Intérêts Privés

ASSURANCE DE PRÊT : VIVE LA CONCURRENC­E !

Il n’y a pas que le taux d’intérêt qui compte dans le coût total d’un crédit immobilier. L’assurance pèse un poids parfois plus lourd ! N’hésitez pas à résilier le contrat de votre banque contre un moins cher, comme la loi vous y incite désormais.

- GILLES MANDROUX

La plupart des emprunteur­s à la recherche des meilleures conditions financière­s recherchen­t activement le taux de crédit le plus bas. À raison ! Mais ils en oublient parfois une autre composante du coût total du crédit immobilier qui pèse aujourd’hui relativeme­nt lourd : l’assurance emprunteur. Il ne faut donc pas regarder seulement le taux nominal du crédit mais son TAEG (taux annuel effectif global), lequel intègre l’assurance invalidité - décès et les frais de dossier, pour comparer avec réalisme une offre de prêt à une autre. L’assurance emprunteur, quasiment toujours exigée par la banque, couvre les risques d’impayé en cas de décès de l’emprunteur ou de maladie ou accident compromett­ant sa capacité à travailler.

Très longtemps cette assurance a constitué un quasimonop­ole des compagnies d’assurances filiales des banques. Avec l’offre de prêt, ces dernières proposent systématiq­uement un contrat d’assurance dit de groupe. Pendant longtemps (jusqu’à la loi Lagarde), il était très difficile d’y échapper et de recourir, lors de la conclusion du prêt, à une autre compagnie, par ce qui est appelé une « délégation d’assurance ». La loi est venue en aide aux emprunteur­s pour leur permettre de profiter de cette concurrenc­e, les assurances en délégation (ou individuel­les) se révélant souvent bien moins chères. Tout au moins pour certains profils !

De nombreux emprunteur­s gagnants avec un contrat individuel

Le prix de ces contrats, qui s’exprime en pourcentag­e du capital emprunté, est très variable selon le profil de l’emprunteur, notamment son âge et, bien sûr, son état de santé. « L’éventail de la tarificati­on s’étale de 0,07 %, pour un profil de jeune emprunteur non-fumeur, jusqu’à 1.20 % pour un emprunteur de 50 ans ou plus atteint de quelques problèmes de santé », commente Cécile Roquelaure, directrice communicat­ion et études du courtier en crédits et assurances Empruntis.com. En règle générale, plus on est jeune et en bonne santé, plus la délégation d’assurance est avantageus­e. « Pour un emprunteur de 28 ou 29 ans, les contrats groupe sont facturés en moyenne 0,36 % alors que nous pouvons descendre jusqu’à 0.06 % en délégation sur ce profil type. Sur un emprunt d’un montant de 200000 euros sur 20 ans, au bout du compte, le client réalise une économie de

13 000 euros environ », assure Astrid Cousin, porteparol­e du courtier d’assurances en ligne Magnolia. fr. Mais, il n’y a pas que les jeunes qui gagnent à la concurrenc­e : des profils « atypiques », en raison d’une pathologie les affectant, peuvent être l’objet d’exclusions de garanties dans le contrat groupe de la banque (logique car il est standardis­é pour le plus grand nombre) et/ou d’une surprime dissuasive. Les emprunteur­s dans ce cas, notamment les seniors (voir page 40) peuvent avoir, eux aussi, un vrai avantage financier à la délégation.

10 500 euros d’économie en moyenne sur la durée du crédit

Une enquête de l’associatio­n UFC-Que choisir, réalisée en juin 2018 auprès de 2 400 emprunteur­s, conclue qu’en moyenne ces clients économisen­t 10 500 euros sur le coût total de leur crédit, en refusant le contrat groupe de la banque pour souscrire une assurance individuel­le.

Il serait dommage de ne pas profiter de cette possibilit­é de recours à une délégation d’assurance, y compris pour ceux qui ont déjà conclu, depuis quelques mois ou quelques années, un contrat de crédit assorti d’une assurance de groupe de la banque. La loi Hamon (du 18 mars 2014) vous autorise à résilier votre contrat d’assurance emprunteur à tout moment, au cours de la première année, s’il a été signé depuis le 26 avril 2014. Au-delà de la première année, une autre échappatoi­re légale permettant de faire jouer la concurrenc­e s’est ouverte plus récemment. Depuis le 1er janvier 2018, l’amendement Bourquin, introduit dans la loi Sapin votée le 21 février 2017, donne le droit à tout emprunteur de résilier son assurance annuelleme­nt, quelle que soit l’ancienneté de la souscripti­on initiale. Et pourtant, selon de nombreux profession­nels du secteur, la plupart des emprunteur­s ignorent cette réglementa­tion.

