IMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIÈRE
LA PIERRE QUI ÉCHAPPE À L’IMPÔT
IFI saison 2… 2019 est l’an 2 de l’IFI, l’Impôt sur la Fortune Immobilière, instauré en 2018 en remplacement de l’ex-ISF. La limitation de l’assiette taxable de l’IFI à l’immobilier est une bonne nouvelle pour bon nombre de contribuables qui échappent ainsi à l’imposition de leur patrimoine. Mais pour ceux qui en sont redevables, la prise en compte, sauf exonération, de tous les actifs immobiliers détenus directement ou indirectement fait de l’IFI un impôt complexe. D’autant plus que l’évaluation des biens se révèle souvent un exercice particulièrement délicat. Voici quelques conseils pour établir au mieux cette déclaration 2042-IFI.
IFI 2019 : DES RÈGLES QUASIMENT INCHANGÉES
L’IFI possède beaucoup de points communs avec l’ancien ISF. Des modifications à la marge ont été apportées par la loi de finances 2019 principalement pour limiter les tentatives de fraude.
• Seuil d’1,3 M€. Sont assujetties à l’IFI les personnes dont le patrimoine immobilier affiche au 1er janvier 2019 une valeur nette supérieure à 1,3 million d’euros. L’IFI se calcule selon un barème à 5 tranches taxables, la première tranche démarrant à 800 000 € (voir page 53). Pour limiter les effets de seuil, une décote s’applique pour les patrimoines entre 1,3 et 1,4 M€.
• Foyer fiscal. La notion de foyer fiscal au titre de l’IFI diverge de celle de l’impôt pour le revenu. Sauf exception, doivent faire une déclaration IFI commune les époux vivant sous le même toit quel que soit leur régime matrimonial et les personnes liées par un PACS. Les biens immobiliers appartenant aux enfants mineurs du contribuable dont il a l’administration légale sont à ajouter au patrimoine commun des parents. En revanche, les biens immobiliers des enfants majeurs ne sont pas à prendre en compte même en cas de rattachement au foyer fiscal des parents au titre de l’IR. Doivent également déposer une déclaration IFI commune les personnes de même sexe ou de sexe différent vivant en concubinage notoire. La déclaration IFI commune (à déposer avec la déclaration de revenus de l’un ou l’autre des concubins) doit inclure les biens immobiliers des enfants mineurs dont l’un ou l’autre a l’administration légale des biens.
• Actifs immobiliers détenus directement ou indirectement. Il faut se placer rétroactivement au 1er janvier 2019 et recenser avec soin l’ensemble des biens immobiliers taxables. Sauf exonération, l’assiette de l’IFI est constituée de l’ensemble des biens et droits immobiliers détenus directement qui composent à cette date le patrimoine du redevable et des membres du foyer fiscal IFI. Il ne faut pas oublier que les biens détenus indirectement sont également à retenir (sauf exclusion ou exonération au titre des biens professionnels). L’assiette IFI comprend en effet la fraction de la valeur de parts ou actions de sociétés (ou d’organismes) possédées par le redevable, représentative de biens ou droits immobiliers taxables.
• Territorialité. Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France au 1er janvier 2019 sont en principe taxables à raison de leurs actifs immobiliers situés en France et à l’étranger. L’IFI touche également les personnes non domiciliées fiscalement en France qui possèdent des actifs immobiliers en France. Elles sont soumises à l’IFI sur ces actifs physiques situés en France et aussi sur les parts ou actions de sociétés ou organismes établis en France ou hors de France à hauteur de la valeur représentative de biens et droits immobiliers situés en France.
