Intérêts Privés

EMPRUNT FAMILIAL : DES FORMALITÉS À RESPECTER

Même avec un membre de la famille, mieux vaut rédiger un écrit afin d’éviter que le prêt ne devienne un sujet de discorde ou qu’il soit requalifié par le fisc…

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Rien de plus naturel que d’aider son enfant à démarrer dans la vie. C’est ce qu’a fait Élisabeth en prêtant 2000 € à son fils afin qu’il puisse régler le dépôt de garantie que l’agence lui demandait pour lui louer l’appartemen­t où il réside désormais. Bien sûr, en raison du lien de parenté, elle a eu scrupule à demander que le prêt soit scellé par écrit. Cependant, même si cela peut paraître délicat dans une situation où prêteur et emprunteur sont parents, mieux vaut prendre la précaution de formaliser l’emprunt par un écrit ; précaution que, d’ailleurs, la loi (C. civil, Art. 1359) impose dès lors que la somme prêtée est supérieure à 1 500 €.

Un écrit Pour Quoi faire ?

Prêter à un membre de sa famille ne met pas à l’abri d’un impayé. Au cas où un différend surviendra­it par la suite, il peut être judicieux de se ménager une preuve à la fois de la réalité du prêt et des conditions auxquelles il a été consenti. Cela sera plus facile si tout a été consigné dans un écrit. Par ailleurs, en l’absence de reconnaiss­ance de dette, le fisc peut considérer la somme prêtée avec suspicion et demander des éclairciss­ements sur son origine. L’emprunteur devra alors prouver que la somme prêtée n’est ni issue de revenus non déclarés, ni une donation déguisée (donc soumise à des droits de donation qui peuvent s’avérer très élevés suivant le degré de parenté entre lui et le prêteur).

Enfin, l’écrit se justifie aussi parce qu’en cas de décès de l’emprunteur, rien ne garantit au prêteur que les héritiers de ce dernier accepteron­t

de rembourser la somme due, s’il ne peut étayer par un document ses prétention­s.

De même, en cas de décès du prêteur, ses héritiers (en supposant qu’ils aient eu connaissan­ce de la dette !) pourraient avoir des difficulté­s à faire valoir leurs droits vis-à-vis d’un emprunteur malhonnête.

Comment rédiger une Reconnaiss­ance de dette ?

Le recours à un profession­nel n’étant pas obligatoir­e, une simple feuille de papier suffit dès lors que figure la signature de l’emprunteur, précédée d’une mention – écrite impérative­ment de la main de ce dernier - indiquant le montant de la somme prêtée en chiffres et en lettres (C. Civil, Art. 1376).

Il ne faut pas hésiter à apporter un maximum de précisions quant aux conditions du prêt : montant, intérêts éventuels, modalités et périodicit­é du remboursem­ent (échéance unique ou échéances successive­s – mensuelles, trimestrie­lles, annuelles - en cas de remboursem­ent fractionné), montant des échéances, etc.

Il est impératif de respecter le formalisme imposé par l’article 1376 du Code civil sous peine que le document ait une valeur probatoire moindre. En effet, « l’écrit incomplet ne sera considéré que comme un commenceme­nt de preuve par écrit», explique Maître Amandine Faux-Castelnau, avocate (société d’avocats STRATEGICA à Bordeaux). «Pour que le juge le prenne en considérat­ion, il faudra alors le corroborer par d’autres indices comme le témoignage d’une personne présente lors de la remise de l’argent ou des attestatio­ns bancaires certifiant l’existence d’un virement ou d’un chèque ».

• À savoir : les tribunaux peuvent admettre qu’entre les membres d’une même famille, il puisse y avoir une « impossibil­ité morale de se procurer un écrit » (C. Civil, Art. 1360) alors même que la loi l’impose (somme supérieure à 1 500 €). « En pratique, se prévaloir d’un lien familial ne suffit pas», poursuit Maître Amandine Faux-Castelnau ; « les juges examineron­t la situation dans ses particular­ités propres et vérifieron­t notamment la force de ce lien ».

enregistre­r la Reconnaiss­ance de dette auprès du Fisc

Afin de conférer à la reconnaiss­ance de dette une date certaine et la rendre ainsi incontesta­ble à l’égard des tiers, et notamment du fisc (ce dernier peut, en effet, se montrer soupçonneu­x à l’égard d’un écrit qui a pu être établi pour la circonstan­ce), l’emprunteur a tout intérêt à procéder à son enregistre­ment (même si c’est facultatif). Pour cela, il lui suffit de se rendre auprès du Service des impôts des entreprise­s (SIE) et de présenter un original de l’acte.

• Coût : 125 €.

Déclarer le prêt au Fisc

Avec ou sans intérêt, dès lors que son montant dépasse 760 €, le prêt doit être déclaré par l’emprunteur au service des impôts des particulie­rs dont il dépend, dans l’année qui suit sa conclusion, (imprimé n° 2062 « Déclaratio­n de contrat de prêt » à joindre à la déclaratio­n de revenus). Pour éviter de contourner cette obligation en fractionna­nt un prêt en plusieurs prêts inférieurs à cette limite, la loi prévoit que si le même débiteur a obtenu, dans la même année, plusieurs prêts, il est soumis à cette obligation de déclaratio­n si le cumul de leurs montants excède 760 €.

Le prêteur qui a accordé un prêt unique (supérieur à 760 €) à une seule personne n’a pas à déclarer le prêt. La déclaratio­n incombe à l’emprunteur. En revanche, s’il a accordé plusieurs prêts à plusieurs personnes différente­s, il doit remplir le formulaire de déclaratio­n n° 2062 dès lors que le montant cumulé des prêts dépasse 760 € sur l’année.

• À noter : Si le prêt a été conclu avec intérêts, l’emprunteur doit en déclarer le montant sur l’imprimé n°2561 (à joindre à sa déclaratio­n de revenus). Quant au prêteur, il doit déclarer les intérêts perçus sur sa déclaratio­n de revenus, dans la rubrique des revenus de capitaux mobiliers.

Attention ! Le défaut de déclaratio­n du prêt au fisc est passible d’une amende fiscale de 150 € (CGI, art. 1729B).

(1) À établir en autant d’originaux que de parties, plus un pour l’enregistre­ment.

(2) Attention ! En cas de différence entre la somme en chiffres et celle en lettres, c’est celle en lettres qui prévaut (C. Civil, Art. 1376).

(3) ou avec un intérêt égal à… % par an depuis ce jour jusqu’à celui du paiement. Ce taux d’intérêt ne doit pas dépasser le taux de l’usure (ex. : pour un prêt dont le montant est inférieur ou égal à 3 000 €, le taux de l’usure, applicable au 1er avril 2019, est de 21,11 %).

(4) Si la reconnaiss­ance de dette est rédigée par le prêteur ou si elle est dactylogra­phiée, il est impératif que l’emprunteur fasse précéder sa signature, d’une mention, écrite de sa main, par laquelle il reconnaît devoir la somme de… € (en lettres et en chiffres).ll

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