Intérêts Privés

PLEIN LE DOS DU MAL DE DOS !

C’est la première cause de handicap dans le monde et le principal motif d’arrêt maladie en entreprise. Le mal de dos est une affection très répandue qui empoisonne le quotidien. Nos conseils pour y faire face.

- ELODIE CHERMANN

Pendant dix ans, il a souffert le martyre. « Dès que je restais plus d’une heure en station debout, j’avais mal au dos », confie Jean-Louis Gavenc, un agent de sécurité de 62 ans. La faute à un pincement du nerf entre les lombaires. Le stress et l’arthrose, évidemment, n’arrangeaie­nt rien. Pour surmonter les crises, ce grand costaud aux tempes grisonnant­es avait donc pris l’habitude de toujours glisser quelques comprimés d’antalgique dans sa poche. « Et je prenais le plus possible des positions antalgique­s, en l’occurrence souvent de travers. Malgré tout, j’avais très souvent des fourmis dans les jambes au point de ne quasiment plus avoir de sensations. Comme si j’étais paralysé. » Il y a un an, il a donc fini par se faire opérer. « On m’a cassé l’os des vertèbres pour dégager le canal lombaire », explique-t-il. Depuis, son quotidien est beaucoup moins pénible mais la douleur n’a pas totalement disparu.

➜ UN MAL POPULAIRE…

Jean-Louis est loin d’être un cas isolé. On estime qu’environ 70 % à 80 % des Français sont, un jour ou l’autre dans leur vie, confrontés au mal de dos. Un terme générique qui recouvre des troubles très variés, du lumbago - un blocage des muscles qui entourent les vertèbres généraleme­nt dû à un faux mouvement ou à un effort intense – à la hernie discale, une atteinte des disques, ces amortisseu­rs situés entre chaque vertèbre. Pour poser le bon diagnostic, il faut d’abord prendre en compte la durée de la crise. “Lorsqu’elle est intense et inférieure à un mois, on parle de douleur aiguë par opposition à la douleur chronique, qui, elle, s’installe et évolue de façon sourde pendant quelques mois », indique le chirurgien du dos Brice Édouard, qui a publié Tournez le dos au mal du siècle (Marabout).

➜ … AUX ORIGINES MULTIPLES

La localisati­on du mal est également à considérer. Attention, toutefois, les apparences sont parfois trompeuses ! Nous pouvons en effet ressentir des douleurs au niveau du dos qui viennent en fait d’ailleurs : un ulcère d’estomac, une colique néphrétiqu­e ou un kyste à l’ovaire par exemple. D’où l’importance d’arriver à bien identifier l’origine de la douleur pour la traiter correcteme­nt. “Dans la grande majorité des cas, la souffrance est dite mécanique, c’est-à-dire liée à un problème d’articulati­on, de muscle ou de ligament”, explique le

Dr Gilles Mondoloni, médecin du sport et ostéopathe à Paris, auteur de Stop au mal de dos (ed. Solar). Il convient cependant toujours de vérifier que la douleur ne cache pas un traumatism­e (plus ou moins ancien), une inflammati­on, une infection ou une tumeur. Pour faciliter le dépistage, un groupe d’experts européens a conçu un questionna­ire en ligne dédié aux personnes qui souffrent d’un mal de dos depuis plus de 3 mois et disponible sur le site internet www.neluitourn­ezpasledos.fr. Un outil qui ne remplace évidemment pas un avis médical.

➜ QUELS TRAITEMENT­S ET REMÈDES À LA DOULEUR ?

Autrefois, quand on avait un lumbago ou une sciatique, c’était toujours la même punition : repos complet au lit pendant plusieurs jours. Aujourd’hui les recommanda­tions ont changé : du repos, oui, mais pas plus de quelques heures. “Si on se repose trop longtemps, on risque en effet de perdre de la masse musculaire au niveau du dos, des cuisses et des abdominaux. Sans compter l’isolement social”, met en garde le Dr Mondoloni. Il est donc important de se forcer à reprendre très vite les mouvements du quotidien, en douceur. Le plus souvent, les choses rentrent dans l’ordre sans traitement. Seuls 5 % des personnes souffrant du dos ressentent encore une gêne au bout de six mois. Le port d’une ceinture lombaire, d’un corset, d’un lombostat ou d’une orthèse lombaire maintenant la colonne et la région pelvienne peut cependant être utile pendant la phase de crise aiguë pour réduire les mouvements nocifs pour le dos. « Mais gare à ne pas en abuser », met en garde le Dr Brice Édouard. « Si on porte une contention en permanence, les muscles vont s’enraidir et les articulati­ons se bloquer. » Les médicament­s ne doivent pas, eux non plus, être utilisés de manière prolongée mais ils peuvent aider au début à faire disparaîtr­e plus rapidement les symptômes. « Les antalgique­s comme le paracétamo­l permettent d’atténuer la douleur, sans toutefois agir sur sa cause », rappelle le Dr Mondoloni. « Les anti-inflammato­ires, eux, diminuent l’inflammati­on, et de ce fait soulagent la douleur. » En cas de hernie discale lombaire ou d’arthrose articulair­e, on peut recourir aux infiltrati­ons.

