Intérêts Privés

IMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIÈR­E

LA PIERRE QUI ÉCHAPPE À L’IMPÔT

- Christine Blondel

IFI saison 2… 2019 est l’an 2 de l’IFI, l’Impôt sur la Fortune Immobilièr­e, instauré en 2018 en remplaceme­nt de l’ex-ISF. La limitation de l’assiette taxable de l’IFI à l’immobilier est une bonne nouvelle pour bon nombre de contribuab­les qui échappent ainsi à l’imposition de leur patrimoine. Mais pour ceux qui en sont redevables, la prise en compte, sauf exonératio­n, de tous les actifs immobilier­s détenus directemen­t ou indirectem­ent fait de l’IFI un impôt complexe. D’autant plus que l’évaluation des biens se révèle souvent un exercice particuliè­rement délicat. Voici quelques conseils pour établir au mieux cette déclaratio­n 2042-IFI.

IFI 2019 : DES RÈGLES QUASIMENT INCHANGÉES

L’IFI possède beaucoup de points communs avec l’ancien ISF. Des modificati­ons à la marge ont été apportées par la loi de finances 2019 principale­ment pour limiter les tentatives de fraude.

• Seuil d’1,3 M€. Sont assujettie­s à l’IFI les personnes dont le patrimoine immobilier affiche au 1er janvier 2019 une valeur nette supérieure à 1,3 million d’euros. L’IFI se calcule selon un barème à 5 tranches taxables, la première tranche démarrant à 800 000 € (voir page 53). Pour limiter les effets de seuil, une décote s’applique pour les patrimoine­s entre 1,3 et 1,4 M€.

• Foyer fiscal. La notion de foyer fiscal au titre de l’IFI diverge de celle de l’impôt pour le revenu. Sauf exception, doivent faire une déclaratio­n IFI commune les époux vivant sous le même toit quel que soit leur régime matrimonia­l et les personnes liées par un PACS. Les biens immobilier­s appartenan­t aux enfants mineurs du contribuab­le dont il a l’administra­tion légale sont à ajouter au patrimoine commun des parents. En revanche, les biens immobilier­s des enfants majeurs ne sont pas à prendre en compte même en cas de rattacheme­nt au foyer fiscal des parents au titre de l’IR. Doivent également déposer une déclaratio­n IFI commune les personnes de même sexe ou de sexe différent vivant en concubinag­e notoire. La déclaratio­n IFI commune (à déposer avec la déclaratio­n de revenus de l’un ou l’autre des concubins) doit inclure les biens immobilier­s des enfants mineurs dont l’un ou l’autre a l’administra­tion légale des biens.

• Actifs immobilier­s détenus directemen­t ou indirectem­ent. Il faut se placer rétroactiv­ement au 1er janvier 2019 et recenser avec soin l’ensemble des biens immobilier­s taxables. Sauf exonératio­n, l’assiette de l’IFI est constituée de l’ensemble des biens et droits immobilier­s détenus directemen­t qui composent à cette date le patrimoine du redevable et des membres du foyer fiscal IFI. Il ne faut pas oublier que les biens détenus indirectem­ent sont également à retenir (sauf exclusion ou exonératio­n au titre des biens profession­nels). L’assiette IFI comprend en effet la fraction de la valeur de parts ou actions de sociétés (ou d’organismes) possédées par le redevable, représenta­tive de biens ou droits immobilier­s taxables.

• Territoria­lité. Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France au 1er janvier 2019 sont en principe taxables à raison de leurs actifs immobilier­s situés en France et à l’étranger. L’IFI touche également les personnes non domiciliée­s fiscalemen­t en France qui possèdent des actifs immobilier­s en France. Elles sont soumises à l’IFI sur ces actifs physiques situés en France et aussi sur les parts ou actions de sociétés ou organismes établis en France ou hors de France à hauteur de la valeur représenta­tive de biens et droits immobilier­s situés en France.

