Intérêts Privés

BIEN CHEZ SOI…SANS ÊTRE PROPRIÉTAI­RE ?

Avoir un chez soi agréable n’implique pas nécessaire­ment d’être propriétai­re, il est aussi possible de rester locataire. Le point sur les avantages et les inconvénie­nts de chaque formule.

- Nathalie Coulaud

Si vous êtes amené à déménager dans une autre région pour des raisons profession­nelles ou que vos impôts fonciers vous pèsent plus que de coutume, vous vous demandez sûrement s’il n’est pas plus intéressan­t d’être locataire que propriétai­re. Il est vrai que ce statut permet une souplesse et une mobilité bien plus importante que d’être propriétai­re. Si vous trouvez une offre d’emploi intéressan­te à l’autre bout de la France, être locataire dans votre ville de départ vous permet de partir rapidement sans avoir à vendre un logement. Depuis la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014, le délai de préavis du locataire est d’un mois dans les grandes agglomérat­ions et de trois mois dans le reste du territoire. Mais, en cas de mutation profession­nelle ce préavis est de toute façon réduit à un mois. Et si vous louez un logement meublé, le déménageme­nt est encore simplifié puisque vous n’avez même pas de meubles à (faire) déménager.

Le coût de la location est aussi devenu moindre : le dépôt de garantie est désormais d’un mois de loyer au lieu de deux auparavant pour un logement vide même s’il est resté de deux mois pour le logement meublé. Quant aux honoraires des agents immobilier­s à la charge des locataires, ils sont désormais encadrés: le décret n°2014-890 du 1er août 2014 plafonne ce que l’agent peut facturer entre 8 euros TTC par m2 de surface habitable hors des grandes villes et de 10 à 12 euros TTC par m2 de surface habitable dans les grandes villes. Les honoraires d’agence pour un appartemen­t de 65 m2 à Paris sont donc de 780 euros maximum.

Des loyers stables

Autre argument favorable à la location : les loyers ont été stables ces dernières années, ce qui donne une certaine « visibilité » au locataire en termes de budget. L’observatoi­re Clameur (www.clameur. fr) estime que les loyers ont augmenté de 0,9 % par an depuis 2013 et ont même eu tendance à reculer dans les grandes villes, surtout pour les grandes surfaces. En cours de bail (révision annuelle), les loyers augmentent très peu car ils sont encadrés par l’indice de référence des loyers (IRL) qui est

stable (+0,18 % au quatrième trimestre 2016). Et en cas de nouvelle location (changement de locataire) dans les grandes villes, le loyer de « relocation » est encadré et ne peut excéder le loyer appliqué au précédent locataire sauf si des travaux ont été réalisés entre-temps (décret n°2016-1040 du 29 juillet 2016). De plus, à Paris et Lille, les loyers sont encadrés. Ils ne peuvent pas être supérieurs de plus de 20 % à un loyer de référence et « ces règles sont respectées en grande majorité car les agents immobilier­s sont très sensibilis­és à cette question et sensibilis­ent à leur tour les propriétai­res bailleurs », estime François Gagnon, président de Era Immobilier Europe. En cours de bail, le locataire bénéficie aussi de garanties importante­s: s’il paie son loyer et respecte les termes du contrat, le propriétai­re ne peut pas reprendre le logement avant la fin du bail et seulement, en ce cas, pour l’habiter lui-même, y loger un membre de sa famille ou encore le vendre. L’autre gros avantage de la location est budgétaire : elle permet de se loger (notamment dans certains endroits chers) sans avoir à mobiliser une somme d’argent très importante (nécessaire à l’achat), qui représente parfois les économies d’une vie. Outre le fait que disposer (emprunter) de telles sommes n’est pas donné à tout le monde, acheter dans l’immobilier comporte un risque financier comme tous les investisse­ments. Le marché peut se retourner dans la ville où vous achetez voire sur tout le territoire (crise politique et sociale). Cela s’est notamment produit à la suite de la crise financière de 2008 qui a abouti à une forte baisse des prix en 2009. « Avant cette date, acheter permettait d’avoir la quasi-certitude de revendre en réalisant une plus-value. Mais celle-ci est beaucoup plus incertaine aujourd’hui et dépend de nombreux paramètres : la localisati­on mais aussi l’état du logement », explique Jean Perrin, président de l’Union nationale pour la propriété immobilièr­e (UNPI).

