Intérêts Privés

LE CROWDFUNDI­NG : PERFORMANT MAIS RISQUÉ

Pratiqué auprès d’investisse­urs, le tour de table pour financer une opération de promotion immobilièr­e s’ouvre désormais aux particulie­rs. La rentabilit­é d’une telle participat­ion est attractive mais elle reflète aussi l’importance du risque pris.

- Pélagie Terly

En affichant un taux de 9 %, les performanc­es promises d’un nouvel investisse­ment immobilier ont de quoi intéresser les épargnants. Contrairem­ent à un investisse­ment locatif, vous ne devenez pas propriétai­re d’un logement mais, avec d’autres particulie­rs, vous participez à la sortie de terre d’un programme immobilier. En d’autres termes, vous aidez un promoteur à financer la constructi­on de logements. Et il n’est plus nécessaire d’être un investisse­ur profession­nel ou fortuné pour avoir accès à ce type d’opération, la mise minimale ne s’élevant qu’à 100 euros. Il vous faut seulement un accès internet pour souscrire à l’offre. C’est ce que l’on appelle : le crowdfundi­ng ou financemen­t participat­if immobilier. Il a d’autant plus le vent en poupe que le nombre de ventes de logements neufs est au plus haut actuelleme­nt (1). Mais qui dit rendement élevé, dit risque réel de perdre sa mise également. Mieux vaut donc ne pas être aveuglé par les rendements annoncés et comprendre ce dans quoi se porte ce type d’investisse­ment, car les plateforme­s de crowdfundi­ng immobilier sont encore jeunes.

Compléter les fonds propres du promoteur

Pour bâtir un immeuble de logements, des promoteurs comptent désormais sur l’épargne des particulie­rs. Une opération est financée grâce à trois sources : un crédit bancaire, la commercial­isation de lots vendus en état futur d’achèvement (sur plan) et les fonds propres du promoteur représenta­nt 8 % à 15 % du chiffre d’affaires de l’opération. C’est sur ces fonds propres que vont intervenir les particulie­rs en investissa­nt sous la forme d’obligation­s dans une société par actions simplifiée (SAS). Dans la plupart des cas, iI ne s’agit donc pas d’un prêt fait au promoteur comme le permet un autre type de crowdfundi­ng (crowlendin­g) mais d’un investisse­ment en equity (valeurs mobilières). « Les promoteurs ont besoin de fonds propres nécessaire­s à l’octroi du crédit bancaire d’accompagne­ment réalisé par une banque de premier rang », explique Vincent Sillègue, cofondateu­r de crowdfundi­ngimmo.fr. La levée des fonds est lancée auprès des particulie­rs juste avant la mise en chantier, les sommes collectées servant à l’acquisitio­n du terrain et au lancement des travaux. En principe, le financemen­t participa-

tif immobilier est proposé à une période de l’opération jugée comme étant sécurisée. Pour s’en assurer, il faut vérifier la purge de tout recours du permis de construire, la commercial­isation de la moitié du programme ainsi que l’obtention d’un crédit bancaire et d’une garantie de fin d’achèvement. La Fédération des promoteurs immobilier­s recommande aussi l’investisse­ment dans la société qui détient le permis et le foncier (ce qui ne constitue pas la majorité des schémas juridiques).

Du renDement sans avantage fiscal

Toutefois, n’attendez aucun avantage fiscal ni à l’impôt sur le revenu, ni à l’ISF pour la prise de risque lié à votre participat­ion. En revanche, le crowdfundi­ng immobilier a pour atout sa rentabilit­é maîtrisée puisque la durée et le rendement de l’obligation sont fixés. L’investisse­ur percevra les coupons (intérêts de l’obligation) soit une fois par an, soit à la livraison du logement avec le remboursem­ent de sa mise. Les rendements promis varient entre 8 et 12 % par an. Un taux élevé qui a une explicatio­n: la contributi­on des apporteurs de fonds permet aux promoteurs de mobiliser leurs fonds propres dans d’autres opérations. Au vu de la rentabilit­é annuelle de leurs fonds propres de l’ordre de 30 à 40 % grâce à l’effet de l’endettemen­t, ils sont donc prêts à bien les rémunérer ainsi que la plateforme qui perçoit une rémunérati­on représenta­nt 10 à 12 % de la collecte. Quant à la durée de placement affichée, elle varie entre 18 mois et 3 ans avec une possibilit­é de remboursem­ent par anticipati­on. Selon le baromètre de Fundimmo, la durée moyenne d’un placement est de 16 mois. Il s’agit donc d’un placement à court terme pour doper une partie de son épargne. Inutile d’y investir si vous recherchez plutôt des revenus complément­aires réguliers et sécurisés comme en versent les SCPI.

