Intérêts Privés

UN ASSURÉ MIEUX INFORMÉ

Deux textes européens, PRIIPs et DDA, ont amélioré la protection des souscripte­urs d’assurancev­ie en 2018, en renforçant leur informatio­n précontrac­tuelle et la transparen­ce des rémunérati­ons des intermédia­ires.

- Elisabeth Torres

La protection des souscripte­urs d’assurancev­ie aura fait un bond en avant en 2018. Deux textes européens ont en effet été transposés l’an dernier dans notre législatio­n. C’est d’abord le règlement européen PRIIPs (Packaged Retail and Insurance based Investment Products en anglais) qui a fait son entrée, le 1er janvier. Puis la DDA (directive européenne sur la distributi­on d’assurance) lui a emboîté le pas le 1er octobre. Non sans mal, puisque l’entrée en vigueur de ces deux textes a été retardée à la demande des acteurs français concernés, d’un an pour ce qui concerne PRIIPs, de neuf mois pour DDA. De fait, les transposer supposait de les articuler avec les dispositio­ns déjà en vigueur en France, mais aussi entre elles. Articuler et non empiler. Ces deux nouveaux textes visent en tout cas un objectif commun : améliorer l’informatio­n et la protection des souscripte­urs d’assurance-vie. Ils s’inscrivent dans la volonté des autorités européenne­s de construire un marché unique de l’assurance. Cette démarche se traduit par une uniformisa­tion de la réglementa­tion applicable à la distributi­on de produits d’assurance en Europe, afin de garantir une protection homogène des consommate­urs dans leurs relations avec les distribute­urs d’assurances. Concrèteme­nt, quel apport pour les assurés français ?

Un noUveaU docUment poUr les soUscripte­Urs d’assUrance-vie

Le règlement PRIIPs renforce la protection des investisse­urs, notamment des souscripte­urs de contrats d’assurance-vie individuel­le, en imposant la remise d’un Document d’Informatio­ns Clés (DIC) et d’un Document d’Informatio­n Simplifié (DIS), ou « sous-DIC », à tout prospect, avant la souscripti­on du contrat. Cette nouvelle obligation poursuit les objectifs suivants :

- renforcer l’informatio­n précontrac­tuelle des épargnants intéressés par ces produits,

- accroître la responsabi­lisation des acteurs qui les proposent,

- permettre aux futurs souscripte­urs de comparer plus facilement les produits et les options d’investisse­ments associées, à l’aide de ces documents standardis­és, non techniques et cohérents.

A cette fin, le règlement définit un format harmonisé pour tous les produits d’assurance-vie (contrats multisuppo­rts et assurances-vie en fonds euros),

sur 3 pages A4 maximum, dont le contenu doit être actualisé au moins une fois par an. À chaque produit commercial­isé est ainsi associé un DIC, complété d’un DIS pour chaque option d’investisse­ment proposée (Euro-croissance, mandat de gestion standardis­é…).

Le DIC doit indiquer les principale­s caractéris­tiques du produit (objectifs, moyens mis en oeuvre pour les atteindre, durée de vie, descriptio­n du profil d’investisse­ur auquel il s’adresse), descriptio­n du risque et des possibilit­és de gains (indicateur de risque selon une échelle de 1 à 7, perte maximale de capital possible, scénarios de performanc­es), durée de détention recommandé­e, frais et impact sur le rendement (en pourcentag­e et en euros). Il complète la note d’informatio­n que les assureurs étaient déjà tenus de communique­r aux souscripte­urs d’assurance-vie, laquelle détaille les principale­s dispositio­ns du contrat et les modalités d’exercice de la faculté de renonciati­on. Le DIC peut être remis au client sous format papier ou digital. En pratique les assureurs le mettent en ligne pour chacun de leurs produits sur leur site internet, dans un espace dédié, ce qui permet d’en assurer la traçabilit­é, et de les distinguer des documents à caractère commercial. « Cette publicatio­n sur le net permet de faciliter l’accès de ce DIC aux clients, confirme Philippe Poiget, délégué général de la Fédération française de l’assurance (FFA). Elle répond aussi à l’obligation de dématérial­isation d’une ordonnance de 2017 », précise-t-il (voir encadré).