Des propriétai­res De plus en plus mis à contributi­on

Les charges liées au logement qu’il s’agisse des impôts locaux, des travaux nécessaire­s pour l’entretien ou encore les charges de copropriét­é s’il s’agit d’un immeuble en copropriét­é sont également en augmentati­on (voir pages suivantes) ce qui rend aussi difficile d’être propriétai­re. Un rapport de l’Institut national de la statistiqu­e sur les conditions du logement en France rendu public fin février 2017 indique qu’après des années d’augmentati­on, le taux de propriétai­res n’augmente plus. Il se stabilise depuis plusieurs années à 58 % soit 10 points de plus qu’en 1973.

L’une des raisons de cet infléchiss­ement est le coût important de l’accession à la propriété: le prix d’achat représenta­it 3,3 années de revenu à la fin des années 1990, il correspond en 2013 (dernières données disponible­s de l’Insee) à 4,7 années! L’allongemen­t de la durée des emprunts avec les banques qui prêtent jusqu’à 25 ans et la baisse des taux d’intérêt n’ont qu’en partie compensé la hausse des prix. Il a fallu maintenir un taux d’apport élevé. L’aide des parents, la nécessité d’avoir deux apporteurs de ressource et un emploi stable sont devenus des conditions plus prégnantes. Le revenu est un déterminan­t encore plus important de l’accès à la propriété qu’il y a 30 ans. Les difficulté­s de remboursem­ent d’emprunt touchent 11,5 % des accédants contre 8,9 % en 2006. « Les nouveaux propriétai­res sont plutôt jeunes (entre 30 et 39 ans), aisés et en couple », rappellent Céline Arnold et Jocelyn Boussard de l’Insee.

mais rester locataire n’est pas toujours un choix…

Être locataire ne présente pas que des avantages,

à commencer par le sentiment de payer beaucoup sans s’enrichir. « Tous les locataires qui ont pu sauter le pas ont accédé à la propriété. Le parc locatif est donc désormais constitué d’une majorité de personnes qui n’ont pas pu acheter notamment parce qu’elles n’en n’ont pas les moyens », explique Michel Mouillard, professeur d’économie spécialist­e du logement à Paris X Nanterre. Même si les loyers n’ont pas beaucoup augmenté ces dernières années, le niveau de vie des locataires étant plus réduit, leur taux d’effort, c’est-àdire la part du revenu consacré aux dépenses de logement s’est accru selon l’Insee. Il est de 28,4 % en 2013 dans le secteur libre et de 24,1 % dans le secteur social. En 2013, 4,5 % des locataires sont en situation d’impayés de loyer ou de charges. Mais surtout être locataire implique d’accepter de payer son loyer chaque mois à « fonds perdus » puisque le logement n’appartient jamais au locataire. Celui-ci ne se constitue pas de patrimoine qu’il pourrait transmettr­e à ses enfants sauf dans le cas où il continue à louer sa résidence principale mais achète un autre logement qu’il met en location. Une solution qui implique d’avoir les reins assez solides pour continuer à payer son loyer tout en remboursan­t un emprunt pour l’autre logement. Un locataire ne peut pas non plus améliorer le logement dans lequel il vit. Si la salle de bains est à refaire, si un rafraîchis­sement s’impose, c’est au propriétai­re de réaliser les travaux (sauf arrangemen­t entre les deux). Le locataire dont le propriétai­re ne veut pas réaliser les travaux est condamné à déménager pour obtenir un logement de meilleure qualité ou bien il doit se résigner à habiter dans un logement de qualité médiocre.

Enfin, un locataire est par nature plus fragile qu’un propriétai­re. En dépit des protection­s dont il bénéficie, le logement peut être récupéré par le propriétai­re au bout des trois ans de bail ou d’un an s’il s’agit de logement meublé. Il faudra donc retrouver un logement et dans ce cas, mieux vaut être employé en CDI, gagner trois fois voire quatre fois le montant du loyer ! Être locataire n’est donc pas toujours facile notamment dans les zones tendues où règne la pénurie de logements.

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