Intérêts Privés

LE DROIT EN ACTES COMMENT METTRE FIN À UNE SERVITUDE ?

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Pour quelles servitudes la question se pose-t-elle ?

Toutes les servitudes de voisinage peuvent être concernées.

Il existe diverses sortes de servitudes de voisinage : servitudes de vue, de passage, d’écoulement des eaux, de tour d’échelle, de cour commune… Celles que l’on rencontre le plus fréquemmen­t en pratique sont les servitudes de passage. Il s’agit, pour un propriétai­re enclavé (c’est-à-dire qui ne dispose d’aucun accès direct à sa propriété : son terrain ou sa maison), de pouvoir « passer » sur une partie du terrain de son voisin, pour être relié à la voie publique. Le terrain dont le propriétai­re bénéficie d’un droit de passage ou d’une autre servitude s’appelle le « fonds dominant » ; celui dont le propriétai­re doit le passage au voisin s’appelle le « fonds servant ». Une servitude de passage peut être d’origine légale, prévue par le Code civil (article 682), ou résulter d’une convention, acte écrit par lequel les voisins précisent l’assiette de la servitude (sa matérialit­é et son étendue), ainsi que les modalités de son usage.

Pourquoi mettre fin à la servitude et quand cela se peut-il ?

L’acquéreur d’un bien informé de la servitude peut négocier sa résolution.

Lorsqu’on achète un bien immobilier, on doit être informé de toutes les caractéris­tiques du bien, et donc de l’existence de servitudes. En principe, celles-ci ne peuvent pas être passées sous silence, car le notaire chargé de la vente demande un relevé de fichier immobilier, document se trouvant au service de la publicité foncière qui renseigne sur l’état du bien. Les titres antérieurs à la vente sont aussi vérifiés. Dans certains cas, on peut recourir à un géomètre expert. Si vous vendez votre propriété à une personne qui hésite à vous acheter, à cause de l’existence d’une servitude de passage par exemple, cet obstacle ne peut être levé que par une entente entre vous-même (vendeur) et le voisin auquel vous devez le passage. Si celui-ci ne présente plus d’utilité pratique (car le voisin n’est pas ou n’est plus enclavé), la servitude pourra tomber avec son accord, et moyennant une contrepart­ie financière à lui verser. Le montant de cette contrepart­ie se négocie de gré à gré, comme n’importe quelle négociatio­n immobilièr­e. La résolution de la servitude fait l’objet d’un acte publié au fichier immobilier. Quand le propriétai­re qui doit la servitude (laisser passer une voiture sur une bande de son terrain par exemple), rachète la propriété du voisin (celui qui passe sur le terrain), logiquemen­t la servitude se trouve éteinte (article 705 du Code civil). Mais attention, il faut que ce soit en pleine propriété : si l’acquisitio­n ne porte que sur la nue-propriété du terrain voisin, la servitude continue de s’appliquer.

Quelles raisons peut-on invoquer pour mettre fin sans accord à une servitude ? Principale­ment, le fait qu’elle n’est plus utilisée depuis longtemps.

« La servitude est éteinte par le non-usage pen-

dant trente ans » (article 706 du Code civil). Ce délai de 30 ans commence à courir, pour une servitude de passage, à compter du jour du dernier acte d’exercice de cette servitude. Par exemple, si nous nous situons en novembre 2018, pour que la prescripti­on puisse jouer il ne faut pas qu’un acte d’exercice ait été effectué après le mois de novembre 1988. Pour que la servitude inutilisée soit officielle­ment hors jeu, il ne suffit pas de décompter les années écoulées. Il est nécessaire de l’acter, par une démarche chez le notaire en cas d’accord, et à défaut par une décision de justice qui relève de la compétence du tribunal de grande instance (celui du lieu de situation des biens immobilier­s, à savoir les deux propriétés voisines en litige). C’est au propriétai­re qui entend que la servitude soit maintenue, bien qu’il ne l’ait pas utilisée depuis longtemps, d’établir qu’elle a tout de même été exercée depuis moins de 30 ans.

Autre motif d’extinction : les servitudes cessent lorsque « les choses se trouvent en un tel état qu’on ne peut plus en user » (article 703 du Code civil). Si votre voisin, à qui vous devez laisser le passage, a par exemple créé une dénivellat­ion à l’occasion de travaux ou un trottoir, et si ces mo- dification­s rendent impossible l’usage d’un droit de passage, la servitude prend fin. Si c’est vousmême qui avez rendu le passage impraticab­le, et que votre voisin ne s’en est jamais plaint, la prescripti­on de 30 ans peut jouer.

Comment procéder et à quel coût ? À défaut de trouver accord amiable, il faut s’adresser au TGI.

Pour constater l’extinction d’une servitude, pour en diminuer l’étendue, ou encore pour en aménager les modalités, il faut essayer de négocier un accord amiable en présence d’un notaire. La suppressio­n de la servitude ou ses aménagemen­ts sont actés officielle­ment et mentionnés au fichier immobilier (publicité foncière), carte d’identité de l’immeuble qui permet d’informer ses propriétai­res successifs. Pour cet acte, le notaire a droit à un émolument. Si par extraordin­aire (c’est peu fréquent en pratique - voir l’avis de l’expert notaire ci-dessous), il est nécessaire d’aller devant le juge, étant donné que la procédure se déroule au tribunal de grande instance, il est nécessaire de s’adresser à un avocat. Les honoraires d’avocat sont libres.

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