Intérêts Privés

DIFFICILE DE NE PAS COMPRENDRE

- Serge Florentin Rédacteur en chef

La colère n’est pas bonne conseillèr­e dit-on, mais lorsqu’elle s’exprime comme avec les manifestat­ions spontanées des « gilets jaunes » du 17 novembre, il faut la considérer. En commençant par s’interroger sur ses raisons. L’injustice ressentie par certaines personnes mérite mieux qu’un lever de sourcil suspicieux même si la façon anarchique dont s’exprime cette rancoeur peut avoir des conséquenc­es déplorable­s. Car si l’on regarde de plus près cette histoire de carburants qui enflamme les esprits, il y a bien une tenace odeur d’injustice. Après avoir encouragé fortement les automobili­stes à acheter des voitures Diesel pendant plus d’une décennie, notamment avec des bonus très incitatifs un peu avant 2010, au nom de l’écologie…, voila qu’aujourd’hui on rééquilibr­e la fiscalité pesant sur le gasoil à parité avec l’essence, tout en augmentant aussi les taxes qui pèsent sur cette dernière. Résultat : on paie aujourd’hui le gasoil plus cher que l’essence sans plomb 95 (E10) alors que cette dernière n’est pas plus écologique pour l’émission de CO2 que le Diesel (voire moins eu égard à la consommati­on des gros véhicules). « L’écologie a bon dos » … s’étranglent nos râleurs de gilets jaunes, et ils n’ont pas tort, en fustigeant un matraquage injuste du prix du gasoil qui va encore être renchéri par rapport à l’essence à compter du 1er janvier prochain du fait du rattrapage de la fiscalité. Que le Diesel ne soit plus encouragé (à cause des particules fines nuisibles à la santé) passe…, mais qu’il soit carrément pénalisé dorénavant par l’addition des taxes à la forte hausse du prix du pétrole…, c’est la goutte de gasoil qui fait déborder le réservoir !

Et puis il y a une réelle iniquité sociale grandissan­te au nom de la transition écologique : le poids record de la fiscalité sur les carburants n’est pas progressif comme l’impôt sur le revenu. À chaque plein, vous paierez le même montant de taxes (autour de 60 %) que vous gagniez 1000 € par mois, 5000 ou 10000, que vous rouliez chic ou utile. Évidemment cela pèse plus durement sur les ménages modestes qui n’ont pas forcément choisi d’habiter loin de leur travail (le renchériss­ement de l’immobilier n’est pas neutre) et qui n’ont pas d’alternativ­e à la voiture. Et pourquoi ne pas commencer par faire payer au transport routier, aérien, et aux flottes de porte-conteneurs un écot proportion­nel à leurs émissions de CO2 dans l’atmosphère qui ne cessent d’augmenter avec la mondialisa­tion ? Selon que vous serez puissant ou misérable…

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