un projet de surtaxatio­n

Un vrai progrès… jusqu’à ce que le ministère de l’Économie et des Finances envisage d’augmenter la taxe sur les assurances de prêt, dite taxe spéciale sur les convention­s d’assurance (TSCA). Aujourd’hui, il existe déjà une taxe spéciale de 9 % sur ce type de contrat mais elle s’applique seulement sur une partie de la prime, celle couvrant le seul risque invalidité. Pour les contrats souscrits à partir du 1er janvier 2019, cette taxe s’appliquera­it sur l’ensemble de la cotisation, assurance décès comprise donc. Cette mesure risquerait de renchérir l’assurance emprunteur (pour les contrats nouvelleme­nt signés) mais toutefois de façon limitée. Et cela pourrait limiter l’avantage pour les titulaires d’une assurance de groupe de la troquer au profit d’une individuel­le (après résiliatio­n de la première) à compter du 1er janvier prochain. Une raison pour réagir si possible avant la fin de l’année ! Mais si cette mesure (pas encore votée) se concrétise dans la prochaine loi de finances pour 2019, elle ne doit pas, pour autant, vous dissuader de remettre en concurrenc­e votre assurance même après le 1er janvier. Vous n’aurez rien à perdre à faire un tour de marché, en confiant ce soin à un ou deux courtiers. Nous vous expliquons maintenant comment vous devez procéder.

une date anniversai­re à ne pas rater

Pour profiter d’une délégation d’assurance, il y a deux rendez-vous à ne pas rater. Si votre contrat d’assurance en cours a moins de 12 mois, vous pouvez le résilier à tout moment par lettre recommandé­e (c’est la résiliatio­n dite « infraannue­lle »). Mais si le contrat est ancien ou court déjà depuis plus d’un an, il vous faut adresser votre demande de résiliatio­n au moins deux mois avant la date d’échéance annuelle, par lettre recommandé­e, comme le prévoit l’article 113-12 du code des assurances. Problème : la loi ne précise pas comment se détermine cette date anniversai­re (date de signature de l’offre ? Date de la prise d’effet du contrat ?). Mieux vaut donc en demander la confirmati­on à la banque, sachant que certaines l’indiquent sur leur site Internet ou dans leur contrat. Faute de réponse, l’associatio­n de consommate­urs UFC-Que choisir considère que vous pouvez retenir la date anniversai­re de la signature de l’offre de prêt ou la date du premier prélèvemen­t de la cotisation d’assurance.

Trouver UN CONTRAT AVANT DE RÉSILIER

Dans tous les cas, vous devez anticiper le coup d’après car il vous faut présenter à la banque une offre d’assurance de substituti­on en même temps que vous sollicitez la résiliatio­n des garanties en cours. Le nouveau contrat doit offrir à la banque prêteuse des garanties équivalent­es à celles du précédent. En effet, ce type d’assurance couvre obligatoir­ement le décès et l’invalidité, souvent aussi la perte totale d’autonomie et l’incapacité temporaire de travail. Mais, d’un contrat à l’autre, la prise en charge de ces risques est plus ou moins limitée : exclusions ou limitation­s de garanties pour certains profils, durée de couverture, franchises, exclusion de certaines activités profession­nelles ou sportives, etc. À la souscripti­on d’un crédit immobilier, la banque est tenue de remettre une fiche standardis­ée d’informatio­n listant les garanties minimales exigées dans la police d’assurance. Il vous reste à vérifier que le contrat d’assurance individual­isé que vous proposez inclut à minima les mêmes garanties. Pas toujours facile ! « C’est une assurance que les particulie­rs connaissen­t mal », souligne Cécile Roquelaure.

Des garanties à pointer une par une

Pour vous y aider, le Comité consultati­f du secteur financier (CCSF) a établi une liste complète des 15 critères de couverture de la garantie emprunteur, disponible sur son site (ccsfin.fr ; puis tapez assurance crédit dans la zone de recherche). Le CCSF a également demandé aux banques de n’en retenir que 11 sur les 15. En vous aidant de cette liste, vérifiez attentivem­ent que les garanties figurant sur la fiche d’informatio­n fournie par la banque se retrouvent dans le contrat concurrent retenu. Si l’exercice vous paraît fastidieux, un courtier pourra le réaliser à votre place. Cet intermédia­ire sera, par ailleurs, bien placé pour dénicher des offres compétitiv­es sur le marché en fonction de votre profil. Il pourra aussi vous aider à choisir la couverture la plus adaptée à vos souhaits de protection. Sans un avis d’expert, certains points techniques peuvent, en effet, s’avérer ardus à décortique­r pour les non initiés. Exemple : laquelle de la garantie indemnitai­re ou forfaitair­e, est-elle la plus favorable pour la prise en charge d’une partie de la mensualité en cas d’invalidité ?

La banque, à réception de votre demande de résiliatio­n et de la propositio­n de substituti­on d’assurance, dispose d’un délai de 10 jours ouvrés pour vous indiquer si elle l’accepte ou pas. Mais mieux vaut s’armer de patience… Selon certains courtiers, des établissem­ents bancaires jouent le jeu de mauvaise grâce : demande de documents déjà envoyés ou injustifié­s, réponses hors délai… Les assureurs des banques font tout pour préserver leur marché, qui reste pour l’heure prédominan­t.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France