Intérêts Privés

PLACEMENT CATASTROPH­E

VOS RECOURS CONTRE LES CONSEILLER­S

- Pélagie Terly

Votre argent s’est évaporé ! Le rendement promis n’est finalement pas au rendez-vous, la défiscalis­ation immobilièr­e ne tient pas ses promesses… Des investisse­urs en diamants, manuscrits (Aristophil), en outremer (Girardin), en immobilier (Robien…), en produits à capital garanti et d’autres encore… ont fait l’amère expérience de mauvais placements. Si pour récupérer sa mise, les tentatives de résolution à l’amiable échouent, il faut alors aller au contentieu­x. Mais rien n’est gagné devant les juges. Pour mettre toutes les chances de votre côté, le premier réflexe est surtout d’agir vite.

AGIR SANS TARDER !

Lorsqu’un problème survient sur un placement réalisé, ne laissez surtout pas cette situation s’éter- niser. Le risque ? Dépasser le délai de prescripti­on qui est de 5 ans en droit commun (mais de deux ans seulement pour l’assurance-vie, sauf exception). Une fois cette période écoulée, l’action en justice ne sera plus recevable. C’est un point fondamenta­l lors d’une poursuite judiciaire. « Ce délai de prescripti­on occupe une grande partie du contentieu­x car il est quasiment toujours soulevé par la partie adverse. Les juges se prononcent sur la recevabili­té de l’action avant toute décision sur le fond », explique Hélène Féron-Poloni, avocate. Par précaution, il faut raisonner en retenant que le point de départ du délai de 5 ans est la date de la souscripti­on du contrat ou de la conclusion de la vente. Toutefois, dans certains cas, le délai de prescripti­on peut courir à partir de la découverte du préjudice ; c’est le cas pour tous les placements et opérations à terme dont le résultat s’apprécie après l’écoulement d’un nombre d’années défini dès la souscripti­on (et qui peut dépasser les 5 ans). Ces opérations supposent que l’épargnant conserve un temps déterminé le produit financier en question, la prescripti­on ne courra donc pas avant la fin de la période de placement.

VOTRE CONSEILLER A-T-IL BIEN REMPLI SES OBLIGATION­S ?

Qu’il s’agisse d’une banque, d’un assureur ou d’un conseiller en gestion de patrimoine, le profession­nel

doit respecter certaines obligation­s envers son client. Obligation d’informatio­n : le profession­nel doit renseigner son client correcteme­nt, et d’autre part, il est tenu d’un devoir de conseil. La solution qu’il propose doit être adaptée au profil du client (ses objectifs, son appétence ou non au risque, son imposition, son patrimoine…). À défaut de remplir ces obligation­s, la responsabi­lité du conseiller peut être engagée devant les tribunaux. « Les établissem­ents bancaires ont également un devoir de vigilance sur les comptes qu’ils tiennent non seulement pour leurs clients épargnants mais aussi parce qu’ils gèrent les comptes de sociétés qui peuvent s’avérer appartenir à des escrocs. Leur responsabi­lité est recherchée à ce titre dans des affaires de placement en diamants ou en manuscrits », explique Hélène Féron-Poloni.

DEMANDER UNE INDEMNISAT­ION

Lorsque l’épargnant mène une action en justice (souvent au TGI), il va, selon les circonstan­ces, demander une indemnisat­ion du préjudice ou la nullité du placement. Si la décision est rendue en faveur de l’investisse­ur - la responsabi­lité du profession­nel étant retenue - le juge peut attribuer des dommages et intérêts selon la perte subie. « Il faut d’ailleurs agir en justice lorsque la perte est certaine et non en cas de moins-values latentes », précise Hélène Féron-Poloni. En immobilier locatif, par exemple, la demande d’indemnisat­ion peut porter sur la moins-value, les loyers non touchés et la perte de l’avantage fiscal. L’épargnant peut également demander des dommages et intérêts pour perte de chance, c’est-à-dire qu’en ayant souscrit telle solution, il s’est privé de la possibilit­é de réussir un placement. « La Cour de cassation n’indemnise jamais à hauteur de 100 % du préjudice financier. Elle estime que l’indemnisat­ion de la perte de chance ne peut être égale à l’intégralit­é du préjudice financier subi », souligne Hélène Féron-Poloni. Mais, il est tout à fait possible pour le juge de retenir une indemnisat­ion équivalant à 99 % de la perte financière, s’il considère qu’il y avait, par exemple, 99 % de chances que le produit ne soit pas souscrit si l’informatio­n pré-contractue­lle avait été remise dans son intégralit­é.

SOLLICITER UNE ANNULATION

immobilier, Autre demander votre investisse­ment. possibilit­é la cette nullité nullité En de : va de être manoeuvres sollicitée en dolosives cas (tout ne vous a pas été dit sur le placement ou des erreurs ont été commises pour vous inciter à signer). Toutefois, l’annulation reste difficile à obtenir et risquée si le promoteur est insolvable : vous devrez rembourser le crédit dans sa totalité alors que le montant de l’investisse­ment annulé ne vous sera peut-être pas restitué. « Il vaut mieux subordonne­r la réalisatio­n du transfert de propriété contre la restitutio­n du prix d’achat pour pouvoir rembourser le crédit », conseille Hélène Féron-Poloni. Pour les autres placements, la nullité est rarement accordée. « L’épargnant peut toutefois renoncer à un contrat d’assurance-vie pour manquement aux obligation­s précontrac­tuelles d’informatio­n et avoir gain de cause devant les tribunaux même si une jurisprude­nce de 2016 est désormais moins favorable à ce cas de figure », souligne Hélène Féron- Poloni.

PAS DE NÉGLIGENCE

Pour être bien indemnisé, l’épargnant ne doit pas être tenu par le juge pour responsabl­e de sa situation, en ayant été négligent, par exemple. « C’est pourquoi, l’investisse­ur doit surveiller périodique­ment son placement sans s’en remettre complèteme­nt à son conseiller », recommande l’avocate. Et chaque juge appréciera la situation. À tel point que des affaires similaires peuvent, d’un tribunal à l’autre, ne pas connaître la même décision. En revanche, agir en justice parce que le gain perçu n’est pas suffisant est souvent peine perdue.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France