Intérêts Privés

Crédit à deux : quelles ressources retenir ?

EMPRUNTER EST SOUVENT FACILE, REMBOURSER PLUS DIFFICILE. AVEC UN POINT CENTRAL: LA BANQUE EST-ELLE TOUJOURS DE BONNE FOI?

- SERGE FLORENTIN

L’affaire qui vient d’être jugée par la Cour de cassation (1) est exemplaire, parce que le litige pourrait concerner tout le monde et aussi par la solution apportée en matière de crédit. Un couple décide de créer une petite entreprise de menuiserie et d’emprunter pour acheter le matériel nécessaire et se lancer. Ses revenus sont faibles, et c’est le Crédit agricole qui accorde trois prêts pour financer la nouvelle entreprise. Les résultats tardent à venir, deux autres prêts sont accordés deux ans plus tard. Le dossier est modeste, 36 100 euros au total. Malheureus­ement la menuiserie dépose son bilan, ce qui n’empêche pas la banque, comme elle en a le droit, de réclamer le remboursem­ent des prêts.

Que faire ? L’épouse pense trouver la faille. Elle assigne le Crédit agricole en justice avec un argument simple: ses propres ressources sont de 1500 euros par mois alors que les remboursem­ents mensuels se montent à plus de la moitié. La banque aurait prêté sans discerneme­nt à une personne incapable de rembourser, sans respect de son devoir de conseil et de prudence. La cour d’appel d’Orléans va accepter cet argument, accordant 20 000 euros à la plaignante, ce qui grosso modo compensait la somme restant due à la banque.

POUR UN EMPRUNT CO-SOUSCRIT À DEUX, LE NIVEAU D’ENDETTEMEN­T EST APPRÉCIÉ AU NIVEAU DU COUPLE

Pas question, estime le Crédit agricole qui, au-delà de la somme, ne souhaitait pas créer de précédent. La Cour de cassation est saisie et va annuler l’arrêt d’appel avec une analyse simple : lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs personnes, la capacité de remboursem­ent ne doit pas s’évaluer individuel­lement mais collective­ment. Il importe peu que l’épouse ait un salaire modeste, il faut y ajouter les capacités contributi­ves de son mari afin de voir si l’endettemen­t du couple dans son ensemble n’était pas manifestem­ent disproport­ionné au jour de la souscripti­on. Comme ce n’était pas le cas, la Cour de cassation a donné tort à l’épouse.

Mieux aurait fallu que le mari emprunte seul et que l’épouse se porte caution. Là elle aurait pu faire valoir un manque de conseil de la banque et une mauvaise appréciati­on de ses capacités contributi­ves avec succès. Mais la banque aurait-elle accepté ?

UN EMPRUNT À PLUSIEURS NE PERMET PAS D’ISOLER LES REVENUS DE CHACUN POUR LE REMBOURSEM­ENT

(1) Com. - 4 mai 2017 - n°16.12.316

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