Intérêts Privés

FENÊTRE SUR COUR : PAS DE DONATION POUR L’ÉPOUSE ADULTÈRE !

S’IL EST POSSIBLE DE RÉVOQUER UNE DONATION POUR «INGRATITUD­E» DU BÉNÉFICIAI­RE, LES AFFAIRES SONT RARES. MAIS, LA JURISPRUDE­NCE CHANGE…

- MICHEL RAVELET

Didier X était très attaché à sa deuxième épouse et c’est sans hésiter qu’il s’est engagé avec elle dans une donation au dernier vivant afin d’assurer son avenir s’il venait à partir le premier. Las, quelques années plus tard les relations du couple se détérioren­t car les rumeurs vont bon train dans leur village. L’épouse aimée a une liaison durable avec le meilleur ami du couple, à tel point que Didier confie ses doutes à son entourage. Jusqu’à la fin tragique de son suicide. Découvrant l’état de la succession, les deux enfants de Didier, issus d’un premier lit, vont contester la donation au dernier vivant et demander sa révocation pour «ingratitud­e». C’est une possibilit­é prévue par l’article 957 du Code civil, mais qui ne recevait jusqu’à présent que des applicatio­ns rarissimes dans des cas extrêmes, notamment l’atteinte à la vie du donateur, une privation volontaire de soins, un refus d’assistance… L’épouse adultère de Didier se trouve à l’origine du début d’un assoupliss­ement de cette jurisprude­nce, car la cour d’appel de Bastia a décidé d’annuler la donation au dernier vivant, un arrêt récemment confirmé par la Cour de cassation. À cette occasion, point capital, les juges ont estimé que la prescripti­on d’un an pour demander la révocation d’une donation pour ingratitud­e court à compter du jour où le donateur a connaissan­ce des faits, soit quelques mois avant son suicide pour Didier.

LES CONDITIONS DE LA RELATION ADULTÈRE CONSTITUAI­ENT UNE INJURE GRAVE PERMETTANT DE RÉVOQUER LA LIBÉRALITÉ

L’adultère est-il une cause de révocation pour ingratitud­e d’une donation au dernier vivant ? Les deux arrêts ne fondent pas une règle absolue, mais mettent deux éléments en avant. D’une part, il ne s’agissait pas d’un simple faux pas mais d’une liaison suivie, a fortiori avec un ami de la famille. D’autre part, les conditions dans lesquelles l’adultère s’est déroulé (quasiment au vu et au su de tous, sauf évidemment du mari) avaient « un caractère d’injure grave » pour ce mari, « qui avait vécu douloureus­ement » le naufrage de son couple. Cette nouvelle jurisprude­nce est à prendre en considérat­ion, la notion d’ingratitud­e étant désormais étendue, au-delà du dénouement tragique de cette affaire. Et, faut-il le préciser ? Le mari volage serait traité comme l’épouse légère…

1 civ. 25 octobre 2017 - n° 16-21.136

UN ADULTÈRE VEXATOIRE PERMET D’ANNULER UNE DONATION POUR INGRATITUD­E.

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