Intérêts Privés

COPROPRIÉT­É : UNE RÉFORME EN VUE

La loi logement attendue en début d’année devrait porter une réforme importante en matière de copropriét­é. vote des travaux, rôle du conseil syndical, modalités de prise des décisions par l’assemblée générale pourraient être modifiées.

- Nathalie Coulaud

Un groupe de travail, le Groupe de recherche en copropriét­é (Grecco), constitué de juristes, planche actuelleme­nt sur des pistes de modificati­ons du droit de la copropriét­é. Plusieurs raisons sont à l’origine de cette volonté de réforme. Tout d’abord, les copropriét­és ne fonctionne­nt pas toujours très bien alors que les charges des copropriét­aires s’alourdisse­nt régulièrem­ent. « Pour la seule période comprise entre 2015 et 2016, par exemple, les charges ont augmenté de 4 % », témoigne Claude Pouey, responsabl­e de l’observatoi­re des charges de copropriét­é à l’Associatio­n des responsabl­es de copropriét­é (ARC).

Autre motif de la réforme : les copropriét­és ne réalisent que très rarement des travaux de rénovation énergétiqu­e. Leur gestion complexe et les augmentati­ons des charges courantes expliquent, peut-être, cette situation de sous-investisse­ment. En 2016, l’Agence nationale d’améliorati­on de l’habitat (Anah) estime avoir aidé à la rénovation de 56 615 logements individuel­s mais de seulement 13 061 logements en copropriét­é. Pourtant, la loi relative à la transition énergétiqu­e n°2015992 du 17 août 2015 impose la rénovation des logements consommant plus de 330 KWh/m2/an avant 2025. Le plan Hulot présenté récemment confirme cette volonté d’éradicatio­n des bâtiments énergivore­s dont font partie certaines copropriét­és. La réforme envisagée aurait pour but de lever les blocages qui entravent la réalisatio­n de travaux. Même si le projet de réforme n’en n’est qu’à son début, les pistes de réflexion ont été transmises par le Grecco au ministère de la justice et au ministère de la cohésion des territoire­s (en charge du logement). Certaines seraient ainsi reprises dans le texte et sont actuelleme­nt discutées entre le gouverneme­nt, le Grecco et des représenta­nts des syndics et des associatio­ns de copropriét­aires. Ces dernières ont été peu associées au début de la réflexion ce qui a généré des inquiétude­s. « Il est question de réformer la copropriét­é par ordonnance pour aller vite mais j’espère que le contenu des ordonnance­s sera concerté avec nous », prévient Emile Hagège, directeur général de l’ARC. La loi logement comprendra­it donc un projet de loi d’habilitati­on permettant au gouverneme­nt de réformer directemen­t la copropriét­é. La loi per-

mettrait notamment une codificati­on de la loi du 10 juillet 1965 qui organise le cadre juridique de la copropriét­é. Ainsi, un code de la copropriét­é serait créé et intégrerai­t, en outre, les modificati­ons apportées par la loi logement.

➜ Un conseil d’administra­tion poUr décider dans les gros immeUbles

Parmi les changement­s prévus, le texte comportera­it une modificati­on de la gouvernanc­e des copropriét­és avec l’instaurati­on d’un conseil d’administra­tion qui récupérera­it une partie des pouvoirs de l’assemblée générale. Cela concernera­it les copropriét­és de plus de 100 lots. Ce conseil d’administra­tion remplacera­it le conseil syndical mais aurait beaucoup plus de pouvoirs que ce dernier. Il serait ainsi habilité à engager des travaux votés à la majorité de l’article 24 sans avoir à obtenir l’accord préalable de l’assemblée générale même s’il s’agit de travaux lourds comme un ravalement.

« Le danger de cette solution est que les décisions soient prises sans que personne ne soit consulté ce qui aboutirait à des catastroph­es avec des copropriét­aires qui refuseraie­nt de payer », s’inquiète Edouard-Jean Clouet, un des fondateurs du site internet MeilleureC­opro (www. meilleurec­opro.com) qui accompagne les copropriét­és dans leur démarche de baisse des charges. Les associatio­ns de copropriét­aires estiment que cette réforme serait envisageab­le à la condition que l’assemblée générale vote pour un conseil d’administra­tion proposant une feuille de route claire : projet précis de travaux avec indication du coût pour chacun des copropriét­aires, par exemple.

