Intérêts Privés

2008-2018, QUELLES LEÇONS ?

- Serge Florentin Rédacteur en chef

Il y a dix ans, en 2008, le monde s’enfonçait dans la plus grande récession économique depuis les années trente. Le 15 septembre, la faillite de la banque Lehman Brothers décuplait la crise financière et aboutissai­t à une terrible crise des liquidités, les banques ne se prêtaient plus d’argent entre elles, paralysant tout le système économique. On connaît la suite ; les États durent intervenir pour sauver les banques de faillites en cascade et éviter que l’économie privée bascule dans l’abîme. Ce qui engendra d’importante­s crises de la dette publique en Europe et des mesures drastiques (économies, hausses d’impôts) dont, au final, beaucoup de citoyens ont pâti et souffrent encore aujourd’hui, les États ayant dû ensuite résorber leurs déficits… Aujourd’hui, la situation est assainie et l’économie à nouveau prospère. Mais, en tant que contribuab­le, salarié ou petit entreprene­ur, il y a des raisons d’être amer… Les grandes sociétés cotées en Bourse gagnent énormément d’argent au regard des dividendes qu’elles versent qui battent record sur record : 497,4 milliards de dollars au deuxième trimestre 2018 à l’échelle internatio­nale (+ 12,9 %, selon indice Janus Henderson). Et cela dure depuis plusieurs années. On peut s’interroger sur la hausse de ces gains bien plus forte que la croissance économique. Ces profits des dividendes sont certes bien réels, et non le fruit de la spéculatio­n, mais ils reposent sur la quête incessante de l’abaissemen­t des coûts fiscaux, sociaux et salariaux…, d’un côté, et la recherche de fortes marges, notamment par l’augmentati­on continue des prix de vente. Selon l’économiste de la banque Natixis, Patrick Artus, le versement de ces copieux dividendes repose sur des salaires au plus bas dans nos pays riches (ce qui freine les rentrées de cotisation­s sociales et d’impôts). D’un autre côté, ces dividendes (trop fréquemmen­t encaissés dans des paradis fiscaux) reviennent de moins en moins à la collectivi­té par l’État et la protection sociale via l’impôt (alors que beaucoup d’entre nous sont priés de cotiser plus ou de se serrer la ceinture dès que la croissance ralentit pour continuer à combler les déficits). Plus grave, ces profits records pourraient s’investir dans de nouvelles spéculatio­ns (comme le bitcoin, les produits financiers dérivés…), risquant d’engendrer une nouvelle crise dont Patrick Artus a déjà annoncé qu’elle serait pire que celle de 2008 ! Lors des arbitrages du prochain budget, on pourrait commencer à rééquilibr­er un peu les comptes au profit de ceux qui ne peuvent pas se permettre de risquer leur argent et dont les revenus n’augmentent plus ou trop peu. Oui aux dividendes, mais plus citoyens et reconnaiss­ants !

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