UN ASSURÉ MIEUX INFORMÉ
Deux textes européens, PRIIPs et DDA, ont amélioré la protection des souscripteurs d’assurancevie en 2018, en renforçant leur information précontractuelle et la transparence des rémunérations des intermédiaires.
La protection des souscripteurs d’assurancevie aura fait un bond en avant en 2018. Deux textes européens ont en effet été transposés l’an dernier dans notre législation. C’est d’abord le règlement européen PRIIPs (Packaged Retail and Insurance based Investment Products en anglais) qui a fait son entrée, le 1er janvier. Puis la DDA (directive européenne sur la distribution d’assurance) lui a emboîté le pas le 1er octobre. Non sans mal, puisque l’entrée en vigueur de ces deux textes a été retardée à la demande des acteurs français concernés, d’un an pour ce qui concerne PRIIPs, de neuf mois pour DDA. De fait, les transposer supposait de les articuler avec les dispositions déjà en vigueur en France, mais aussi entre elles. Articuler et non empiler. Ces deux nouveaux textes visent en tout cas un objectif commun : améliorer l’information et la protection des souscripteurs d’assurance-vie. Ils s’inscrivent dans la volonté des autorités européennes de construire un marché unique de l’assurance. Cette démarche se traduit par une uniformisation de la réglementation applicable à la distribution de produits d’assurance en Europe, afin de garantir une protection homogène des consommateurs dans leurs relations avec les distributeurs d’assurances. Concrètement, quel apport pour les assurés français ?
Un noUveaU docUment poUr les soUscripteUrs d’assUrance-vie
Le règlement PRIIPs renforce la protection des investisseurs, notamment des souscripteurs de contrats d’assurance-vie individuelle, en imposant la remise d’un Document d’Informations Clés (DIC) et d’un Document d’Information Simplifié (DIS), ou « sous-DIC », à tout prospect, avant la souscription du contrat. Cette nouvelle obligation poursuit les objectifs suivants :
- renforcer l’information précontractuelle des épargnants intéressés par ces produits,
- accroître la responsabilisation des acteurs qui les proposent,
- permettre aux futurs souscripteurs de comparer plus facilement les produits et les options d’investissements associées, à l’aide de ces documents standardisés, non techniques et cohérents.
A cette fin, le règlement définit un format harmonisé pour tous les produits d’assurance-vie (contrats multisupports et assurances-vie en fonds euros),
sur 3 pages A4 maximum, dont le contenu doit être actualisé au moins une fois par an. À chaque produit commercialisé est ainsi associé un DIC, complété d’un DIS pour chaque option d’investissement proposée (Euro-croissance, mandat de gestion standardisé…).
Le DIC doit indiquer les principales caractéristiques du produit (objectifs, moyens mis en oeuvre pour les atteindre, durée de vie, description du profil d’investisseur auquel il s’adresse), description du risque et des possibilités de gains (indicateur de risque selon une échelle de 1 à 7, perte maximale de capital possible, scénarios de performances), durée de détention recommandée, frais et impact sur le rendement (en pourcentage et en euros). Il complète la note d’information que les assureurs étaient déjà tenus de communiquer aux souscripteurs d’assurance-vie, laquelle détaille les principales dispositions du contrat et les modalités d’exercice de la faculté de renonciation. Le DIC peut être remis au client sous format papier ou digital. En pratique les assureurs le mettent en ligne pour chacun de leurs produits sur leur site internet, dans un espace dédié, ce qui permet d’en assurer la traçabilité, et de les distinguer des documents à caractère commercial. « Cette publication sur le net permet de faciliter l’accès de ce DIC aux clients, confirme Philippe Poiget, délégué général de la Fédération française de l’assurance (FFA). Elle répond aussi à l’obligation de dématérialisation d’une ordonnance de 2017 », précise-t-il (voir encadré).
