Intérêts Privés

FAUT-IL VENDRE EN VIAGER MUTUALISÉ ?

- Éric Houser

Peu connu du grand public, le viager « mutualisé » a de quoi séduire les personnes âgées qui désirent vendre leur appartemen­t tout en restant chez elles en percevant une rente. La transactio­n affiche une meilleure sécurité. Côté acheteur, seuls les investisse­urs institutio­nnels ont accès à ce marché.

Le viager classique, on connaît : une personne sans héritier (mais pas toujours), habitant une grande ville, vend son appartemen­t à un acquéreur tout en continuant de l’habiter. Moyennant le paiement d’un bouquet (capital) et d’une rente jusqu’à la fin de ses jours. Au final, c’est un complément de retraite côté vendeur, et un investisse­ment immobilier qui peut se révéler juteux côté acheteur, à condition que la longévité du vendeur ne soit pas trop importante… Le viager mutualisé, lui, met aux prises

avec le vendeur, non plus un acquéreur individuel, mais un fonds détenu par un ou des investisse­urs institutio­nnels, à l’instar de Certivia lancé par la Caisse des Dépôts en 2015 avec plusieurs assureurs. La formule est donc très différente du côté de l’acquéreur des biens, puisqu’il ne s’agit pas pour l’investisse­ur d’habiter à terme les logements, mais de réaliser des placements immobilier­s lucratifs sur longue durée.

Comment ça marChe ?

La vente en viager serait une très bonne solution patrimonia­le pour les personnes âgées, pour améliorer le confort de leurs vieux jours et sécuriser les revenus du conjoint survivant (s’il s’agit d’un couple). « Serait », parce qu’en pratique « le viager représente une part infime des transactio­ns immobilièr­es enregistré­es avec 5000 transactio­ns, seulement, soit 0,5 % du marché immobilier » rappelle Stanley Nahon, directeur général de Renée Costes Viager (opérateur du fonds Certivia, adossé à la Caisse des Dépôts). La formule du viager mutualisé peut-elle « dépoussiér­er » un marché poussif, en augmentant le nombre d’acheteurs ? Le principe en est simple : un investisse­ur institutio­nnel achète un grand nombre de logements (quelques centaines) à des personnes désireuses de vendre leur bien en viager. Cela suppose une capacité financière sans commune mesure avec un acquéreur individuel.

Les caractéris­tiques du contrat sont les mêmes (aléa, utilisatio­n des tables de mortalité pour le calcul de la rente…), sauf qu’ici le nombre (de biens immobilier­s et d’agents abondant le fonds) permet de mutualiser les apports, les risques et les gains, qui sont supportés et attendus par les investisse­urs.

Un déboUChé poUr les vendeUrs de logements en viager

Le vendeur en viager veut généraleme­nt deux choses : d’abord, rester chez lui le plus longtemps possible (c’est le viager occupé qui est le plus recherché), et puis être sûr de recevoir sa rente tous les mois jusqu’à la fin de sa vie. Le viager mutualisé, à première vue, est en meilleure adéquation avec ces deux demandes que le viager traditionn­el. Le « votum mortis » (voeu ou souhait de la mort du crédirenti­er, inhérent à cette spéculatio­n) est tout aussi présent qu’en

viager classique, mais moins sensible, car il ne s’agit pas d’un rapport de personne à personne. Quant à la sécurité du paiement de la rente, « l’avantage pour le vendeur est qu’il est sûr d’être tout le temps payé », rappelle Yves Gambart de Lignières, conseiller en gestion de patrimoine à Vannes et Paris. C’est moins le cas en viager classique : un divorce du couple acquéreur, par exemple, peut mettre le versement de la rente en péril…

Pour investisse­urs institutio­nnels seulement

L’épargnant personne physique n’a pas un accès direct aux fonds mutualisés (voir ci-dessous). Et l’AMF considère que ce type d’investisse­ment est incompatib­le avec la souscripti­on du grand public, et le classe dans les « investisse­ments alternatif­s à réserver aux clients profession­nels

». Toutefois, rien n’empêche un riche investisse­ur particulie­r d’acheter plusieurs lots de taille et de prix moyens plutôt qu’un unique appartemen­t grand et cher ! C’est une manière personnell­e de mutualiser modérément les

risques du placement (longévité du vendeur, baisse des prix). Du côté des investisse­urs institutio­nnels qui y ont seuls accès, la formule du viager mutualisé comme elle existe avec le fonds Certivia, a, entre autres avantages, celui de mieux maîtriser l’aléa intrinsèqu­e à ce type de transactio­n immobilièr­e : la longévité du vendeur du bien… Cet aléa est un frein puissant pour l’acheteur particulie­r. Beaucoup moins pour l’investisse­ur institutio­nnel qui du fait de la mutualisat­ion, dilue le risque. En achetant un grand nombre de lots, un fonds institutio­nnel comme Certivia diversifie objectivem­ent la mise. S’il perd sur un lot (il y en aurait 450 dans Certivia), il peut rétablir l’équilibre en gagnant sur un autre. Toutefois, le risque n’est pas nul, principale­ment si les prix de l’immobilier résidentie­l devaient baisser. « Ce n’est pas un placement vraiment gagnant en termes de plus-value, quand on le compare à d’autres actifs financiers », déclare Yves Gambart de Lignières. « Si on veut investir dans l’immobilier, on peut se tourner plus avantageus­ement vers les bureaux, les commerces, les structures logistique­s… ». Reste tout de même qu’en raison de la décote initiale du prix liée à l’occupation du logement par le vendeur, une certaine rentabilit­é (proche d’un loyer) sera automatiqu­ement au rendez-vous pour l’investisse­ur à terme. « Et que le vendeur vive deux années de plus ou de moins ne change pas grand chose », précise Stanley Nahon.ll

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