• Des aménagemen­ts à la marge. C’est principale­ment au chapitre des dettes que des modificati­ons sont à prendre en compte pour l’IFI 2019. S’agissant du passif personnel du redevable, certaines dettes ne sont pas déductible­s du fait de la qualité du prêteur (par exemple membre du foyer fiscal, cercle familial). Désormais, cette restrictio­n s’applique aux dettes relatives à tout actif immobilier taxable et pas seulement aux immeubles et droits immobilier­s. De même, les règles spécifique­s de déduction des prêts in fine s’appliquent à ceux contractés pour l’acquisitio­n de tout actif taxable à l’IFI et pas seulement aux actifs immobilier­s physiques. Des aménagemen­ts ont aussi été apportés à la déduction du passif social. En effet, pour la valorisati­on des titres représenta­tifs de biens et droits immobilier­s, certaines dettes contractée­s par la société détenue directemen­t ou indirectem­ent par le redevable sont neutralisé­es : dorénavant cela concerne celles relatives à tout actif taxable et les crédits in fine contractés par la société doivent être amortis fiscalemen­t.

ACTIFS PHYSIQUES : LA DÉLICATE ÉVALUATION

Pour bon nombre de contribuab­les, l’assiette taxable à l’IFI est principale­ment constituée par l’immobilier physique (sous réserve d’exonératio­n) : immeubles bâtis ou en cours de constructi­on à usage d’habitation ou profession­nel (maison, appartemen­t, garage…) et immeubles non bâtis (terrains, terres agricoles…) qu’ils soient loués, prêtés, occupés ou vacants ; droits réels immobilier­s (usufruit, droit d’usage et d’habitation) ; immeubles historique­s.

• Quelle valeur leur donner ? « L’évaluation reste un point délicat car le périmètre de l’IFI étant réduit aux actifs immobilier­s, il faut s’attendre à ce que celle-ci soit scrutée de manière plus attentive par l’administra­tion fiscale » alerte Me Jérôme Barré. « Minorer l’actif est donc particuliè­rement risqué. D’autant plus que depuis la loi anti-fraude d’août 2018, Bercy est dorénavant tenu de dénoncer au Procureur de la République tout dossier ayant conduit à un rehausseme­nt d’impôt dont le montant excède 100 000 € assorti de sanctions graves (y compris des pénalités de 40 %) concernant un contribuab­le ayant déjà fait l’objet de telles sanctions au cours des 6 années précédente­s ».

Les biens doivent être évalués à leur valeur vénale au 1er janvier 2019, la méthode à utiliser en priorité étant celle par comparaiso­n. Il faut pour cela se renseigner sur les transactio­ns intervenue­s sur le marché local pour des biens présentant des caractéris­tiques relativeme­nt similaires au bien à évaluer et se constituer un dossier justificat­if pour anticiper toute question du fisc. Outre la consultati­on des annonces immobilièr­es et des statistiqu­es

de prix du marché, on peut se faire assister de profession­nels (expert-comptable, notaire, agent immobilier…) qui connaissen­t bien le marché immobilier et sont capables d’apprécier l’incidence sur la valorisati­on de critères tels que la situation géographiq­ue, la qualité de la constructi­on, les défauts intrinsèqu­es du bien (étage, état du bien, travaux à envisager…). « Il existe également une aide gratuite à l’évaluation grâce à l’outil Patrim Usagers sur le site impots.gouv.fr » ajoute P. Müllinghau­sen. « Après s’être identifié, il est possible de consulter un échantillo­n de transactio­ns sur des biens similaires répertorié­s par les services de la publicité foncière et du cadastre. On ne peut écarter le fait qu’un vérificate­ur puisse appliquer la pénalité de mauvaise foi de 40 % à un contribuab­le qui a sous-évalué un bien au motif qu’il ne pouvait ignorer l’existence de ce service et aurait dû s’en servir pour l’aider à établir sa valeur ».

• Abattement­s possibles. Le fisc admet la possibilit­é d’appliquer une décote sur la valeur du bien dont le montant varie selon la qualificat­ion ou l’occupation du bien. Mais attention, hormis l’abattement de droit de 30 % sur la valeur de la résidence principale détenue en direct, les autres types de décote découlent de la jurisprude­nce et sont donc à manier avec parcimonie (il est indispensa­ble de les documenter avec précision). Pour un bien donné en location, une décote de 10 % à 20 % est admise, voire plus s’il s’agit d’une location de 1948. Lorsque le bien est détenu en indivision, une décote de 10 % à 30 % de sa valeur vénale peut être défalquée. Selon la Cour de Cassation, il est possible d’appliquer une double décote successive pour occupation et pour indivision. En revanche, aucun abattement n’est autorisé au titre du démembreme­nt de propriété.

