Intérêts Privés

Un conjoint survivant précaire

LA SÉCURITÉ DU CONJOINT SUR SON LOGEMENT N’EST PARFOIS QUE TEMPORAIRE OU POUR LE MOINS COMPLIQUÉE À DÉFAUT DE DONATION AU DERNIER VIVANT OU DE TESTAMENT ÉVITANT L’INDIVISION.

- (1) Cass. 1 civ. 12 juillet 2017 n°16-20.915

Agée de 80 ans, Adèle se retrouve veuve au décès de son mari et s’ouvre alors une succession de leur communauté de biens comme il y en a beaucoup. Pas grand-chose à partager dans cette succession. Un appartemen­t dans lequel elle habitait avec son mari et les quelques meubles qui le garnissent… Adèle et son mari avaient un fils majeur et l’ennui c’est que ce fils, Patrick, est couvert de dettes et que la banque apprenant son nouvel héritage, demande immédiatem­ent le partage de l’indivision et la licitation (vente aux enchères publiques) de sa part sur l’appartemen­t. En applicatio­n de l’articles 757 du code civil, Adèle sait disposer d’un usufruit légal sur cette succession ; certes son fils a des droits sur l’appartemen­t, mais sans pouvoir l’évincer et réclamer la vente. Mais il y a un bémol et la banque le sait bien : si elle demande le partage, le maintien de l’indivision en faveur du conjoint ne peut être prononcé que pour 5 ans (articles 822 et 823). Adèle se défend en justice face aux prétention­s de la banque et la cour de Chambéry fait usage d’une notion d’équité et, tenant compte de l’âge d’Adèle, estime qu’il ne serait pas possible de lui imposer, même à terme, un nu-propriétai­re étranger à la famille. La banque se voit refuser toute demande jusqu’au décès d’Adèle.

POUR PROTÉGER L’USUFRUIT DU CONJOINT, L’INDIVISION PEUT ÊTRE PROLONGÉE MAIS IL FAUT LE DEMANDER TOUS LES 5 ANS

Tout n’est cependant pas fini car la Cour de cassation va annuler cette décision (1). En applicatio­n stricte des articles du code civil, le maintien de l’indivision ne peut pas être prononcé pour une durée excédant cinq ans. Certes cette durée de cinq ans est renouvelab­le, mais il faudra, à chaque terme, refaire une procédure pour la prolonger.

Il ressort de cette affaire que le créancier d’une personne participan­t à la succession, en l’espèce du fils majeur du couple, peut très largement compliquer les opérations et, sinon exiger un partage immédiat, du moins prendre date pour sauvegarde­r sa créance et tenter de devenir partie prenante de la succession. Une autre cour d’appel, celle de Grenoble rejugera l’affaire et accordera certaineme­nt cinq ans de tranquilli­té à Adèle. Mais ensuite, il lui faudra refaire une procédure similaire. La sérénité du conjoint survivant n’est donc pas absolue…

LE CONJOINT SURVIVANT NE DISPOSE QUE DE 5 ANS DE MAINTIEN DE L’INDIVISION, AU-DELÀ IL DOIT RENOUVELER SA DEMANDE.

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