Intérêts Privés

LOUER ET PROFITER DE LA STABILITÉ DES LOYERS

L’augmentati­on des loyers se situe à un niveau historique­ment bas pour des raisons économique­s mais aussi en raison d’une législatio­n favorable au locataire. C’est donc le moment d’en profiter.

- Nathalie Coulaud

Les augmentati­ons de loyer des logements privés sont très encadrées en France. Ainsi, pour le logement vide comme meublé, l’augmentati­on du loyer ne peut avoir lieu qu’en suivant la variation de l’Indice de révision des loyers (IRL) qui augmente faiblement. Cet indice est issu de la loi n°2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat et avait été spécialeme­nt prévu pour limiter la hausse des loyers. Cela a fonctionné puisque entre 2013 et fin 2016, la hausse de cet indice, au début de +1,54 % est tombée à +0,06 %. En 2016, il a été extrêmemen­t stable avec des augmentati­ons situées entre +0,06 % au troisième trimestre et +0,18 % au quatrième trimestre. Au deuxième trimestre, l’IRL à 0 % n’a même pas augmenté du tout. « La hausse des loyers se situe à un niveau historique­ment bas et l’IRL qui augmentait de 2 % par an début 2013 s’est replié continûmen­t. Cela explique que, au total, de 2013 à 2017, les loyers ont progressé de 0,4 % pour une inflation à 0,6 % », rappelle l’Insee dans son rapport sur les conditions du logement en France en 2017.

Tendance à la sTabiliTé ou à la baisse

C’est donc lors d’un bail avec un nouveau locataire que le loyer peut augmenter mais encore faut-il que le marché s’y prête, c’est-à-dire qu’un locataire soit prêt à payer le prix demandé. Or les locataires n’y sont pas prêts et les propriétai­res n’augmentent pas leurs loyers. L’observatoi­re Clameur, qui observe 26,9 % des baux du marché privé, estime que les loyers sont très stables voire diminuent dans certaines villes. Les loyers reculent dans 50,9 % des villes de plus de 10000 habitants. En 2017, les loyers progressen­t moins que l’inflation dans 75 % des villes de plus de 148000 habitants. Depuis 2013, les loyers ont augmenté moins que l’inflation dans 70 % des villes de plus de 148 000 habitants. Ils ont reculé à Angers, au Havre, à Marseille et à Saint Etienne. Ils ont très faiblement progressé à Grenoble, à Lille, à Montpellie­r, à Strasbourg et à Toulon. Mais ces moyennes cachent des différence­s, notamment en fonction de la taille du logement. Les loyers des studios et une pièce stagnent et ont été très affectés depuis 2010 par la crise. En revanche, les loyers des deux pièces et plus de cinq pièces progressen­t plus vite que l’ensemble du marché avec une augmentati­on de +1 % sur

l’année. Les loyers des 3 et 4 pièces, augmentent dans la moyenne du marché avec +0,4 %.

Une législatio­n favorable aU blocage des loyers

Première raison de cette stabilisat­ion des loyers: depuis plusieurs années, le législateu­r a limité par tous les moyens leur augmentati­on. La loi pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de 2014 a ainsi posé le principe de l’encadremen­t généralisé des loyers dans les grandes villes. Paris et Lille ont mis en place cette mesure : désormais, un bailleur ne peut fixer son loyer à un montant situé au-dessus de 20 % d’un loyer de référence. L’Observatoi­re des loyers de la région parisienne

(Olap) qui a examiné les baux de 5500 logements estime que 73 % des emménageme­nts se sont conclus avec un loyer situé en dessous du maximum autorisé et 26 % ont dépassé le plafond. Mais rappelons que le bailleur peut justifier de ne pas appliquer le plafond si son appartemen­t présente des caractéris­tiques de confort ou de localisati­on particuliè­res. Au total, l’Olap estime que l’encadremen­t a permis de réduire les loyers de 40 euros par mois en moyenne. Le complément de loyer, quand il existe, représente 16 % du loyer hors charges, soit un montant de 186 euros par mois en moyenne. Pour l’instant, les autres villes n’ont pas prévu d’encadrer les loyers même si Saint-Denis et Grenoble y réfléchiss­ent.

Autre mesure d’encadremen­t: dans les grandes agglomérat­ions (les 28 plus grandes du pays), en cas de relocation du logement (changement de locataire), le loyer doit être le même que celui du précédent locataire sauf si le logement est loué pour la première fois, s’il n’a pas été loué depuis plus de 18 mois ou si le logement a bénéficié de travaux d’améliorati­on depuis moins de six mois pour un montant au moins égal à la dernière année de loyer pratiqué.

Le propriétai­re est aussi très limité dans ses possibilit­és d’augmenter le loyer s’il estime que celui-ci est manifestem­ent sous évalué. Il doit notamment trouver six références de logements similaires montrant que le loyer est faible et fournir tous les éléments concernant l’équipement du logement, l’adresse etc. Autant dire que rares sont les propriétai­res à s’engager dans cette procédure.

Des raisons économique­s

À ces raisons législativ­es, s’ajoutent les raisons économique­s. « Toute cette mécanique de blocage des loyers est intervenue au moment où de toute façon les loyers étaient en train de baisser pour des raisons économique­s », estime Michel Mouillart, professeur d’Economie à l’Université de Paris Ouest. En effet, les locataires sont désormais plus modestes car tous ceux qui le pouvaient ont accédé à la propriété. Les loyers ont donc stagné ou baissé pour s’adapter à leurs revenus.

Si à court terme, la situation est intéressan­te pour les locataires, à plus long terme, elle risque d’être compliquée. Selon l’observatoi­re Clameur, les systèmes d’encadremen­t des loyers ont créé une situation de blocage avec des propriétai­res-bailleurs qui se sont désengagés du marché. La crainte d’une pénurie de l’offre généralisé­e et durable resurgit ! Et cela d’autant plus que, à Paris, l’offre locative privée affiche un déficit de 12 % par rapport à la situation des années de 1998 à 2008. Autre problème : le parc de logement locatif va être de moins en moins entretenu. La part des appartemen­ts qui sont reloués avec des travaux est de 14,1 % en 2017 alors qu’elle était en moyenne de 22,2 % entre 1998 et 2017. « Les propriétai­res ont du mal à réaliser l’entretien minimal car on estime que 22 % des baux sont affectés par la baisse des loyers et que la perte de recettes locatives est de l’ordre de 16,8 % », constate Michel Mouillart. Même constat pour Alain Dinin, le PD-G de Nexity qui critique la réglementa­tion actuelle. « Pour réellement bloquer les loyers, la solution est de construire plus. À Lyon, les loyers se sont stabilisés car la ville a construit. En effet, les mécanismes d’encadremen­t des loyers bloquent le marché avec des effets pervers: les propriétai­res vendent leur bien ou ne l’entretienn­ent plus. L’offre baisse et au final les prix remontent ». Reste à voir si rester locataire sera toujours aussi intéressan­t à l’avenir? Mais, si les prix à l’achat s’emballent, cela peut être une sage solution d’attente, jusqu’à la prochaine accalmie.

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