• Des aménagements à la marge. C’est principalement au chapitre des dettes que des modifications sont à prendre en compte pour l’IFI 2019. S’agissant du passif personnel du redevable, certaines dettes ne sont pas déductibles du fait de la qualité du prêteur (par exemple membre du foyer fiscal, cercle familial). Désormais, cette restriction s’applique aux dettes relatives à tout actif immobilier taxable et pas seulement aux immeubles et droits immobiliers. De même, les règles spécifiques de déduction des prêts in fine s’appliquent à ceux contractés pour l’acquisition de tout actif taxable à l’IFI et pas seulement aux actifs immobiliers physiques. Des aménagements ont aussi été apportés à la déduction du passif social. En effet, pour la valorisation des titres représentatifs de biens et droits immobiliers, certaines dettes contractées par la société détenue directement ou indirectement par le redevable sont neutralisées : dorénavant cela concerne celles relatives à tout actif taxable et les crédits in fine contractés par la société doivent être amortis fiscalement.
ACTIFS PHYSIQUES : LA DÉLICATE ÉVALUATION
Pour bon nombre de contribuables, l’assiette taxable à l’IFI est principalement constituée par l’immobilier physique (sous réserve d’exonération) : immeubles bâtis ou en cours de construction à usage d’habitation ou professionnel (maison, appartement, garage…) et immeubles non bâtis (terrains, terres agricoles…) qu’ils soient loués, prêtés, occupés ou vacants ; droits réels immobiliers (usufruit, droit d’usage et d’habitation) ; immeubles historiques.
• Quelle valeur leur donner ? « L’évaluation reste un point délicat car le périmètre de l’IFI étant réduit aux actifs immobiliers, il faut s’attendre à ce que celle-ci soit scrutée de manière plus attentive par l’administration fiscale » alerte Me Jérôme Barré. « Minorer l’actif est donc particulièrement risqué. D’autant plus que depuis la loi anti-fraude d’août 2018, Bercy est dorénavant tenu de dénoncer au Procureur de la République tout dossier ayant conduit à un rehaussement d’impôt dont le montant excède 100 000 € assorti de sanctions graves (y compris des pénalités de 40 %) concernant un contribuable ayant déjà fait l’objet de telles sanctions au cours des 6 années précédentes ».
Les biens doivent être évalués à leur valeur vénale au 1er janvier 2019, la méthode à utiliser en priorité étant celle par comparaison. Il faut pour cela se renseigner sur les transactions intervenues sur le marché local pour des biens présentant des caractéristiques relativement similaires au bien à évaluer et se constituer un dossier justificatif pour anticiper toute question du fisc. Outre la consultation des annonces immobilières et des statistiques
de prix du marché, on peut se faire assister de professionnels (expert-comptable, notaire, agent immobilier…) qui connaissent bien le marché immobilier et sont capables d’apprécier l’incidence sur la valorisation de critères tels que la situation géographique, la qualité de la construction, les défauts intrinsèques du bien (étage, état du bien, travaux à envisager…). « Il existe également une aide gratuite à l’évaluation grâce à l’outil Patrim Usagers sur le site impots.gouv.fr » ajoute P. Müllinghausen. « Après s’être identifié, il est possible de consulter un échantillon de transactions sur des biens similaires répertoriés par les services de la publicité foncière et du cadastre. On ne peut écarter le fait qu’un vérificateur puisse appliquer la pénalité de mauvaise foi de 40 % à un contribuable qui a sous-évalué un bien au motif qu’il ne pouvait ignorer l’existence de ce service et aurait dû s’en servir pour l’aider à établir sa valeur ».
• Abattements possibles. Le fisc admet la possibilité d’appliquer une décote sur la valeur du bien dont le montant varie selon la qualification ou l’occupation du bien. Mais attention, hormis l’abattement de droit de 30 % sur la valeur de la résidence principale détenue en direct, les autres types de décote découlent de la jurisprudence et sont donc à manier avec parcimonie (il est indispensable de les documenter avec précision). Pour un bien donné en location, une décote de 10 % à 20 % est admise, voire plus s’il s’agit d’une location de 1948. Lorsque le bien est détenu en indivision, une décote de 10 % à 30 % de sa valeur vénale peut être défalquée. Selon la Cour de Cassation, il est possible d’appliquer une double décote successive pour occupation et pour indivision. En revanche, aucun abattement n’est autorisé au titre du démembrement de propriété.