Une protection encore renforcée par la DDa

La DDA (ou IDD pour Insurance Distributi­on Directive en anglais) a été transposée en droit français le 1er octobre 2018. Elle prend la suite de la directive sur l’intermédia­tion en assurance (DIA) et vise, comme le règlement PRIIPs, à améliorer encore la protection et l’informatio­n des assurés, ce qui pose la question de l’articulati­on des deux textes. Car DDA concerne la distributi­on de l’ensemble des produits d’assurance, tant non-vie (IARD, santé, prévoyance…) que l’assurance-vie (produits d’investisse­ment fondés sur l’assurance). Pour renforcer et uniformise­r la protection des clients dans leurs relations avec les distribute­urs d’assurances (entreprise­s d’assurances, courtiers, agents généraux et mandataire­s d’assurances…), la directive DDA met en oeuvre les principale­s mesures suivantes :

- Elle renforce et standardis­e l’informatio­n précontrac­tuelle en instaurant l’IPID (Insurance Product Informatio­n Document) ; mais ce document est destiné à informer le souscripte­ur de produits d’assurance non-vie, tandis que le DIC précité, introduit par le règlement PRIIPs, concerne les produits d’assurance-vie ;

- Elle renforce le devoir de conseil des intermédia­ires à l’égard des souscripte­urs ;

- Elle impose également la transparen­ce des rémunérati­ons des intermédia­ires à l’égard de leurs clients ;

- Elle adopte la POG (Product Oversight and Governance), qui désigne la surveillan­ce et la gouvernanc­e des produits.

Innovation de la DDA, cette POG impose aux assureurs de vérifier que les produits d’assurance qu’ils créent et distribuen­t sont bien conformes à l’intérêt de leurs clients et adaptés à leurs besoins.

À cet effet, ils doivent déterminer un marché cible, en évaluer les risques et mettre en place une stratégie de distributi­on adaptée au marché visé. « En l’occurrence, cette nouvelle exigence est plutôt contradict­oire pour ce qui concerne les concepteur­s de produits d’assurance-vie, souligne Philippe Parguey, Directeur Associé de la société d’ingénierie financière Nortia. Il n’y a en effet pas de marché cible plus large que celui de l’assurance-vie, explique-t-il, puisque tout un chacun peut avoir intérêt à souscrire ce type de produit, à tout âge et quelle que soit sa situation, alors que le régulateur demande des marchés cibles restreints… ».

Le renforceme­nt du devoir de conseil et la transparen­ce des rémunérati­ons des distribute­urs prévus par la DDA ont en revanche plus d’impact à l’égard des clients en assurance-vie. La nouvelle directive impose aux assureurs et aux distribute­urs d’informer le client de la totalité des coûts et frais liés à la distributi­on du produit, y compris les éventuels honoraires ou commission­s versés au distribute­ur. Elle les oblige également à adopter une politique de contrôle des conflits d’intérêts. Un seul but derrière ces mesures : éviter que le choix du produit proposé par le courtier à l’épargnant ne soit influencé par sa rémunérati­on, et donc biaisé. « Ce sont là des éléments forts qui viennent compléter le dispositif protecteur mis en place par le règlement PRIIPs, souligne Philippe Poiget à la FFA. Ce nouveau texte a d’ailleurs pour effet d’amener les entreprise­s à revoir l’ensemble des convention­s qu’elles ont conclues avec les distribute­urs, y compris sous l’aspect rémunérati­ons, afin de se mettre en conformité avec les nouvelles normes », constate-t-il.

Outre l’améliorati­on de son informatio­n précontrac­tuelle par le biais du DIC issu de PRIIPs, le souscripte­ur d’assurance-vie bénéficie également du renforceme­nt du devoir de conseil incombant au distribute­ur mis en oeuvre par la DDA. Celleci lui impose en effet désormais d’être en mesure de justifier qu’il a transmis au client toutes les informatio­ns objectives sur le produit afin que ce dernier soit en mesure de prendre une décision éclairée. Ce devoir de conseil existait déjà, il doit maintenant être traçable. « Toutefois, nuance Philippe Parguey, lorsqu’on dresse le bilan du DIC après quelques mois d’applicatio­n, on comprend qu’il a coûté cher aux assureurs pour un résultat peu probant. » À l’en croire, les clients semblent peu nombreux à avoir consulté le document mis en ligne par les compagnies. « Ajouter toujours plus d’informatio­ns risque d’avoir un effet inverse à celui escompté, conclut-il, inquiet que le client soit finalement découragé face à une documentat­ion trop dense et complexe. « Trop d’info tue l’info », renchérit Philippe Poiget.ll

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