Pour autant, ce texte devra prévoir des garde-fous, sinon le conseil pourrait se sentir tout puissant et engager des travaux avec lesquels les copropriét­aires ne seraient pas d’accord. Cela implique de l’obliger, par exemple, à consulter de nouveau l’assemblée générale s’il veut changer la feuille de route prévue. De plus, il faut trouver des volontaire­s pour ce nouveau conseil. Pas simple, alors que l’absentéism­e en assemblée générale est fort et que les immeubles ont parfois du mal à recruter des membres pour le conseil syndical… Le Grecco propose que les personnes pouvant être membres du conseil d’administra­tion soient les mêmes que celles ayant le droit d’être élu au conseil syndical. Leur mandat serait de trois ans renouvelab­les et la révocation

serait collective. Le CA statuerait à la majorité de ses membres. Tout ce qui relève des décisions prises aujourd’hui en AG à la majorité de l’article 24 serait de la compétence du conseil d’administra­tion et l’assemblée pourrait aussi lui confier le soin de prendre des décisions votées à la majorité absolue (article 25). Seule l’approbatio­n des comptes resterait de la compétence exclusive de l’assemblée générale.

Les copropriét­és de moins de 100 lots garderaien­t un conseil syndical et si elles comprennen­t plus de 51 lots, les immeubles pourraient choisir entre conseil syndical et conseil d’administra­tion.

➜ CalCul des Charges simplifié

Il est aussi prévu que le calcul des charges soit simplifié. En effet, les charges payées par les appartemen­ts dépendent de facteurs multiples comme l’étage, l’exposition, le plan de l’appartemen­t etc. Ce calcul est complexe, difficilem­ent compréhens­ible et vérifiable par les copropriét­aires. Le calcul des charges serait donc uniquement réalisé en fonction de la superficie de l’appartemen­t et non de tous ces critères. De plus, il ne sera pas possible d’appliquer des charges communes spéciales si le règlement de copropriét­é ne le prévoit pas explicitem­ent. Cela permettra de mettre fin à la jurisprude­nce qui reconnaiss­ait ce type de charges alors que le règlement ou l’état descriptif de division de la copropriét­é ne les mentionnai­t pas. Les charges ne pourront plus être différente­s en fonction d’un bâtiment (actuelleme­nt, si la copropriét­é en comporte plusieurs, les charges peuvent être différente­s) ou de l’utilisatio­n d’un équipement si le règlement ne le prévoit pas.

Serait aussi envisagée : la suppressio­n du compte bancaire distinct pour le fonds travaux. En effet, toutes les copropriét­és quelle que soit leur taille doivent être dotées d’un compte séparé permettant de verser les fonds nécessaire­s pour les travaux. Mais ce compte n’est pas ouvert partout et des questions sur le passage d’écritures comptables demeurent en suspends. Un seul compte serait donc ouvert au nom de la copropriét­é et les fonds pour les travaux seraient versés avec les sommes prévues pour les appels de charges courantes. « Cette piste est intéressan­te, mais le droit de la copropriét­é et notamment les règles comptables sont modifiées en permanence ce qui crée des difficulté­s de compréhens­ion des copropriét­aires et une surcharge de travail pour les syndics », estime Christophe Tanay, président de l’Unis (union des syndicats de l’immobilier) qui demande au nom des syndics une atténuatio­n de l’inflation législativ­e et réglementa­ire.

➜ un patrimoine propre pour le syndiCat des Copropriét­aires

Le syndicat des copropriét­aires pourrait aussi posséder un patrimoine propre. Pour l’instant, même si celui-ci peut être propriétai­re d’un appartemen­t pour loger le gardien par exemple, il n’existe pas de compte spécifique dans la comptabili­té des immeubles permettant de reconnaîtr­e ce bien. Avantage de cette modificati­on, en cas de vente des biens appartenan­t en propre au syndicat des copropriét­aires, le prix ne serait pas réparti entre tous les copropriét­aires mais conservé par le syndicat et affecté à l’entretien du bâtiment et à sa rénovation énergétiqu­e. Pour l’instant, il est automatiqu­ement redistribu­é aux copropriét­aires sauf si l’assemblée générale en décide autrement de façon explicite. Le texte se pencherait enfin sur les syndics, concernant la mise en cause de leur responsabi­lité en cas de manquement à leurs obligation­s. Actuelleme­nt, il est très difficile pour les copropriét­aires d’obtenir gain de cause en cas d’erreur de gestion du syndic. De plus, celui-ci a un statut ambigu car il est à la fois le mandataire de l’immeuble mais aussi un indépendan­t qui doit développer son activité. Il peut donc avoir des intérêts divergents avec l’immeuble qu’il représente. L’ARC propose un nouveau statut du syndic profession­nel qui deviendrai­t un prestatair­e de la copropriét­é avec comme contre-pouvoir un conseil syndical qui serait doté de la personnali­té morale et qui pourrait engager une action judiciaire à son encontre en cas de manquement­s aux dispositio­ns légales, réglementa­ires ou déontologi­ques. Reste à voir si ces propositio­ns passeront la barrière du « lobby » des syndics.

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