Une protection encore renforcée par la DDa
La DDA (ou IDD pour Insurance Distribution Directive en anglais) a été transposée en droit français le 1er octobre 2018. Elle prend la suite de la directive sur l’intermédiation en assurance (DIA) et vise, comme le règlement PRIIPs, à améliorer encore la protection et l’information des assurés, ce qui pose la question de l’articulation des deux textes. Car DDA concerne la distribution de l’ensemble des produits d’assurance, tant non-vie (IARD, santé, prévoyance…) que l’assurance-vie (produits d’investissement fondés sur l’assurance). Pour renforcer et uniformiser la protection des clients dans leurs relations avec les distributeurs d’assurances (entreprises d’assurances, courtiers, agents généraux et mandataires d’assurances…), la directive DDA met en oeuvre les principales mesures suivantes :
- Elle renforce et standardise l’information précontractuelle en instaurant l’IPID (Insurance Product Information Document) ; mais ce document est destiné à informer le souscripteur de produits d’assurance non-vie, tandis que le DIC précité, introduit par le règlement PRIIPs, concerne les produits d’assurance-vie ;
- Elle renforce le devoir de conseil des intermédiaires à l’égard des souscripteurs ;
- Elle impose également la transparence des rémunérations des intermédiaires à l’égard de leurs clients ;
- Elle adopte la POG (Product Oversight and Governance), qui désigne la surveillance et la gouvernance des produits.
Innovation de la DDA, cette POG impose aux assureurs de vérifier que les produits d’assurance qu’ils créent et distribuent sont bien conformes à l’intérêt de leurs clients et adaptés à leurs besoins.
À cet effet, ils doivent déterminer un marché cible, en évaluer les risques et mettre en place une stratégie de distribution adaptée au marché visé. « En l’occurrence, cette nouvelle exigence est plutôt contradictoire pour ce qui concerne les concepteurs de produits d’assurance-vie, souligne Philippe Parguey, Directeur Associé de la société d’ingénierie financière Nortia. Il n’y a en effet pas de marché cible plus large que celui de l’assurance-vie, explique-t-il, puisque tout un chacun peut avoir intérêt à souscrire ce type de produit, à tout âge et quelle que soit sa situation, alors que le régulateur demande des marchés cibles restreints… ».
Le renforcement du devoir de conseil et la transparence des rémunérations des distributeurs prévus par la DDA ont en revanche plus d’impact à l’égard des clients en assurance-vie. La nouvelle directive impose aux assureurs et aux distributeurs d’informer le client de la totalité des coûts et frais liés à la distribution du produit, y compris les éventuels honoraires ou commissions versés au distributeur. Elle les oblige également à adopter une politique de contrôle des conflits d’intérêts. Un seul but derrière ces mesures : éviter que le choix du produit proposé par le courtier à l’épargnant ne soit influencé par sa rémunération, et donc biaisé. « Ce sont là des éléments forts qui viennent compléter le dispositif protecteur mis en place par le règlement PRIIPs, souligne Philippe Poiget à la FFA. Ce nouveau texte a d’ailleurs pour effet d’amener les entreprises à revoir l’ensemble des conventions qu’elles ont conclues avec les distributeurs, y compris sous l’aspect rémunérations, afin de se mettre en conformité avec les nouvelles normes », constate-t-il.
Outre l’amélioration de son information précontractuelle par le biais du DIC issu de PRIIPs, le souscripteur d’assurance-vie bénéficie également du renforcement du devoir de conseil incombant au distributeur mis en oeuvre par la DDA. Celleci lui impose en effet désormais d’être en mesure de justifier qu’il a transmis au client toutes les informations objectives sur le produit afin que ce dernier soit en mesure de prendre une décision éclairée. Ce devoir de conseil existait déjà, il doit maintenant être traçable. « Toutefois, nuance Philippe Parguey, lorsqu’on dresse le bilan du DIC après quelques mois d’application, on comprend qu’il a coûté cher aux assureurs pour un résultat peu probant. » À l’en croire, les clients semblent peu nombreux à avoir consulté le document mis en ligne par les compagnies. « Ajouter toujours plus d’informations risque d’avoir un effet inverse à celui escompté, conclut-il, inquiet que le client soit finalement découragé face à une documentation trop dense et complexe. « Trop d’info tue l’info », renchérit Philippe Poiget.ll