• Biens détenus en démembrement. Lorsque la propriété d’un immeuble est démembrée, l’usufruitier est en principe redevable de l’IFI sur la valeur en pleine propriété du bien. « Cette règle connaît une exception majeure lorsque le démembrement résulte de l’usufruit légal réservé au conjoint survivant » précise Me Barré. « Dans ce cas, le conjoint survivant et le nu-propriétaire sont imposés séparément sur la valeur de leurs droits respectifs, valeur déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier par application du barème fiscal de l’article 669 du CGI. Cette répartition de la
taxation ne s’applique pas en revanche à l’usufruit conventionnel (donation au dernier vivant par exemple). Le choix entre l’usufruit légal et conventionnel n’est donc pas anodin. Il faut être vigilant quant à la décision prise par le conjoint survivant lors du décès de son époux (se) car le choix a des conséquences fiscales pour lui-même, mais aussi pour les enfants du défunt ».
L’IMMOBILIER DÉTENU INDIRECTEMENT (SOCIÉTÉS, PARTS DE SCPI…)
La conception extensive de l’assiette de l’IFI fait que les biens immobiliers détenus par le biais d’une société ou d’un organisme sont aussi à prendre en compte. Les parts ou actions représentatives d’immeubles ou de droits immobiliers sont imposables à l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers. La valeur de ces parts ou actions est déterminée en fonction d’un ratio immobilier (les biens et droits immobiliers affectés à l’activité opérationnelle de la société sont exclus pour le calcul de ce ratio).
• Pierre papier. Sont notamment visés les placements du secteur de la « pierre-papier » telles les parts de SCPI, les parts de SIIC (sauf si la détention du foyer fiscal est inférieure à 5 % du capital et des droits de vote de la société) ou les parts d’OPCI. Les informations nécessaires pour l’établissement de la déclaration IFI et notamment la valeur à retenir pour ces parts sont généralement transmises par ces organismes.
• Contrats d’assurance-vie rachetables. Il ne faut pas oublier de compter avec l’immobilier logé dans un contrat d’assurance-vie rachetable ou dans un contrat de capitalisation. Est en effet imposable la valeur d’un contrat exprimé en unités de compte ou multisupport à hauteur de la fraction de sa valeur représentative d’actifs immobiliers (la compagnie d’assurance est tenue de transmettre au redevable, à sa demande, les informations nécessaires). Cependant, si les UC sont représentées par des titres d’OPCVM dont la composante immobilière représente moins de 20 % de la valeur de l’actif, un redevable peut échapper à l’IFI s’il détient moins de 10 % des parts du fonds constituant l’UC.
LES BIENS EXCLUS DE L’IFI OU EXONÉRÉS
• Exclusions. Certains biens immobiliers détenus indirectement par le redevable via une société sont expressément exclus de l’assiette de l’IFI.
Tel est le cas pour une société opérationnelle
(société ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale) dont le contribuable détient avec son foyer fiscal moins de 10 % du capital et des droits de vote. Les sociétés qui gèrent leur propre patrimoine immobilier ne sont pas visées par cette exclusion. Cependant, sont exclus de l’assiette de l’IFI les immeubles situés dans les organismes de placements collectifs ou fonds généralistes dont l’actif est composé à hauteur de moins de 20 % de biens et droits immobiliers imposables et dont le redevable détient moins de 10 % des droits seul ou avec les membres de son foyer fiscal. Exonérations. Sous réserve du respect de conditions très précises, sont totalement ou partiellement exonérés d’IFI les immeubles affectés à l’activité professionnelle du redevable. Il s’agit des biens affectés à l’activité d’un entrepreneur individuel, d’une société de personnes (dans laquelle le redevable exerce son activité principale) ou d’une société soumise à l’IS (dont le redevable est dirigeant et dont il détient au moins 25 % des droits de vote). Les biens ruraux et parts de GFA peuvent aussi être exonérés totalement en tant que biens professionnels sous certaines conditions. À défaut, ils sont exonérés pour 75 % de leur valeur jusqu’à 101897 €, puis 50 % au-delà. Les bois et forêts et parts de groupements forestiers sont exonérés pour les ¾ de leur valeur sous réserve de prendre certains engagements.ll