LE RETOUR DE L’INDIVIDUALITÉ DANS LA MODE
Dans les années 1990, les modèles superstars à la beauté normée faisaient de parfaits portemanteaux. Seule – jolie – ombre au tableau? Kate Moss, l’enfant de la banlieue populaire de Croydon, “petite” brindille accro aux rockeurs qui révolutionne l’image du top. Depuis, les agences n’investissent presque plus dans des allures atypiques, mais attendent en secret leur nouvelle Kate, celle qui changerait la donne et redonnerait de la vie et de la sauvagerie aux podiums. Il faudra attendre le physique espiègle et racé de Cara (que Testino compare à Moss) : 1,73 mètre, en dessous de la moyenne des consoeurs, un regard bleu-vert un brin mélancolique, une moue boudeuse, un nez en trompette mutin, une tignasse blonde qui rappelle l’innocence de l’enfance, et ces grands sourcils bruns épais et broussailleux qui lui donnent son caractère. Sa beauté n’est pas conventionnelle. Au départ, certains insiders trouvent même qu’elle n’a pas le “physique mannequin”. Son look hors défilé renforce aussi sa différence, attirant les jeunes filles en mal de modèle qui s’identifient à elle, l’imitent et se surnomment l’“armée de Cara”. Débraillée, la blonde apparaît en public ni coiffée ni maquillée, comme une touchante réminiscence de l’authenticité du grunge, sans cesse ressuscité en période de crise. Au quotidien, bonnets larges aux slogans originaux (parfois stupides), allure gender fluid, baskets, pantalons larges, sweats, T-shirts à messages, Cara, c’est l’anti-kardashian : une fille de son temps qui rejette la tyrannie de la société du paraître. Une attitude de tomboy qui décomplexe et qui, dans son refus des codes d’élégance et de séduction, se révèle aussi vivifiante que féministe.