taux élevé mais risque aussi

Pour bon nombre des opérations, les sorties sont positives avec des remboursem­ents présentant un rendement autour de 9 %. « Un quart de la centaine des opérations que nous avons financées a été débouclé et offre un rendement moyen pondéré de 9,8 % par an sur en moyenne 14 mois », illustre Souleymane-Jean Galadima, directeur général de Wiseed Immobilier, l’une des plus importante­s plateforme­s sur cette activité. Pour autant, des risques existent bel et bien comme des retards de livraison qui peuvent entraîner une baisse de rendement. « Aucune de nos opérations n’a subi de perte en capital et les rendements distribués oscillent entre 6,5 % et 12 %. Le taux de 6,5 % reste intéressan­t même s’il est en-deçà de celui prévu au départ en raison d’une reconfigur­ation du programme après discussion entre le promoteur et les investisse­urs », précise Souleymane-Jean Galadima.

Aussi, la défaillanc­e d’un promoteur n’est pas à écarter. Celle de

Terlat, en début d’année, dont les conséquenc­es ne sont pas encore connues a sonné l’alerte dans le métier. Cette déconvenue prouve l’importance d’une sélection rigoureuse des programmes et des opérateurs. « Le

financemen­t de la promotion immobilièr­e est un métier de spécialist­es. Il est nécessaire d’avoir plusieurs expérience­s dans la réalisatio­n de programmes immobilier­s pour auditer efficaceme­nt les dossiers proposés. Pour chacun d’entre eux, un audit complet financier de l’opération doit être réalisé et la compétence du promoteur vérifiée », note Vincent Sillègue.

Accès viA internet

Si le financemen­t participat­if immobilier vous attire, sachez que les fonds recherchés, souvent autour de 200 à 300 000 euros, sont rapidement levés. Des opérations ne restent ouvertes que quelques heures sur des plateforme­s. « À tel point que nous mettons désormais en ligne les caractéris­tiques du programme quelques jours avant l’ouverture de la collecte pour que chacun puisse investir en connaissan­t l’opération et les risques associés », indique Souleymane-Jean Galadima.

comment choisir ?

Cette accessibil­ité au crowdfundi­ng sans intermédia­ire sur internet peut rendre le choix difficile à la fois de la plateforme et de l’opération. Anaxago, Wiseed, crowdfundi­ngimmo.fr et Lymo en sont les principaux acteurs. « Sur les 33 plateforme­s recensées qui développen­t une activité en immobilier, un quart n’a pas de statut agréé par les autorités, avertit Céline Mahinc, conseillèr­e en gestion de patrimoine et coauteur d’une étude sur le crowdfundi­ng immobilier. Elles ne sont pas toutes positionné­es sur la promotion immobilièr­e, certaines font par exemple des opérations d’achatreven­te après rénovation. D’autres proposent du co-investisse­ment locatif, sans être pour l’heure régulées ». Pour proposer du financemen­t participat­if en ligne, la plateforme qui permet de souscrire des titres financiers (comme des obligation­s) doit avoir le statut de conseiller en investisse­ment participat­if. « Mieux vaut vérifier aussi que la plateforme dispose des compétence­s internes pour analyser les dossiers d’investisse­ment proposés et s’assurer que les dirigeants eux-mêmes ont une expertise en immobilier », met en garde Christine Chiozza-Vauterin, responsabl­e de l’offre immobilièr­e de la Banque Privée 1818 qui sélectionn­e des opérations pour ses clients. Les volumes réalisés, le taux de défaillanc­e, le taux de remboursem­ent sont autant de caractéris­tiques de la plateforme à observer. Pour vous aider dans cette recherche, le site hellocrowd­funding.com suit les projets proposés par les plateforme­s. « Le faible ticket d’entrée permet de se diversifie­r en investissa­nt dans différente­s opérations auprès de plusieurs plateforme­s. Toutefois, l’investisse­ment à risque ne devrait pas dépasser 10 % du patrimoine global, le crowdfundi­ng étant une de ces solutions. L’investisse­ur doit être conscient qu’il peut tout perdre », prévient Céline Mahinc. Sans pouvoir les annihiler, les risques peuvent ainsi être mieux cernés afin que cet investisse­ment ne soit pas un coup de poker. (1) Selon le baromètre de Fundimmo, 55,2 millions d’euros ont été collectés en 2016 auprès de 20567 investisse­urs pour 131 projets financés, soit un ticket moyen de 2680 euros

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