UNE TRANSACTION POUR ÉVITER LES PRUD’HOMMES
La contestation, par un salarié, du bien-fondé de son licenciement ne passe pas forcément par la saisine des prud’hommes. Dans le cadre d’une transaction, les parties peuvent trouver un arrangement qui met fin à leur conflit. Sans procès et au prix de concessions réciproques.
Le conseil des prud’hommes n’a pas l’apanage du règlement des conflits au travail et plus particulièrement des licenciements. Employeurs et salariés peuvent décider de prendre eux-mêmes les choses en main et opter pour une solution amiable, en concluant un accord transactionnel. Si tout conflit lié à l’exécution du contrat de travail (versement du salaire, paiement d’heures supplémentaires, sanction disciplinaire, etc.) peut donner lieu à une transaction, dans la pratique, celle-ci est quasi exclusivement utilisée par le salarié qui conteste son licenciement. Il s’agit pour lui, non pas de réclamer l’annulation du licenciement mais d’obtenir, à l’amiable, une substantielle indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi.
ABANDON DES POURSUITES
« La transaction n’est pas un mode de rupture du contrat mais un moyen amiable d’en régler les conséquences lorsqu’elle est contestée, à tort ou à raison, par le salarié » explique Maître Nathalie Lallier, avocate à Caen. Elle prend une forme financière où chaque partie trouve un avantage : - le salarié s’engage à ne pas poursuivre l’employeur devant les prud’hommes en échange du versement immédiat d’une indemnité réparatrice ; - l’employeur, de son côté, évite d’être assigné devant les tribunaux en échange du versement d’un dédommagement financier au salarié.
L’accord n’est pas soumis à un formalisme particulier mais il faut bien sûr le matérialiser par un écrit, signé des deux parties. Notamment pour fixer les limites du litige qui est réglé et laisser ainsi la possibilité aux parties de saisir, le cas échéant, les prud’hommes pour un différend qui ne figure pas dans le périmètre de la transaction.
NÉGOCIATION POST-LICENCIEMENT
Discuter des termes d’une transaction implique la rupture préalable du contrat de travail actée et donc le départ du salarié. Elle diffère donc de la rupture conventionnelle qui, elle, se négocie entre l’employeur et le salarié avant le départ effectif de ce dernier. On ne peut pas conclure un accord transactionnel pour régler un licenciement qui n’a pas encore eu lieu, sous peine de nullité. Certes, jusqu’en 2008 (création de la rupture conventionnelle), il y avait bien des transactions anticipées, avec des négociations « officieuses » entre les parties avant un licenciement convenu à l’avance, mais le départ négocié a précisément été instauré pour mettre fin à cette pratique. Désormais, la transaction a réellement vocation à négo
cier les conséquences financières du licenciement, après le départ du salarié.
CONCESSIONS RÉCIPROQUES
Dans le cadre de ces négociations, les deux parties doivent lâcher du lest sur leurs revendications et faire – de leur plein gré - un pas vers l’autre. C’est la condition sine qua non pour que la transaction soit jugée valable par les tribunaux. « Les juges se montrent particulièrement attentifs sur ces deux points afin de protéger le salarié, présumé être en position de faiblesse », commente Me Lallier. Consentement. La volonté de chacun doit être libre et éclairée. Les tribunaux vérifient notamment qu’il y a bien eu des négociations avant la signature de l’accord - mais après la notification du licenciement - et que l’intéressé a eu le temps de réfléchir et d’étudier les concessions proposées par l’employeur. Tel n’est pas le cas, par exemple, si la transaction est signée en même temps que la remise de la lettre de licenciement en mains propres (cass. soc. 21 mars 2000, n°97-45550). Concession. « Les Prud’hommes n’exigent pas une stricte proportionnalité des concessions mais celles-ci doivent être réelles sous peine d’annulation » résume Maître Nathalie Lallier. Pour le salarié, il s’agit de percevoir une indemnité d’un montant supérieur à ce que lui accordent le code du travail ou la convention collective appliquée par l’entreprise.
Par exemple, pour un salarié qui, compte tenu de son ancienneté, peut prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement de 25 000 €, la transaction doit lui accorder une somme avoisinant les 30000 €, voire plus. Ou, autre exemple : l’indemnisation se fera sur la base d’un licenciement injustifié (sans cause) au lieu d’un licenciement pour faute qui implique moins d’indemnités.
EXONÉRATION SOCIALE ET FISCALE
« Dans l’accord transactionnel, il faut dater le (s) versement (s), voire même le mode de règlement – par chèque ou par virement - pour s’assurer du respect de l’accord par l’employeur ». Cette indemnité transactionnelle obéit au régime social et fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail. Avec une double exonération de cotisations sociales et d’imposition sur le revenu à hauteur du plus élevé des 3 plafonds suivants :
- montant de l’indemnité légale ou conventionnelle ;
- deux fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant le licenciement ;
- 50 % du montant total de l’indemnité versée. En outre, cette exonération (ci-dessus) est aussi plafonnée distinctement :
• pour les cotisations sociales : à hauteur de 2 plafonds annuels de Sécurité Sociale (soit 81 048 € en 2019),
• pour le volet fiscal : à hauteur de 6 plafonds annuels de Sécurité sociale (soit 243 144 € en 2019).
Le surplus est alors assujetti aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.ll