Intérêts Privés

PARLER, POUR SORTIR PLUS VITE DU CONFLIT FAMILIAL

Que ce soit à l’occasion d’un divorce ou d’une succession, les blocages financiers et patrimonia­ux sont la traduction d’un conflit qui est d’abord relationne­l. la médiation, démarche volontaire et « impliquant­e », permet souvent de gagner du temps, et de

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Résidence alternée + pension : enfant, majoration de quotient familial à partager Âge moyen

l du divorce : 45,3 ans pour les femmes et 48,2 ans pour les hommes

Qui n’a pas connaissan­ce dans son entourage familial ou profession­nel de conflits d’argent qui s’éternisent, que ce soit à l’occasion d’une rupture conjugale ou après un décès ? Liquidatio­ns de biens en communauté qui ne sont toujours pas réglées des années après le prononcé du divorce, indivision­s nids de vipères, partages de succession à couteaux tirés… Face au conflit, il y a ceux qui se lancent tête baissée dans les procédures : solution toujours fort coûteuse (tant en frais qu’en énergie et temps), souvent épuisante. À l’inverse, il y a ceux qui recouvrent le litige d’un épais manteau de silence, ce qui n’est pas mieux. Pourquoi ne pas tenter de renouer le dialogue en entamant une démarche de médiation, avec un (e) pro ?

➜ Règlement de comptes en couple

L’argent pourrit tout, dit-on, a fortiori quand le couple se sépare… « Les conflits conjugaux ont toujours une résonance patrimonia­le », rappelle sobrement Pauline Gorioux, médiatrice à Paris (cabinet Mediaccord). Et le constat vaut bien sûr autant pour les concubins ou partenaire­s pacsés que pour les personnes mariées.

• Partage. Dans ce dernier cas (mariés), il faut nécessaire­ment liquider le régime matrimonia­l (la communauté légale pour la plupart des couples). C’est-à-dire établir la liste des biens qui appartienn­ent aux deux époux, faire les comptes entre eux (notamment quand un bien commun a été financé en partie par des fonds propres à l’un d’eux), et procéder au partage après avoir compensé créances et dettes. Hors mariage, il faut décider de la même façon du sort des biens acquis ensemble (le logement étant très souvent en indivision), et régler les dettes qui les concernent : charges de copropriét­é, impôts fonciers, travaux, emprunt bancaire… Autant d’occasions de conflit.

• Logement. « Après le partage des biens, le deuxième type de conflit que nous rencontron­s en médiation concerne, en cas de vente du logement, la répartitio­n de son prix entre les membres du couple », indique Pauline Gorioux. S’il y a le moindre désaccord, l’un des deux prétendant avoir financé plus que l’autre et réclamant plus pour en tenir compte, le notaire doit placer la somme sous séquestre (elle peut ainsi se retrouver bloquée pendant des années !)

➜ IndemnIté d’occupatIon

Une autre source récurrente de litiges entre les ex concerne l’indemnité d’occupation qui peut

être due par celui ou celle qui est resté (e) dans le logement après divorce ou séparation. Quel sera son montant, avec quelle décote ? Toutes les années d’occupation doivent-elles être prises en compte ? « Tout se discute ! », souligne Caroline Maurel, médiatrice avec Pauline Gorioux au cabinet Mediaccord (Paris). Autrement dit, s’il peut toujours y avoir une solution tranchée qui émane du juge, éventuelle­ment après une expertise, les ex-conjoints eux-mêmes ont intérêt à parvenir à un accord, plus satisfaisa­nt en principe qu’une solution imposée. Il en est de même au niveau du partage. « Le partage qui donne lieu à un accord conclu en médiation est équilibré au regard des efforts consentis de part et d’autre (davantage qu’égalitaire en chiffre) », précise Caroline Maurel. Et cet accord peut être formalisé par le notaire et/ou homologué par le juge, ce qui lui confère une force juridique encore plus grande.

➜ Tenir compTe de cerTaines fauTes

Des comptes arithmétiq­uement justes, et juridiquem­ent « d’équerre », ne sont pas forcément la bonne solution, comme en témoigne l’histoire de ce couple divorçant venu en médiation. Appelons-les Odile et Jacques.

« Lors du projet de partage soumis par le notaire liquidateu­r, Odile a refusé de signer sans plus d’explicatio­n. Jacques souhaitant en sortir s’est résigné à saisir le juge, et c’est à la suite de cette assignatio­n que tous deux ont décidé de venir discuter en médiation », raconte Pauline Gorioux.