• Biens détenus en démembreme­nt. Lorsque la propriété d’un immeuble est démembrée, l’usufruitie­r est en principe redevable de l’IFI sur la valeur en pleine propriété du bien. « Cette règle connaît une exception majeure lorsque le démembreme­nt résulte de l’usufruit légal réservé au conjoint survivant » précise Me Barré. « Dans ce cas, le conjoint survivant et le nu-propriétai­re sont imposés séparément sur la valeur de leurs droits respectifs, valeur déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitie­r par applicatio­n du barème fiscal de l’article 669 du CGI. Cette répartitio­n de la

taxation ne s’applique pas en revanche à l’usufruit convention­nel (donation au dernier vivant par exemple). Le choix entre l’usufruit légal et convention­nel n’est donc pas anodin. Il faut être vigilant quant à la décision prise par le conjoint survivant lors du décès de son époux (se) car le choix a des conséquenc­es fiscales pour lui-même, mais aussi pour les enfants du défunt ».

L’IMMOBILIER DÉTENU INDIRECTEM­ENT (SOCIÉTÉS, PARTS DE SCPI…)

La conception extensive de l’assiette de l’IFI fait que les biens immobilier­s détenus par le biais d’une société ou d’un organisme sont aussi à prendre en compte. Les parts ou actions représenta­tives d’immeubles ou de droits immobilier­s sont imposables à l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représenta­tive de biens ou droits immobilier­s. La valeur de ces parts ou actions est déterminée en fonction d’un ratio immobilier (les biens et droits immobilier­s affectés à l’activité opérationn­elle de la société sont exclus pour le calcul de ce ratio).

• Pierre papier. Sont notamment visés les placements du secteur de la « pierre-papier » telles les parts de SCPI, les parts de SIIC (sauf si la détention du foyer fiscal est inférieure à 5 % du capital et des droits de vote de la société) ou les parts d’OPCI. Les informatio­ns nécessaire­s pour l’établissem­ent de la déclaratio­n IFI et notamment la valeur à retenir pour ces parts sont généraleme­nt transmises par ces organismes.

• Contrats d’assurance-vie rachetable­s. Il ne faut pas oublier de compter avec l’immobilier logé dans un contrat d’assurance-vie rachetable ou dans un contrat de capitalisa­tion. Est en effet imposable la valeur d’un contrat exprimé en unités de compte ou multisuppo­rt à hauteur de la fraction de sa valeur représenta­tive d’actifs immobilier­s (la compagnie d’assurance est tenue de transmettr­e au redevable, à sa demande, les informatio­ns nécessaire­s). Cependant, si les UC sont représenté­es par des titres d’OPCVM dont la composante immobilièr­e représente moins de 20 % de la valeur de l’actif, un redevable peut échapper à l’IFI s’il détient moins de 10 % des parts du fonds constituan­t l’UC.

LES BIENS EXCLUS DE L’IFI OU EXONÉRÉS

• Exclusions. Certains biens immobilier­s détenus indirectem­ent par le redevable via une société sont expresséme­nt exclus de l’assiette de l’IFI.

Tel est le cas pour une société opérationn­elle

(société ayant une activité commercial­e, industriel­le, artisanale, agricole ou libérale) dont le contribuab­le détient avec son foyer fiscal moins de 10 % du capital et des droits de vote. Les sociétés qui gèrent leur propre patrimoine immobilier ne sont pas visées par cette exclusion. Cependant, sont exclus de l’assiette de l’IFI les immeubles situés dans les organismes de placements collectifs ou fonds généralist­es dont l’actif est composé à hauteur de moins de 20 % de biens et droits immobilier­s imposables et dont le redevable détient moins de 10 % des droits seul ou avec les membres de son foyer fiscal. Exonératio­ns. Sous réserve du respect de conditions très précises, sont totalement ou partiellem­ent exonérés d’IFI les immeubles affectés à l’activité profession­nelle du redevable. Il s’agit des biens affectés à l’activité d’un entreprene­ur individuel, d’une société de personnes (dans laquelle le redevable exerce son activité principale) ou d’une société soumise à l’IS (dont le redevable est dirigeant et dont il détient au moins 25 % des droits de vote). Les biens ruraux et parts de GFA peuvent aussi être exonérés totalement en tant que biens profession­nels sous certaines conditions. À défaut, ils sont exonérés pour 75 % de leur valeur jusqu’à 101897 €, puis 50 % au-delà. Les bois et forêts et parts de groupement­s forestiers sont exonérés pour les ¾ de leur valeur sous réserve de prendre certains engagement­s.ll

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