir. Une chose est sûre, l’intensité est éternelle et le sillage aussi. À suivre donc… Des odeurs dans un musée. Celles des toiles de Vermeer, Van Dyck ou Poussin… La narration olfactive entre dans le patrimoine. Il ne s’agit pas de parfumer l’une des galeries du Louvre mais de créer des expériences qui permettent de mieux comprendre le passé et de s’y immerger. Grâce au think tank La Fabrica, les parfumeurs d’IFF (International Flavours and Fragrances) ont exploré 12 tableaux du XVIe au XXe siècle. Ainsi, Le Portrait d’Eitel Besserer de Martin Schaffner. Le personnage enserre un pomander, clef de voûte de la compréhension olfactive du sujet. Le pot-pourri, qui jouait un rôle important à cette époque, se trouve là traduit en une potion aussi aromatique qu’animale. Bien différente est La Bataille de Waterloo de Jan Willem Pieneman. Celle-ci propose une réflexion sur l’art de la guerre où l’on hume dans le chaos l’eau de Cologne de Napoléon. Il l’emportera à Sainte-Hélène en mémoire de sa gloire. Plus récente, datée de 1964, Orange Blue d’Ellsworth Kelly. Dans cette composition abstraite, synesthétique, les émotions et la perception des couleurs se rejoignent. 1/3 d’orange, 2/3 de bleu, et voilà l’essence d’orange et la caldone qui se rencontrent. Ces 12 créations composent un coffret collector intégrant Odeuropa, un projet européen qui explore l’histoire de l’Europe à travers son héritage olfactif.