LE CORAIL, CLEF POUR LA COMPRÉHENSION DU VIEILLISSEMENT (AVEC LA FONDATION TARA)
Le corail a décidément bien des qualités. En formant de magnifiques structures calcaires colorées, il abrite un grand nombre d’espèces marines, assure la sécurité alimentaire de millions de personnes, protège les côtes et présente des pistes prometteuses d’applications en santé humaine. Il faut ajouter une autre raison à l’intérêt que lui portent les scientifiques : son incroyable résistance au vieillissement.
Pourquoi ces recherches : Le corail, un animal qui ne vieillit pas ?
Cette faculté du corail pourrait nous en apprendre plus sur les processus qui contrôlent le vieillissement chez l’humain. Cependant, quel lien entre le vieillissement d’un corail et celui d’un humain ? Qu’est-ce qui rend cet animal si intéressant à étudier dans ce domaine ? Tout d’abord, un corail est un « animal colonial ». Une structure calcaire formée par une colonie de corail, aussi imposante soit-elle, provient initialement d’une seule et même cellule oeuf. Ce qui signifie, étant donné son grand âge, que le nombre de divisions cellulaires nécessaires a été très important.
Chez l’humain, lorsqu’une cellule se divise, l’ADN des chromosomes est à chaque fois « grignoté » par ses extrémités entraînant une perte de l’information génétique contenue au début et à la fin des chromosomes. À force de se diviser, cette perte génétique force la cellule à vieillir, elle ne peut plus se diviser : elle entre en sénescence. C’est ce processus qui est à la base du vieillissement chez les vertébrés. Le corail, lui, malgré toutes les divisions cellulaires, semble ne pas subir d’altération, comme s’il ne vieillissait pas. Grâce à quels mécanismes ? Est-il capable de protéger l’ADN de ses extrémités de chromosomes ? Les scientifiques ont du mal à donner un âge précis aux coraux, mais il est sûr que certains d’entre eux ont plusieurs centaines d’années. L’étude du corail est d’autant plus justifiée que son génome est proche de celui de l’humain. Ces fameuses séquences aux extrémités de la molécule d’ADN qui s’endommagent chez l’humain, sont les mêmes chez le corail…
Les apports de la Fondation Tara : Comprendre la résistance du corail grâce aux données récoltées dans le Pacifique
L’expédition Tara Pacific qui s’est achevée avec le retour de la goélette à Lorient en octobre 2019, va permettre de faire avancer des pans de recherche inédits et de grande ampleur sur le corail. Notamment sur les mécanismes qui lui permettent de lutter contre le vieillissement, grâce aux recherches menées par l’IRCAN, institut dirigé par Eric Gilson à l’Université Côte d’Azur. Jusqu’ici, peu de recherches avaient été menées sur le sujet. Les échantillons et les données récoltés sont si nombreux que les scientifiques sont certains de pouvoir répondre à certaines interrogations concernant le processus de vieillissement du corail. Tout au long de l’expédition, l’équipe de Tara Pacific a récolté trois espèces de coraux. Les chercheurs vont donc pouvoir déterminer si certaines espèces sont plus résistantes que d’autres au vieillissement, si elles utilisent des mécanismes spécifiques. Au contraire, peutêtre que tous les types de coraux ont recours au même processus pour protéger et maintenir leurs cellules en bon état sur de longues périodes et malgré un grand nombre de divisions cellulaires..? Autre variable très importante : l’environnement dans lequel le corail vit. Est-ce que les coraux vivent plus vieux dans certains types de milieux ou est-ce que leurs conditions de vie importent peu ? Il est probable que certaines conditions particulièrement stressantes pour l’animal provoquent un vieillissement plus rapide. Les microorganismes qui vivent en symbiose avec le corail, essentiels à son fonctionnement, pourraient aussi jouer un rôle. Il a été démontré que deux organismes vivant en symbiose pouvaient s’influencer à ce niveau-là.
Une fois que les scientifiques auront compris comment le corail arrive à si bien se maintenir dans le temps et s’il s’avère que ces mécanismes sont codés dans son génome, cela pourrait mener vers des pistes de traitement pour l’humain. De nombreuses recherches supplémentaires seraient nécessaires pour y parvenir mais cela constituerait un important premier pas.