FENÊTRE SUR COUR : CLAUSE BÉNÉFICIAIRE ET LIBERTÉ D’ATTRIBUTION DU CAPITAL
SOUSCRIRE UNE ASSURANCE-VIE SUPPOSE DE PRÉVOIR À QUI IRA LE CAPITAL EN CAS DE DÉCÈS DU SOUSCRIPTEUR. UNE LIBERTÉ… (PARFOIS) SURVEILLÉE !
Claude était un bon père de famille ; il souscrivit un contrat d’assurance-vie pour une somme très élevée. Prudent, il s’adresse alors à son notaire pour faire un testament authentique, attribuant notamment à son épouse l’usufruit du capital d’assurancevie, et la nue-propriété à leurs cinq filles. Huit ans plus tard, le climat familial s’est dégradé et Claude modifie la clause d’attribution directement auprès de son assureur, sans rien dire à personne : seules trois filles doivent recevoir la nue-propriété. Et l’année suivante, toutes les filles sont écartées par un nouvel avenant, son épouse reçoit tout.
Cinq déceptions au décès de Claude et l’une des filles saisit la justice contestant la validité des deux avenants avec un argument percutant : selon l’article 1035 du code civil le testament d’origine ne pouvait être modifié que par un testament postérieur ou une déclaration de changement de volonté prononcée devant notaire, dans les mêmes conditions que l’acte initial.
POUR MODIFIER LA CLAUSE BÉNÉFICIAIRE D’UNE ASSURANCE-VIE PRÉVUE DANS UN TESTAMENT, UN AVENANT PEUT SUFFIRE
La question posée à la cour d’appel de Bordeaux puis à la Cour de cassation était lourde de conséquences puisqu’elle conduisait à fixer une limite à la liberté de choix du souscripteur d’une assurance-vie. Ou pour le moins de l’enserrer dans un formalisme complexe. Mais les magistrats ont fait primer l’article L. 132-8 du code des assurances, qui prévoit qu’à défaut d’acceptation par le bénéficiaire (une condition déterminante), le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Dans le cas de Claude, les deux avenants qu’il avait demandés manifestaient sa volonté certaine et non équivoque de modifier la désignation des bénéficiaires. La cour d’appel a exactement décidé, souligne la Cour de cassation, « que les avenants modificatifs étaient valables, dès lors que la modification des bénéficiaires pouvait intervenir soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par le code civil, soit par voie testamentaire, sans qu’il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification ». Les bénéficiaires pouvaient être modifiés en s’adressant directement à l’assureur.
(1) 1 civ. 03/04/19 - n°18-14.640
QUEL QUE SOIT LE TESTAMENT, L’ATTRIBUTION DU CAPITAL D’ASSURANCE-VIE RESTE LIBRE.