ÉGALITÉ HOMMEFEMME : L’ENTREPRISE À L’ÉPREUVE
Le jeudi 8 mars 2018, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le gouvernement a présenté 50 mesures pour l’égalité entre les deux sexes dont plusieurs concernent le monde de l’entreprise. La nouvelle loi Avenir professionnelle s’y
Si « la femme est l’avenir de l’homme », selon Aragon, elle est encore loin d’être son alter ego sur le plan professionnel. La plupart des salariées subissent un déroulement de carrière nettement moins favorable que leurs collègues masculins, tant sur le plan hiérarchique (avec des postes de direction qui leur échappent…) que du point de vue financier avec des salaires inférieurs. Les dernières lois du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes et du 24 juillet 2015 sur le dialogue social n’ayant pas eu les effets escomptés, les pouvoirs publics passent à la vitesse supérieure pour mettre fin à une injustice persistante et au sexisme souvent culturel.
➜ NON-DISCRIMINATION À L’EMBAUCHE
Dans leurs démarches de recrutement, les entreprises ne peuvent en aucun cas faire allusion ni au sexe ni à la situation familiale des candidats. Les critères de recrutements doivent être exclusivement professionnels. Seuls certains emplois spécifiques peuvent être réservés à un seul sexe, pour des considérations objectives (acteur, mannequin, etc.). De même, lors d’un entretien d’embauche, seules des questions en lien direct avec le poste à pourvoir peuvent être posées.
Un accord national interprofessionnel (ANI) du 1er mars 2004, relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, encadre les modalités de recrutement afin d’éviter toute discrimination. Mais, décliné au niveau des branches et des entreprises, il n’a pas réellement de caractère contraignant. « En outre, il est difficile de déceler les motivations réelles d’un recruteur et de prouver qu’il y a eu discrimination » objecte Maître Alexandra Sabbe-Ferri, avocate à Paris.
➜ ÉGALITÉ SALARIALE : UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT A PARTIR DE 2019
À travail égal, salaire égal… en théorie. Bien que prévu par une loi de 1972, le principe d’égalité salariale entre les hommes et les femmes – à formation et/ou fonctions comparables – n’est pas respecté. Selon les statistiques du Ministère du Travail, un écart de rémunération de l’ordre de 10 % perdure toujours en défaveur des femmes. D’où l’instauration prochaine, via la loi Avenir professionnel, d’une mesure radicale pour tenter d’éradiquer cette situation : les employeurs d’au moins 50 salariés devront régulièrement mesurer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes de l’entreprise et, si besoin, mettre en place un plan de rattrapage salarial étalé sur 3 ans maximum.
Cette obligation de résultat – une pénalité pouvant atteindre 1 % de la masse salariale devant être infligée aux employeurs récalcitrants - s’appliquera au plus tard :
- le 1er janvier 2019 dans les entreprises de plus de 250 salariés ;
- le 1er janvier 2020 dans les entreprises de 50 à 250 salariés.
« C’est là le véritable apport de la loi Avenir professionnel » se réjouit Alexandre Sabbe-Ferri. « Une sanction pécuniaire est enfin prévue pour les récalcitrants »!
Par ailleurs, chaque année, ces entreprises devront publier les écarts constatés de rémunération entre les personnels masculins et féminins ainsi que les mesures prises pour supprimer ceux qui sont objectivement injustifiés. « Même si elles ne sont pas expressément visées par le texte, les petites entreprises ne sont pas dispensées d’appliquer l’égalité salariale » rappelle l’avocate. « Leur responsabilité civile peut être engagée pour obtenir des dommages et intérêts en cas d’écart injustifié ».
➜ MÊME DÉROULEMENT DE CARRIÈRE
Outre un rattrapage salarial, l’égalité hommefemme passe par une évolution de carrière similaire. L’obligation faite aux entreprises, depuis le 24 septembre
2017, de programmer une négociation annuelle sur « l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail », pour éradiquer toute forme de discrimination, va être renforcée. La loi Avenir professionnelle y intègre la négociation sur l’accès à la formation et à la qualification.
L’accès à la formation professionnelle va ainsi être modifié pour accorder les mêmes droits à tous les salariés, quelle que soit leur durée de travail. Concrètement, cette mesure va améliorer la situation des femmes qui, à elles seules, détiennent 80 % des contrats de travail à temps partiel.
➜ MESSIEURS, FAITES UN EFFORT !
L’entreprise n’est toutefois pas l’unique responsable de l’inégalité professionnelle entre les deux sexes. Les salariés – et tout particulièrement les hommes - ont également une part de responsabilité, à l’image du bilan en demi-teinte du congé parental, modifié en 2015 pour favoriser une meilleure répartition entre les mères et les pères.
L’allocation versée à l’occasion (Prestation partagée d’éducation de l’enfant - PrePare) a ainsi été portée de 6 mois à 12 mois pour un premier enfant et de 2 ans à 3 ans pour les enfants suivants, à condition que le congé soit partagé entre les deux parents. Or, fin 2016, moins de 5 % des pères l’ont sollicité, contribuant ainsi à pénaliser la carrière professionnelle des mères. « L’égalité homme-femme est aussi un problème culturel » résume Maître Sabbe-Ferri.