COPROPRIÉTÉ : UNE RÉFORME EN VUE
La loi logement attendue en début d’année devrait porter une réforme importante en matière de copropriété. vote des travaux, rôle du conseil syndical, modalités de prise des décisions par l’assemblée générale pourraient être modifiées.
Un groupe de travail, le Groupe de recherche en copropriété (Grecco), constitué de juristes, planche actuellement sur des pistes de modifications du droit de la copropriété. Plusieurs raisons sont à l’origine de cette volonté de réforme. Tout d’abord, les copropriétés ne fonctionnent pas toujours très bien alors que les charges des copropriétaires s’alourdissent régulièrement. « Pour la seule période comprise entre 2015 et 2016, par exemple, les charges ont augmenté de 4 % », témoigne Claude Pouey, responsable de l’observatoire des charges de copropriété à l’Association des responsables de copropriété (ARC).
Autre motif de la réforme : les copropriétés ne réalisent que très rarement des travaux de rénovation énergétique. Leur gestion complexe et les augmentations des charges courantes expliquent, peut-être, cette situation de sous-investissement. En 2016, l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (Anah) estime avoir aidé à la rénovation de 56 615 logements individuels mais de seulement 13 061 logements en copropriété. Pourtant, la loi relative à la transition énergétique n°2015992 du 17 août 2015 impose la rénovation des logements consommant plus de 330 KWh/m2/an avant 2025. Le plan Hulot présenté récemment confirme cette volonté d’éradication des bâtiments énergivores dont font partie certaines copropriétés. La réforme envisagée aurait pour but de lever les blocages qui entravent la réalisation de travaux. Même si le projet de réforme n’en n’est qu’à son début, les pistes de réflexion ont été transmises par le Grecco au ministère de la justice et au ministère de la cohésion des territoires (en charge du logement). Certaines seraient ainsi reprises dans le texte et sont actuellement discutées entre le gouvernement, le Grecco et des représentants des syndics et des associations de copropriétaires. Ces dernières ont été peu associées au début de la réflexion ce qui a généré des inquiétudes. « Il est question de réformer la copropriété par ordonnance pour aller vite mais j’espère que le contenu des ordonnances sera concerté avec nous », prévient Emile Hagège, directeur général de l’ARC. La loi logement comprendrait donc un projet de loi d’habilitation permettant au gouvernement de réformer directement la copropriété. La loi per-
mettrait notamment une codification de la loi du 10 juillet 1965 qui organise le cadre juridique de la copropriété. Ainsi, un code de la copropriété serait créé et intégrerait, en outre, les modifications apportées par la loi logement.
➜ Un conseil d’administration poUr décider dans les gros immeUbles
Parmi les changements prévus, le texte comporterait une modification de la gouvernance des copropriétés avec l’instauration d’un conseil d’administration qui récupérerait une partie des pouvoirs de l’assemblée générale. Cela concernerait les copropriétés de plus de 100 lots. Ce conseil d’administration remplacerait le conseil syndical mais aurait beaucoup plus de pouvoirs que ce dernier. Il serait ainsi habilité à engager des travaux votés à la majorité de l’article 24 sans avoir à obtenir l’accord préalable de l’assemblée générale même s’il s’agit de travaux lourds comme un ravalement.
« Le danger de cette solution est que les décisions soient prises sans que personne ne soit consulté ce qui aboutirait à des catastrophes avec des copropriétaires qui refuseraient de payer », s’inquiète Edouard-Jean Clouet, un des fondateurs du site internet MeilleureCopro (www. meilleurecopro.com) qui accompagne les copropriétés dans leur démarche de baisse des charges. Les associations de copropriétaires estiment que cette réforme serait envisageable à la condition que l’assemblée générale vote pour un conseil d’administration proposant une feuille de route claire : projet précis de travaux avec indication du coût pour chacun des copropriétaires, par exemple.
