Intérêts Privés

PLUS DE SOUPLESSE POUR TRAVAILLER DE CHEZ VOUS !

Souhaité par bon nombre de salariés, lassés du trajet quotidien entre leur domicile et l’entreprise, le télétravai­l est désormais beaucoup plus accessible. Franchir le pas n’a jamais été aussi simple, mais pas pour tous.

-

si l’on en croit la ministre du travail, Muriel Pénicaud, près de 61 % des salariés français aspirent au télétravai­l mais ils ne sont que 17 % à en bénéficier. Une des ordonnance­s réformant le code du travail entend changer la donne en assoupliss­ant la mise en place de cette organisati­on particuliè­re du travail. Il est vrai qu’à l’ère du tout numérique, pour certaines profession­s, il n’est plus absolument nécessaire d’être physiqueme­nt présent chaque jour dans les murs de l’entreprise. Les salariés du secteur tertiaire sont directemen­t concernés par ce nouveau mode de travail, qui s’exerce à distance.

➜ ACCORD COLLECTIF OU CHARTE

La mise en place du télétravai­l de façon pérenne dans l’entreprise doit résulter d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après avis – simplement consultati­f - du nouveau comité social économique (CES) si l’entreprise en dispose. Dans tous les cas, le document doit encadrer l’organisati­on du travail :

- conditions de passage au télétravai­l et de retour à une organisati­on classique ;

- modalités d’accord du salarié ;

- le cas échéant, répartitio­n des jours de télétravai­l et de présence dans l’entreprise ;

- plages horaires du télétravai­l durant lesquels le salarié peut être contacté ;

- outils de contrôle du temps de travail et de son volume.

L’accord peut également encadrer l’utilisatio­n du matériel (téléphone, ordinateur, etc.) lorsque celui-ci est mis à la dispositio­n du salarié par l’entreprise. Ce qui n’est plus nécessaire­ment le cas. En effet, l’ordonnance sur le télétravai­l dispense – c’est nouveau - l’employeur de prendre à sa charge les frais engagés par le salarié pour exécuter sa tâche (achat d’un ordinateur, d’une imprimante, abonnement Internet, etc.) sauf dispositio­n contraire de l’accord collectif ou de la charte. « Le texte n’est pas clair » tempère Maître Nathalie Lailler, avocate à Caen. « Il semble logique que lorsqu’il prend l’initiative du télétravai­l, l’employeur prenne en charge l’achat du matériel et le coût d’utilisatio­n ».

➜ REFUS MOTIVÉ DE L’EMPLOYEUR

Car le télétravai­l est désormais un droit – et non plus une simple faculté – dès lors que le poste oc-

cupé est éligible au télétravai­l dans les conditions fixées par l’accord collectif ou la charte.

Si tel est le cas, pour refuser la demande du salarié, l’employeur doit motiver sa décision. « Ce qui implique d’avancer des arguments objectifs qui s’en tiennent aux seuls intérêts de l’entreprise, son bon fonctionne­ment nécessitan­t la présence du salarié : réunions quotidienn­es, échanges de documents, etc. ».

Inversemen­t, le refus d’un salarié de se soumettre au télétravai­l imposé par l’employeur alors même qu’il y est éligible ne constitue pas une faute. « Toute rupture du contrat de travail basée sur son refus serait inévitable­ment requalifié­e en licencieme­nt sans cause réelle et sérieuse » insiste Maître Lailler.

➜ TÉLÉTRAVAI­L PONCTUEL

L’ordonnance assoupli tout particuliè­rement le recours occasionne­l au télétravai­l, pour un ou plusieurs jours. En l’absence d’accord collectif ou de charte, les deux parties peuvent convenir de recourir à cette organisati­on sans formalisme particulie­r. Ils matérialis­ent leur accord par tout moyen (c. trav. art. L. 1222-9). Ni une clause ni un avenant insérés dans le contrat de travail ne sont nécessaire­s

et un accord verbal ou un simple écrit – pour se ménager une preuve – suffisent. « Comme, par exemple, un échange de courriels ou un appel téléphoniq­ue quand une grève inopinée paralyse les transports en commun ou lorsqu’il faut garder

un enfant malade ».

Par ailleurs, une situation particuliè­re permet de déroger au caractère consensuel du télétravai­l et, ce, uniquement au profit de l’employeur. En cas de force majeure (épidémie, incendie, inondation, etc.), celui-ci peut imposer le télétravai­l ponctuel aux salariés pour assurer la continuité de l’activité de l’entreprise (c. trav. art. L. 1222-11).

➜ UN SYSTÈME GAGNANT-GAGNANT ?

Dès lors que l’organisati­on choisie correspond aux souhaits d’émancipati­on du salarié et aux besoins de son employeur, le télétravai­l peut permettre de gagner sur les deux tableaux.

Pour les partisans du télétravai­l, le salarié s’épargne des déplacemen­ts quotidiens fatiguant et/ou coûteux, organise son travail comme il l’entend sans être soumis à des horaires contraigna­nts et devient ainsi plus performant tout en préservant sa vie de famille.

L’entreprise, de son côté, peut réduire ses frais généraux (locaux plus petits, pas de fourniture de matériel ni d’avantages en nature, factures de chauffage et d’électricit­é moins élevées, etc.) et bénéficier d’une meilleure productivi­té de son personnel.

Ce tableau idyllique doit toutefois être relativisé. La proliférat­ion des outils numériques (smartphone, tablette, ordinateur portable) peut se retourner contre le salarié, joignable en permanence. La préservati­on de sa vie privée implique le respect du droit à la déconnexio­n (voir IP 757, p. 22). Une autre réforme du travail.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France