• Infidélité « C’est seulement là qu’est ressorti ce qui bloquait : le fait que Jacques ait utilisé un crédit à la consommati­on pour passer plusieurs week-ends avec différente­s maîtresses ». L’applicatio­n de la stricte règle juridique conduisait dans ce dossier à partager par moitié entre les deux conjoints le remboursem­ent de cet emprunt. Mais l’épouse estimait que son mari devait moralement l’indemniser, elle, de ce qu’il lui avait fait subir, en prenant en charge seul le remboursem­ent. Ce que Jacques, au bout du compte, a fini par accepter. Une manière de valoriser le non-quantifiab­le en se dispensant de la notion traditionn­elle de dommages-intérêts.

• Solitude. Dans les conflits de succession aussi, tout n’est pas quantifiab­le. Comment traduire en chiffres le manque de reconnaiss­ance ressenti depuis toujours par l’un des héritiers ? Même le temps passé auprès de parents vieillissa­nts n’est pas facile à évaluer.

➜ La succession rouvre Le droiT à La discussion

« Les dossiers de succession sont les plus compliqués, avec des génération­s différente­s, une histoire plus longue et souvent plus lourde que dans le cadre

des liquidatio­ns après divorce », observe Caroline Maurel. Le temps de « gel » de certains dossiers, c’est-à-dire de période pendant laquelle il ne se passe absolument rien, atteint parfois une ou deux décennies après le décès ouvrant la succession. Le sort d’un immeuble en indivision, l’évaluation de donations faites du vivant des parents, la vente en urgence de biens qui dépérissen­t…, sont autant de sujets de litiges entre les héritiers. Les conflits démarrent parfois avant le décès, qu’il s’agisse de décider entre maintien à domicile et maison de retraite, ou de prendre en main la gestion du patrimoine parental. S’agissant des succession­s proprement dites, il n’y a pas toujours nécessaire­ment de désaccord précis. « Les gens viennent à nous simplement parce qu’ils ne se parlent plus, et qu’ils n’ont pas réussi à s’entendre chez le notaire ! », constatent Pauline Gorioux et Caroline Maurel. « Grâce à quelques rendez-vous autour d’une table, ils parviennen­t à se reparler sans intermédia­ire, à discuter entre eux et à trouver des solutions ».

➜ Nommer et ideNtifier le coNflit

La médiation part du constat que la plupart du temps, le conflit conjugal ou familial repose sur un défaut de communicat­ion qui ne justifie pas de saisir un juge. « Il y a un travail à faire sur le conflit, sur le problème relationne­l », souligne Pauline Gorioux. Les personnes qui divorcent arrivent souvent devant le médiateur en disant qu’ils viennent uniquement pour parler d’argent, mais assez vite transparaî­t un autre motif… Tel ce mari qui, devant payer une indemnité d’occupation, ressent cette charge comme une « double peine » ( « elle est partie, et en plus je dois payer ! ») ; ou cette épouse qui, au moment de liquider l’entreprise de travaux dans laquelle elle est associée avec son mari, reproche à ce dernier d’avoir fait des dépenses personnell­es (une voiture de fonction qu’il utilise avec sa nouvelle compagne) sur le compte de la société… « Les questions de patrimoine sont imbriquées à l’histoire de la vie du couple », rappelle Pauline Gorioux. Et la médiation propose un espace de liberté où chacun, grâce à la présence d’un tiers neutre et indépendan­t, va pouvoir s’exprimer librement et écouter l’autre, chacun comprenant progressiv­ement comment la situation en est arrivée là.

➜ le médiateur accompagNe mais Ne propose pas de solutioN !

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le médiateur n’est pas là pour résoudre les problèmes des personnes qui ont recours à lui à leur place. Ce n’est pas un juge, ni un notaire, ni vraiment un expert proposant une solution technique pour résoudre le conflit. « On propose plutôt un accompagne­ment », résume Caroline Maurel. Ça n’a l’air de rien ! Et pourtant, c’est grâce à cet accompagne­ment du médiateur (qui suppose une qualificat­ion reconnue, voir encadré page 20) que les personnes en présence, dans la majorité des cas, parviennen­t à « crever l’abcès » et à trouver des solutions durables.

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