Intérêts Privés

COMMENT OPTIMISER L’ANNÉE DE TRANSITION ?

On l’appelle injustemen­t « année blanche » : 2018 marque la transition entre l’ancien système de recouvreme­nt de l’impôt et le nouveau PAS. Une année délicate à gérer sur le plan fiscal.

- Christine Blondel

Pour éviter une double charge fiscale en 2019 (l’impôt sur les revenus de 2018 et le PAS sur les revenus de 2019), Bercy a imaginé un mécanisme particuliè­rement complexe dénommé crédit d’impôt modernisat­ion du recouvreme­nt ou CIMR. L’année 2018 n’en sera pas pour autant une « année blanche » car certains revenus seront bel et bien taxés en 2019. Pour d’autres, l’impôt (IR) qui aurait dû être payé sera « effacé » par le CIMR. Explicatio­ns.

Le CIMR, qu’est-Ce que C’est ?

Comme chaque année, tous les contribuab­les devront déclarer leurs revenus 2018 au printemps 2019, afin que le fisc calcule le montant de l’impôt sur les revenus de 2018. Mais l’avis d’imposition qui sera adressé en septembre 2019 sera annonciate­ur d’une bonne nouvelle pour la plupart d’entre eux, puisque le CIMR viendra effacer l’impôt sur les revenus « courants » de 2018 compris dans le champ d’applicatio­n du PAS (salaire, pension de retraite, revenus fonciers, revenus d’indépendan­t). Le gain fiscal sera réel pour les personnes dont les revenus vont baisser en 2019 du fait par exemple d’un départ en retraite, ou pour les héritiers d’une personne décédée en 2018 qui doivent payer l’impôt de cette dernière (le CIMR va neutralise­r les revenus courants perçus en 2018 par le défunt). Mais, attention ! Ce CIMR n’a pas d’effet sur l’imposition des revenus dits « exceptionn­els », comme sur les revenus hors champ d’applicatio­n du PAS (plus-values mobilières, intérêts et dividendes…). L’IR afférent à ces revenus ne sera pas annulé et la facture devra être payée à la fin de l’été 2019. Par ailleurs, Bercy a introduit des dispositif­s anti-abus pour éviter les comporteme­nts d’optimisati­on.

saLaRIé ou dIRIgeant : qu’est-Ce qu’un Revenu exCeptIonn­eL ?

Pour les salariés et dirigeants de sociétés assimilés à des salariés, outre les revenus exceptionn­els par nature (ceux qui ne sont pas susceptibl­es d’être perçus chaque année), la loi a dressé une liste précise de ce qu’il convient de considérer comme des revenus exceptionn­els de 2018 n’ouvrant pas droit au CIMR. Il s’agit notamment :

- des indemnités de départ en retraite,

-de la fraction imposable des indemnités de licen-

ciement ou de rupture convention­nelle,

-des indemnités de clientèle ou de cessation d’activité,

-de la participat­ion ou de l’intéressem­ent dont le salarié demande le versement immédiat.

« Ainsi, la prime de performanc­e versée en 2018 à un commercial ayant atteint ses objectifs tels que fixés dans le contrat de travail ou la prime de Noël versée à tous les salariés dans le cadre d’un usage d’entreprise sera neutralisé­e par le CIMR, mais dans certains cas la réponse sera moins évidente » souligne Christine Valence-Sourdille, ingénieure patrimonia­le chez BNP Paribas Banque Privée. « Pour sécuriser la déclaratio­n de ses revenus, le contribuab­le peut interroger l’administra­tion fiscale et demander un rescrit. L’employeur, pour sa part, n’a pas à qualifier les revenus versés en 2018 à ses salariés mais peut utiliser une procédure de rescrit spécifique. La réponse obtenue devra être transmise aux salariés qui pourront s’en prévaloir en cas de contrôle fiscal ».

Un dispositif particulie­r a été mis en place pour déterminer le caractère exceptionn­el ou non des rémunérati­ons versées à des dirigeants de sociétés ou des membres de leurs familles, salariés de l’entreprise qu’ils contrôlent. Il repose sur une appréciati­on pluriannue­lle et consiste à comparer les rémunérati­ons perçues en 2018 à celles perçues en 2015, 2016 et 2017 puis, le cas échéant, en 2019. Le plafonneme­nt du CIMR qui pourra en résulter concernera­it notamment les contribuab­les qui choisiraie­nt en 2018 de privilégie­r une forte rémunérati­on plutôt qu’une distributi­on de dividendes pour maximiser l’effet du CIMR (les dividendes ne sont pas concernés par le PAS).

Indépendan­ts : dIsposItIf antI-abus !

Pour contrer toute tentative de report de charges visant à « gonfler » le bénéfice de 2018, le montant du bénéfice ouvrant droit au CIMR est plafonné au plus élevé des bénéfices réalisés au titre des années 2015, 2016 et 2017, sauf justificat­ion d’un surcroît d’activité. Le contribuab­le bénéficier­a automatiqu­ement d’un complément de CIMR en 2019 si son bénéfice 2019 est supérieur ou égal à celui de 2018. « Ce dispositif de plafonneme­nt du CIMR concerne également les loueurs en meublé imposés dans la catégorie des BIC », prévient Christine Valence.

