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Perdre ses réflexes au volant de sa voiture, faire des chèques à tort et à travers, oublier de régler ses factures… Autant de signes qui alertent sur l’état de la personne âgée dont le discernement s’altère : comment limiter les risques ?
L’augmentation des cas de la maladie d’Alzheimer et autres troubles du comportement (hors la dépendance liée au grand âge) est une réalité sociale et médicale importante. Lorsqu’un parent est frappé de ces troubles sans que la maladie soit encore officiellement diagnostiquée, comment les enfants, le conjoint et les proches peuvent-ils réagir, pour protéger la personne « atteinte » mais aussi les intérêts de la famille ? Peut-on faire annuler certains actes de disposition pris par la personne qui commence à perdre la tête ? Quelles sont les mesures de protection et de sauvegarde légères ou plus complètes qu’il convient d’adopter ?
La « zone grise »
Il est bien rare qu’une personne perde d’un seul coup son autonomie (motrice et intellectuelle), sauf bien sûr en cas d’accident brutal, d’AVC, etc. Plus souvent, ses forces déclinent progressivement, et la personne âgée et son entourage traversent une « zone grise » au cours de laquelle des clignotants commencent à s’allumer. Il est important de les percevoir et de poser des actes pour protéger la personne, si possible en concertation avec elle mais parfois aussi contre sa volonté. Cela n’est pas toujours bien vécu, même si l’objectif n’est pas de nuire à la personne mais de l’aider… Le conjoint et les enfants sont en première ligne, mais la famille n’est pas seule, et le médecin traitant, notamment, peut être un relais efficace.
Conduire ou se Laisser Conduire
« À l’âge de 88 ans, mon père qui se rendait à une brocante caritative annuelle ne s’est soudain plus rappelé le trajet en voiturepour y arriver », raconte Jacques-Henri (de Lyon). « Il a fait demitour et est rentré chez lui, car c’était la deuxième fois que cela arrivait, et peu de temps après il a vendu son véhicule ». Attitude d’une grande sagesse, mais qui n’est pas tellement répandue ! Trop souvent, il faut qu’il y ait eu un accident pour que le déclic se produise. Il n’est pas simple de faire face à un parent âgé qui s’obstine à conduire sa voiture malgré des signes évidents d’affaiblissement des réflexes ou de perte de repères. Il n’existe pas de moyen de coercition extérieur, émanant d’une autorité neutre. Sauf peut-être, quand une relation de confiance est instaurée, de la part du médecin traitant qui, à force de persuasion, alerte
son patient et réussit à l’orienter vers un médecin agréé, compétent pour se prononcer sur l’aptitude médicale à la conduite. Finalement, c’est d’abord une question de prise de conscience.
Banque : procuration ou compte joint
La gestion du quotidien est aussi un domaine « témoin » de l’état de la personne, et il y a des signes qui ne trompent pas. Erreurs de chiffres, perte de documents bancaires ou de chéquiers, oubli de règlement… alertent sur la capacité à gérer son compte bancaire et les opérations à effectuer. « Les proches, conjoint ou enfants, peuvent suggérer que soit établie une procuration pour l’un d’entre eux sur le compte courant de la personne qui ne s’en sort plus toute seule », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. « Ou même que soit ouvert un compte-joint de fonctionnement, c’est-à-dire dédié spécialement aux opérations de la vie courante ». Cette deuxième solution a peutêtre un peu plus de souplesse que la première, car la banque sera encline (pour éviter tout risque de détournement) à stopper la procuration sitôt informée de signes de vulnérabilité (faisant craindre un début d’incapacité) de la part du titulaire du compte. Le compte-joint est plus souple, du moins temporairement.
Mais, quel que soit l’instrument bancaire choisi, il faut être très vigilant quant aux opérations effectuées, et surtout bien en garder toutes les traces écrites. En effet, il n’est pas rare que la personne bénéficiant de la procuration ou co-titulaire du compte soit en butte aux soupçons d’un frère ou d’une soeur, aux critiques malveillantes ou à la jalousie, surtout à l’ouverture de la succession ( « pourquoi lui ou elle…, pourquoi pas moi ? »). Corine n’a pas rencontré ce problème. « J’ai une procuration de ma mère sur son compte parce que je suis la plus proche géographiquement », témoigne-t-elle. « J’avoue que je ne suis pas tranquille vis-à-vis de mes frères et soeurs, qui habitent dans une autre région et sont de ce fait moins disponibles que moi pour s’occuper des affaires de notre mère ». Pour prévenir les conflits, il faut être rigoureux dans la gestion de la procuration. Sans faire des comptes d’apothicaire, il est important de ne pas perdre de vue que le titulaire de la procuration agit en tant que mandataire de son parent. « Conserver précieusement tous les relevés du compte, afin d’avoir une traçabilité de tous les mouvements de fonds, et surtout, ne jamais faire le moindre retrait ou paiement pour soi-même », insiste Nathalie Couzigou-Suhas. Un dérapage est vite arrivé, et il n’y a rien de pire que d’être accusé à tort de détournement. Si on est totalement transparent, le poison de la suspicion ne s’instillera pas dans les relations familiales.
conjoint haBilité à agir
Lorsque la personne vulnérable (en perte d’autonomie) est mariée, il faut savoir que des dispositions légales permettent à son conjoint d’obtenir une autorisation d’agir à sa place, et cela quel que