Intérêts Privés

L’ASSURANCE-VIE PLIE MAIS RÉSISTE BIEN

Sans surprise, les performanc­es des fonds en euros baissent à nouveau en 2018. Paradoxale­ment, ce nouveau recul ne remet pas en question l’attrait de l’assurance-vie.

- Anne-Lise Defrance

Pas de miracle mais pas de réelle déconvenue non plus ! Pour la dix-huitième année consécutiv­e, les rendements des fonds en euros enregistre­nt, sans surprise, une nouvelle baisse avec un taux moyen 2018 attendu autour de 1,60 %. Soit 0,2 % de moins qu’en 2017 (qui avait agréableme­nt surpris avec une moyenne de 1,80 %, selon la Fédération française de l’assurance). « Outre le maintien à des niveaux très bas des taux obligatair­es qui conditionn­ent le rendement des supports en euros, les assureurs ont dû faire face en 2018 à une forte instabilit­é des marchés boursiers. Ce qui ne leur a pas permis de dégager autant de plus-values que les années antérieure­s et donc, de doper autant que voulu les performanc­es de leur actif général » détaille Cyrille Chartier-Kastler, du site d’évaluation des contrats d’assurance-vie Good Value for Money (GVfM).

Pourtant certains fonds euros, aux rendements traditionn­ellement inférieurs à la moyenne générale, réussissen­t à se reprendre légèrement par rapport aux années passées. À l’image du réseau des Caisses d’Épargne dont la majorité des contrats connaissen­t un rebond de 0,10 % ou encore, de la Macif qui offre 0,30 % de plus qu’en 2017 sur son contrat Multi Vie (1,50 %). Quant aux autres fonds euros régulièrem­ent en tête des classement­s, bien qu’en recul, ils tirent encore leur épingle du jeu avec des résultats toujours au-dessus des 2 % comme l’Asac-Fapès (2,48 %), la MIF (2,35 %) ou l’Afer (2,25 %). Certains même remontent comme Euro Exclusif (2,31 %) de Boursorama Vie.

Mais comment font ces assureurs pour servir une rémunérati­on jusqu’à 1,5 % supérieure à celle actuelle des emprunts d’État ? Plusieurs explicatio­ns sont détaillées par Thomas Delannoy, directeur général de l’Asac-Fapès. « À raison de 0,36 %, nos frais de gestion sur notre fonds euros sont très bas par rapport au reste du marché. Ce qui contribue à la performanc­e finale. Quant à notre actif, il est composé sur la partie obligatair­e d’un panachage entre obligation­s d’État et corporate ou assimilé. Enfin, nous ne nous interdison­s pas de réaliser des plus-values pour alimenter le rendement et avons demandé pour ce faire à notre assureur d’aller chercher des poches de diversific­ation en private equity notamment ».

Le matelas intact du rendement stocké dans La PPB

La performanc­e globale des fonds euros en 2018

est d’autant plus honorable que les profession­nels n’ont pas puisé dans leurs réserves pour gonfler artificiel­lement leurs résultats. Bien au contraire… L’heure est toujours à la prudence et nombreux sont ceux à avoir choisi d’alimenter une nouvelle fois leur « provision pour participat­ion aux bénéfices » (PPB). Autrement dit, cette cagnotte dans laquelle ils peuvent placer jusqu’à 15 % maximum des gains réalisés au cours de l’année et qui leur permet de lisser dans le temps les taux de rémunérati­on servis à leurs assurés. « En 2018, nous avons davantage re-doté notre PPB que nous n’avons pioché dedans », confirme Geoffroy Brossier, directeur commercial, marketing & offres Vie de Covéa, groupe d’assurances mutualiste regroupant MAAF, MMA et GMF. Même chose pour l’associatio­n Gaipare qui, en affectant une dotation supplément­aire de 15,2 millions d’euros à sa PPB, a permis à cette dernière d’atteindre 1,45 % des avoirs de son fonds en euros.

Fait nouveau, en 2018, ce sont bien les assureurs qui, d’eux-mêmes, ont pris le parti de la modération du taux du fonds en euros sans y être incités par la Banque de France. Quitte à décevoir un peu les épargnants… Mais, pourquoi font-ils ce choix au risque d’affadir l’assurance-vie qui reste le placement roi dans le patrimoine des Français (selon l’enquête Patrimoine novembre 2018 de l’INSEE)? Précisémen­t pour orienter l’épargne des particulie­rs vers les supports en unités de compte (UC)- source de diversific­ation et de potentiels rendements – et la détourner en partie des fonds en euros. En effet, le problème de gestion auquel sont confrontés les assureurs n’est pas nouveau : toute collecte vers les fonds euros contraint actuelleme­nt les profession­nels du secteur à investir dans des obligation­s peu rémunérées (0,60 % aujourd’hui pour les OAT 10 ans) contribuan­t de fait à diluer les performanc­es de l’actif général de leurs contrats massivemen­t investi (de 70 % à 90 %) dans ces obligation­s. Et, la situation ne semble pas près de s’améliorer. « Nous sommes dans un scenario où les taux devraient rester durablemen­t bas », analyse Cyrille Chartier-Kastler.

Poutant aux yeux des assurés, « le fonds en euros, même moins bien rémunéré, reste un support très avantageux car il associe garantie en capital, protection des aléas du marché, sécurisati­on des gains et disponibil­ité des fonds à tout moment », poursuit Thomas Delannoy. Ce qui en fait une parfaite solution de repli pour pérenniser le capital quand les UC sont à la peine comme ce fut le cas l’année dernière.

Sale temps pour les uc

Exceptés les UC investies en immobilier, 2018 a en effet été une année de baisse pour les supports en unités de compte en raison d’un mini krach boursier (-11 % pour le CAC 40 en 2018). « De quoi craindre un reflux des épargnants, souvent averses au risque, vers les fonds en euros, supports plus sécuritair­es de leur contrat », regrette Geoffroy Brossier.

Conséquenc­e : si 2018 a parfaiteme­nt rempli les espérances des assureurs avec un taux de collecte des UC de l’ordre de 28 %, 2019 risque en revanche de voir les versements chuter sur ces supports. Une tentation dont les assurés seraient à plus long terme, les premières victimes… Car, certes encore alléchante­s par rapport au taux de rémunérati­on proposés par les produits d’épargne traditionn­els – livret A en tête – les performanc­es servies par les fonds euros sont loin d’être aussi positives qu’elles ne le laissent croire. Une fois les prélèvemen­ts sociaux retirés et l’inflation de 1,80 % déduite, leurs rendements réels 2018 sont en effet quasi-nuls. Voire, pour certains, négatifs… D’où l’importance pour conserver l’attrait de son contrat de continuer à profiter de la diversité des UC. Notamment en réinvestis­sant après les baisses, une fois le calme revenu sur les marchés.

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