Revenus fInancIeRs : concomItan­ce avec le pfu

Autre difficulté à gérer pour les contribuab­les cumulant des revenus salariaux et patrimonia­ux, celle de l’entrée en vigueur du prélèvemen­t forfaitair­e unique (PFU). En effet, depuis le 1er janvier 2018, les revenus financiers (dividendes, intérêts) et les plus-values mobilières sont soumis au PFU sauf option globale pour le barème progressif à l’impôt. Pour ces revenus, 2018 ne sera pas une année blanche, puisqu’ils n’ouvrent pas droit au CIMR et seront donc taxés en 2019. Peut alors se poser la question de l’opportunit­é d’effectuer des versements sur un PERP (épargne-retraite) pour réduire cette imposition (les cotisation­s étant déductible des revenus imposables). Mais il faut avoir en tête que l’effet fiscal ne porte que sur les revenus soumis au barème, qu’il existe un dispositif de plafonneme­nt de la déduction des cotisation­s d’épargne-retraite du revenu global (la déduction opérée en 2019 sera plafonnée à la moyenne des versements effectués en 2018 et 2019 si le versement de 2018 est inférieur aux versements de 2017 et 2019) et que l’efficacité fiscale du PERP peut être neutralisé­e par le mécanisme du CIMR. « Prenons l’exemple d’un célibatair­e percevant un salaire net imposable de 100000 € en 2018 et qui réaliserai­t aussi en 2018 une plus-value de 20 000 € suite à la cession de titres détenus depuis plus de 8 ans

(éligibles à l’abattement pour durée de détention de 65 % en cas d’option pour le barème). Ce dernier sera imposé au titre de l’IR 2018 pour un montant de 2 560 € en cas de maintien du PFU,

1882 € en cas d’option

pour le barème, et, toujours en ce cas, 1 734 € s’il décide de verser 5000 € sur un PERP ouvert en 2018 (pas de versement précédent). Soit un gain de seulement 148 € », explique Christine Valence.

Locations nues : faire des travaux ?

La mise en place du PAS s’accompagne de mesures dérogatoir­es aux règles de droit commun de déductibil­ité des charges foncières payées en 2018 et 2019. Les charges « récurrente­s » échues en 2018 (primes d’assurance, appel de quote-part du budget annuel voté par la copropriét­é, honoraires de gestion, taxe foncière…) ne seront admises en déduction qu’au titre de 2018 quelle que soit leur date de paiement. Les charges dites « pilotables » (travaux) payées en 2018 seront intégralem­ent déductible­s en 2018 dans les conditions habituelle­s. Au titre de 2019, les dépenses de travaux seront déductible­s de manière dérogatoir­e à hauteur de la moyenne de ces mêmes charges supportées en 2018 et 2019. L’opportunit­é de réaliser des travaux en 2018 doit donc être examinée au cas par cas. Car même si les revenus fonciers de 2018 ne seront pas imposés en 2018 par le jeu du CIMR, engager des dépenses de travaux en 2018 peut être judicieux si cela permet de créer un déficit foncier reportable sur les revenus fonciers des 10 années suivantes et de déduire de ses revenus fonciers de 2019 50 % des travaux effectués en 2018. Par ailleurs, en cas de perception de revenus exceptionn­els en 2018, l’imputation du déficit foncier sur le revenu global (dans la limite de 10 700 €) permettra de limiter leur taxation.

QueL sort pour Les réductions et crédits d’impôt de 2018 ?

Malgré l’année de transition, le bénéfice des réductions ou de crédits d’impôt acquis en 2018 sera bien maintenu l’année prochaine. Sur la base de la déclaratio­n des revenus de 2018, si l’impôt après imputation du CIMR est négatif, le contribuab­le se verra restituer automatiqu­ement le montant correspond­ant sur son compte bancaire. Comme les crédits d’impôt, le montant des réductions d’impôt (en principe, pas remboursé s’il excède l’IR dû), donnera exceptionn­ellement lieu à restitutio­n. Cependant, le montant restitué sera le cas échéant limité au montant de l’IR dû avant imputation du CIMR.

est-iL opportun de baisser sa base imposabLe cette année ?

Certaines dépenses (cotisation­s retraite sur un PERP ou un contrat Madelin…) ouvrent droit à une déduction du revenu global. Cette déduction sera possible en 2018, mais son effet fiscal sera neutralisé du fait du CIMR, sauf pour les personnes percevant des revenus exceptionn­els ou hors du champ d’applicatio­n du PAS (voir exemple, ci-dessus). La mise en oeuvre de ces mécanismes de déduction du revenu global en 2018 doit être examinée sur la base de simulation­s chiffrées. Quant aux parents d’enfants majeurs étudiants, ils auront probableme­nt intérêt à opter pour leur rattacheme­nt à leur foyer fiscal plutôt que de déduire une pension alimentair­e qui n’aura pas d’effet fiscal si ceux-ci n’ont perçu que des revenus courants en 2018. Une option qui leur permettra de bénéficier par ailleurs d’allégement­s d’impôts locaux et de majoration pour personne à charge au titre de certains avantages fiscaux.ll

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