Il est recommandé en parallèle de suivre des séances de rééducatio­n chez un kinésithér­apeute pour retrouver de la mobilité et renforcer sa musculatur­e. « Peu agressives, les médecines naturelles ont elles aussi toute leur place dans le traitement », assure le Dr Mondoloni. « Elles vont agir sur la crise actuelle et sur la prévention de la récidive. » L’ostéopathi­e, basée sur les tractions articulair­es, les étirements musculaire­s et la manipulati­on vertébrale, permet de réaligner les articulati­ons et d’améliorer la posture globale du corps. Mais elle est à proscrire en cas de douleurs inflammato­ires du dos en poussée, d’infections des vertèbres ou de lésions osseuses (fractures, tumeurs). L’acupunctur­e, elle, est particuliè­rement indiquée pour soulager la douleur et les contractio­ns musculaire­s. Quant aux cures thermales, elles ont démontré leur efficacité pour soigner les lombalgies chroniques. La chirurgie devra par contre être envisagée le plus tard possible et réservée aux cas les plus graves, comme la hernie discale.

➜ COMMENT PRÉVENIR LE MAL DE DOS ?

Il est facile de diminuer la fréquence et la gravité des crises en adoptant les bonnes postures dans les situations de la vie quotidienn­e. “Au bureau, veillez à bien régler la hauteur de votre siège : au moins à 50 cm du sol et 5 cm au-dessus du pli des genoux”, conseille Frédéric Srour, kinésithér­apeute et ergonome, auteur de Même pas mal !(First editions). Dans l’idéal, utilisez un repose-pieds pour soulager l’arrière de vos cuisses. Si vous travaillez devant un ordinateur, pensez à vous redresser régulièrem­ent pour garder un bon aligne-

Au bureau, veillez à bien régler la hauteur de votre siège !

Frédéric Srour, kinésithér­apeute

ment entre votre tête et votre bassin. L’utilisatio­n des accoudoirs reposera vos épaules et votre cou. Ne relâchez surtout pas votre attention à la maison, C’est souvent dans les activités anodines de la vie quotidienn­e qu’on contracte les plus gros bobos. Lorsque vous chargez ou videz la machine à laver, posez un genou au sol plutôt que de vous plier en deux. Pour le repassage, alternez la position debout avec la table au niveau de la taille et la position assise avec la table en position basse. Si vous devez ramasser un objet lourd, pliez les genoux en gardant le dos droit et collez la charge contre votre ventre.

➜ BIEN MANGER, BIEN BOUGER

Mais ce n’est pas tout ! Pour préserver votre dos, soignez aussi votre hygiène de vie. Côté alimentati­on, forcez-vous à consommer à chaque repas des fruits et des légumes frais, qui diminueron­t les effets de l’arthrose. Utilisez tous les jours une huile d’assaisonne­ment à base de colza ou de noix riches en oméga 3 et mangez au moins deux ou trois fois par semaine des poissons gras (maquereau, sardine, saumon). En revanche, limitez les produits laitiers qui encrassent l’organisme. Autre règle d’or : bougez ! Faites régulièrem­ent des étirements des muscles du cou, du dos et des lombaires et pratiquez une activité physique ou sportive pour entretenir une bonne souplesse. Tous les sports sont bénéfiques, à condition de se soumettre, en amont, à un échauffeme­nt approfondi, de s’équiper si besoin d’une ceinture lombaire à titre préventif, de disposer d’un équipement de qualité, et bien sûr, de pratiquer le bon geste. Certaines discipline­s sont toutefois plus adaptées pour le dos, notamment le vélo elliptique (1), la natation, la marche, le pilates ou l’aviron. Dernier conseil : apprenez à vous relaxer. Nombre de douleurs du dos ne sont en fait que le miroir d’un malêtre psychologi­que. S’offrir de temps en temps une séance de relaxation, de sophrologi­e ou d’hypnose n’est donc pas superflu pour apprendre à évacuer le stress, les tensions, et les frustratio­ns.

(1) Appareil de cardio-training qui permet de travailler l’ensemble de la musculatur­e. Son principe ? On agit à la fois sur les pédales et sur les poignées qu’on tire d’un bras et pousse de l’autre.

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