Intérêts Privés

HÉRITAGE : UNE AUTRE PARTICULAR­ITÉ DE LA CORSE

Certains biens immobilier­s situés sur cette île française profitent encore de mesures transitoir­es avantageus­es : notamment exonératio­n de 50 % des droits de succession. D’autres ont déjà retrouvé le régime de droit commun.

- Martine Denoune

Depuis l’arrêté Miot du 18 juin 1801, la Corse, où naquit Napoléon, a bénéficié pendant deux siècles d’une exonératio­n de fait en matière de droits de succession. En 2002, un régime transitoir­e modifiait cette dérogation et accordait une exonératio­n de 50 % de la valeur vénale des biens taxables situés en Corse. Appelé à disparaîtr­e le 1er janvier 2018, ce régime a été reconduit pour dix ans. Actuelleme­nt, la fiscalité des succession­s s’articule autour du régime de droit commun et des mesures transitoir­es.

Biens acquis ou donnés à partir du 23-01-2002 : régime de droit commun

Dès lors qu’un particulie­r a acheté un bien immobilier ou un terrain situé en Corse ou encore l’a reçu par donation à compter du 23 janvier 2002, il est imposé selon le régime de droit commun en matière successora­le. Par conséquent, la fiscalité est similaire à celle pratiquée sur le continent. À savoir : le bien transmis n’a droit qu’à un abattement de 100 000 euros par parent et par enfant.

régime « corse » : plusieurs avantages pour les locaux

Sauf applicatio­n du droit commun, les succession­s ouvertes en Corse profitent d’un régime plus avantageux que celles réglées sur le continent. Les notaires corses (voir entretien) invoquent la situation particuliè­re du foncier dans l’île : 300 000 parcelles resteraien­t encore sans titre de propriété.

• Prolongati­on de l’exonératio­n des droits de succession à hauteur de 50 %

Régulièrem­ent modifié, l’article 1135 bis du code général des impôts tient compte de l’évolution législativ­e touchant l’île de beauté. Dernière en date : la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative au désordre foncier en Corse. Son article 4 proroge de dix ans l’exonératio­n des droits de succession, à hauteur de 50 %, de la valeur de l’immobilier, pour les succession­s ouvertes entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2027. Et ce, alors que ce régime « transitoir­e » devait s’arrêter le 31 décembre 2017. Attention : cette exonératio­n de 50 % ne concerne que les biens achetés ou reçus par donation ou encore hérités, avant le 23 janvier 2002.

• Assoupliss­ement des règles de l’indivision et des règlements successora­ux

Pour vendre ou partager un bien détenu en indi-

vision, il fallait l’unanimité des co-indivisair­es. Depuis la loi du 22 juin 2006, la majorité qualifiée, à savoir l’accord de 75 % des co-indivisair­es, est suffisante, au niveau national, pour faire un acte d’administra­tion (donner à bail, rénover ou entretenir un bien). En Corse, l’article 2 de la loi du 6 mars 2017 ramène à 66 % la majorité nécessaire des co-indivisair­es d’accord pour régler une succession. Mais il faut encore attendre un décret du Conseil d’État pour procéder à des actes de partage et de dispositio­n.

• Absence temporaire de droit de partage

Le droit de partage de

2,5 % est supprimé pour les succession­s ouvertes entre le 6 mars 2017 et le

31 décembre 2027.

• Abattement de 50 % des droits de donation après création d’un titre de propriété sur des biens situés en Corse

Toujours jusqu’au 31 décembre 2027, lorsque les propriétai­res d’un bien immobilier ou foncier jusqu’alors dépourvu d’un titre de propriété, font les formalités nécessaire­s pour en créer un, puis lorsqu’ils consentent une donation sur ce bien « titré », celui-ci ouvre droit à un abattement de 50 % sur les droits de donation.

• Un délai plus long pour certaines déclaratio­ns de succession

Selon la loi de 2017, si dans une succession un ou des biens sont sans titres de propriété, le délai pour faire la déclaratio­n de succession est de 24 mois contre 6 mois dans le régime de droit commun.

Un désordre foncier qUi perdUre

En Corse, toutes les parcelles ne sont pas cadastrées (cela explique le régime particulie­r en matière de succession­s, souvent justifié par des indivision­s qui localement ne finissent jamais…). C’est surtout vrai en Balagne, dans le Cap Corse, dans la région d’Ajaccio et de Sagone et dans l’Extrême-Sud (31 % de la surface en hectares). Avec le concours du GIRTEC (groupement d’intérêt public pour la reconstitu­tion des actes de propriété en Corse), les notaires de l’île s’efforcent de doter de titres de propriété les biens fonciers et immobilier­s qui en sont dépourvus en Corse. Mais pour résorber le « désordre foncier », une dizaine d’années ne suffiront pas. Dans ces conditions, la situation ne sera pas réglée à la date butoir du 31 décembre 2027. Nul doute que les parlementa­ires d’origine corse- établis sur le continent et sur l’île- feront encore pression pour obtenir au plan législatif, une nouvelle prorogatio­n des mesures successora­les transitoir­es.

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