Pour autant, ce texte devra prévoir des garde-fous, sinon le conseil pourrait se sentir tout puissant et engager des travaux avec lesquels les copropriétaires ne seraient pas d’accord. Cela implique de l’obliger, par exemple, à consulter de nouveau l’assemblée générale s’il veut changer la feuille de route prévue. De plus, il faut trouver des volontaires pour ce nouveau conseil. Pas simple, alors que l’absentéisme en assemblée générale est fort et que les immeubles ont parfois du mal à recruter des membres pour le conseil syndical… Le Grecco propose que les personnes pouvant être membres du conseil d’administration soient les mêmes que celles ayant le droit d’être élu au conseil syndical. Leur mandat serait de trois ans renouvelables et la révocation
serait collective. Le CA statuerait à la majorité de ses membres. Tout ce qui relève des décisions prises aujourd’hui en AG à la majorité de l’article 24 serait de la compétence du conseil d’administration et l’assemblée pourrait aussi lui confier le soin de prendre des décisions votées à la majorité absolue (article 25). Seule l’approbation des comptes resterait de la compétence exclusive de l’assemblée générale.
Les copropriétés de moins de 100 lots garderaient un conseil syndical et si elles comprennent plus de 51 lots, les immeubles pourraient choisir entre conseil syndical et conseil d’administration.
➜ CalCul des Charges simplifié
Il est aussi prévu que le calcul des charges soit simplifié. En effet, les charges payées par les appartements dépendent de facteurs multiples comme l’étage, l’exposition, le plan de l’appartement etc. Ce calcul est complexe, difficilement compréhensible et vérifiable par les copropriétaires. Le calcul des charges serait donc uniquement réalisé en fonction de la superficie de l’appartement et non de tous ces critères. De plus, il ne sera pas possible d’appliquer des charges communes spéciales si le règlement de copropriété ne le prévoit pas explicitement. Cela permettra de mettre fin à la jurisprudence qui reconnaissait ce type de charges alors que le règlement ou l’état descriptif de division de la copropriété ne les mentionnait pas. Les charges ne pourront plus être différentes en fonction d’un bâtiment (actuellement, si la copropriété en comporte plusieurs, les charges peuvent être différentes) ou de l’utilisation d’un équipement si le règlement ne le prévoit pas.
Serait aussi envisagée : la suppression du compte bancaire distinct pour le fonds travaux. En effet, toutes les copropriétés quelle que soit leur taille doivent être dotées d’un compte séparé permettant de verser les fonds nécessaires pour les travaux. Mais ce compte n’est pas ouvert partout et des questions sur le passage d’écritures comptables demeurent en suspends. Un seul compte serait donc ouvert au nom de la copropriété et les fonds pour les travaux seraient versés avec les sommes prévues pour les appels de charges courantes. « Cette piste est intéressante, mais le droit de la copropriété et notamment les règles comptables sont modifiées en permanence ce qui crée des difficultés de compréhension des copropriétaires et une surcharge de travail pour les syndics », estime Christophe Tanay, président de l’Unis (union des syndicats de l’immobilier) qui demande au nom des syndics une atténuation de l’inflation législative et réglementaire.
➜ un patrimoine propre pour le syndiCat des Copropriétaires
Le syndicat des copropriétaires pourrait aussi posséder un patrimoine propre. Pour l’instant, même si celui-ci peut être propriétaire d’un appartement pour loger le gardien par exemple, il n’existe pas de compte spécifique dans la comptabilité des immeubles permettant de reconnaître ce bien. Avantage de cette modification, en cas de vente des biens appartenant en propre au syndicat des copropriétaires, le prix ne serait pas réparti entre tous les copropriétaires mais conservé par le syndicat et affecté à l’entretien du bâtiment et à sa rénovation énergétique. Pour l’instant, il est automatiquement redistribué aux copropriétaires sauf si l’assemblée générale en décide autrement de façon explicite. Le texte se pencherait enfin sur les syndics, concernant la mise en cause de leur responsabilité en cas de manquement à leurs obligations. Actuellement, il est très difficile pour les copropriétaires d’obtenir gain de cause en cas d’erreur de gestion du syndic. De plus, celui-ci a un statut ambigu car il est à la fois le mandataire de l’immeuble mais aussi un indépendant qui doit développer son activité. Il peut donc avoir des intérêts divergents avec l’immeuble qu’il représente. L’ARC propose un nouveau statut du syndic professionnel qui deviendrait un prestataire de la copropriété avec comme contre-pouvoir un conseil syndical qui serait doté de la personnalité morale et qui pourrait engager une action judiciaire à son encontre en cas de manquements aux dispositions légales, réglementaires ou déontologiques. Reste à voir si ces propositions passeront la barrière du « lobby » des syndics.