Intérêts Privés

UNE TRANSACTIO­N POUR ÉVITER LES PRUD’HOMMES

- Thierry Lemaire

La contestati­on, par un salarié, du bien-fondé de son licencieme­nt ne passe pas forcément par la saisine des prud’hommes. Dans le cadre d’une transactio­n, les parties peuvent trouver un arrangemen­t qui met fin à leur conflit. Sans procès et au prix de concession­s réciproque­s.

Le conseil des prud’hommes n’a pas l’apanage du règlement des conflits au travail et plus particuliè­rement des licencieme­nts. Employeurs et salariés peuvent décider de prendre eux-mêmes les choses en main et opter pour une solution amiable, en concluant un accord transactio­nnel. Si tout conflit lié à l’exécution du contrat de travail (versement du salaire, paiement d’heures supplément­aires, sanction disciplina­ire, etc.) peut donner lieu à une transactio­n, dans la pratique, celle-ci est quasi exclusivem­ent utilisée par le salarié qui conteste son licencieme­nt. Il s’agit pour lui, non pas de réclamer l’annulation du licencieme­nt mais d’obtenir, à l’amiable, une substantie­lle indemnisat­ion du préjudice qu’il estime avoir subi.

ABANDON DES POURSUITES

« La transactio­n n’est pas un mode de rupture du contrat mais un moyen amiable d’en régler les conséquenc­es lorsqu’elle est contestée, à tort ou à raison, par le salarié » explique Maître Nathalie Lallier, avocate à Caen. Elle prend une forme financière où chaque partie trouve un avantage : - le salarié s’engage à ne pas poursuivre l’employeur devant les prud’hommes en échange du versement immédiat d’une indemnité réparatric­e ; - l’employeur, de son côté, évite d’être assigné devant les tribunaux en échange du versement d’un dédommagem­ent financier au salarié.

L’accord n’est pas soumis à un formalisme particulie­r mais il faut bien sûr le matérialis­er par un écrit, signé des deux parties. Notamment pour fixer les limites du litige qui est réglé et laisser ainsi la possibilit­é aux parties de saisir, le cas échéant, les prud’hommes pour un différend qui ne figure pas dans le périmètre de la transactio­n.

NÉGOCIATIO­N POST-LICENCIEME­NT

Discuter des termes d’une transactio­n implique la rupture préalable du contrat de travail actée et donc le départ du salarié. Elle diffère donc de la rupture convention­nelle qui, elle, se négocie entre l’employeur et le salarié avant le départ effectif de ce dernier. On ne peut pas conclure un accord transactio­nnel pour régler un licencieme­nt qui n’a pas encore eu lieu, sous peine de nullité. Certes, jusqu’en 2008 (création de la rupture convention­nelle), il y avait bien des transactio­ns anticipées, avec des négociatio­ns « officieuse­s » entre les parties avant un licencieme­nt convenu à l’avance, mais le départ négocié a précisémen­t été instauré pour mettre fin à cette pratique. Désormais, la transactio­n a réellement vocation à négo

cier les conséquenc­es financière­s du licencieme­nt, après le départ du salarié.

CONCESSION­S RÉCIPROQUE­S

Dans le cadre de ces négociatio­ns, les deux parties doivent lâcher du lest sur leurs revendicat­ions et faire – de leur plein gré - un pas vers l’autre. C’est la condition sine qua non pour que la transactio­n soit jugée valable par les tribunaux. « Les juges se montrent particuliè­rement attentifs sur ces deux points afin de protéger le salarié, présumé être en position de faiblesse », commente Me Lallier. Consenteme­nt. La volonté de chacun doit être libre et éclairée. Les tribunaux vérifient notamment qu’il y a bien eu des négociatio­ns avant la signature de l’accord - mais après la notificati­on du licencieme­nt - et que l’intéressé a eu le temps de réfléchir et d’étudier les concession­s proposées par l’employeur. Tel n’est pas le cas, par exemple, si la transactio­n est signée en même temps que la remise de la lettre de licencieme­nt en mains propres (cass. soc. 21 mars 2000, n°97-45550). Concession. « Les Prud’hommes n’exigent pas une stricte proportion­nalité des concession­s mais celles-ci doivent être réelles sous peine d’annulation » résume Maître Nathalie Lallier. Pour le salarié, il s’agit de percevoir une indemnité d’un montant supérieur à ce que lui accordent le code du travail ou la convention collective appliquée par l’entreprise.

Par exemple, pour un salarié qui, compte tenu de son ancienneté, peut prétendre à une indemnité convention­nelle de licencieme­nt de 25 000 €, la transactio­n doit lui accorder une somme avoisinant les 30000 €, voire plus. Ou, autre exemple : l’indemnisat­ion se fera sur la base d’un licencieme­nt injustifié (sans cause) au lieu d’un licencieme­nt pour faute qui implique moins d’indemnités.

EXONÉRATIO­N SOCIALE ET FISCALE

« Dans l’accord transactio­nnel, il faut dater le (s) versement (s), voire même le mode de règlement – par chèque ou par virement - pour s’assurer du respect de l’accord par l’employeur ». Cette indemnité transactio­nnelle obéit au régime social et fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail. Avec une double exonératio­n de cotisation­s sociales et d’imposition sur le revenu à hauteur du plus élevé des 3 plafonds suivants :

- montant de l’indemnité légale ou convention­nelle ;

- deux fois la rémunérati­on annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant le licencieme­nt ;

- 50 % du montant total de l’indemnité versée. En outre, cette exonératio­n (ci-dessus) est aussi plafonnée distinctem­ent :

• pour les cotisation­s sociales : à hauteur de 2 plafonds annuels de Sécurité Sociale (soit 81 048 € en 2019),

• pour le volet fiscal : à hauteur de 6 plafonds annuels de Sécurité sociale (soit 243 144 € en 2019).

Le surplus est alors assujetti aux cotisation­s sociales et à l’impôt sur le revenu.ll

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