Tomo Koizumi, le fou du volant
Avec Tomo Koizumi, créateur japonais repéré par Katie Grand et porté par Bella Hadid ou Gwendoline Christie, la mode aurait-elle trouvé son nouveau génie ?
Si tout ce que touche Gwendoline Christie se transforme en costume de cinéma, il fallait bien tout le brio de Tomo Koizumi pour faire voyager l’actrice dans une autre dimension. Nuage de chantilly tutti frutti, bourgeon de fleur électro… dans le monde de Koizumi, le ruché a remplacé la crème fleurette, le volant d’organza japonais, le pétale de rose. Entre 50 à 80 mètres de tissu sont nécessaires pour la création d’une silhouette. En moyenne, puisque la robe, que dis-je, la pièce maîtresse portée lors du final par Gwendoline Christie compte 200 mètres d’organza rose bonbon, menthe à l’eau ou jaune poussin. On ne dissertera pas sur les heures de travail que celle-ci a nécessitées mais plutôt sur la méticulosité de son savoir-faire : les bandes de volants sont créées une à une sur un échéancier de 400 coloris, avant d’être assemblées à la machine à coudre selon le patron – plus ou moins mégalo – choisi. Onirique, opératique, tendant manifestement vers la couture, le travail de Tomo Koizumi est né au monde grâce au flaire infaillible de Katie Grand. (Peu connue du grand public, cette Britannique, fondatrice du magazine Love, est l’équivalent d’une chasseuse de tête appliquée à la sphère mode.) Celle-ci, aiguillonnée par son ami Giles Deacon, a découvert le créateur sur Instagram. L’évolution éclair de Koizumi, vers des robes toujours plus spectaculaires, incite Katie Grand à doper le phénomène. Nous sommes en janvier : il défilerait en février. Un coup de fil à Marc Jacobs plus tard, un autre au coiffeur Guido Palau, à la make-up artist Pat Mcgrath, et quelques appels du pied à Rowan Blanchard, Emily Ratajkowski, Bella Hadid et Gwendoline Christie… Alea jacta est ! Rendez-vous était donné à la boutique Marc Jacobs de Madison Avenue, le vendredi 8 février 2019. L’évènement, largement relayé par les invités sur les réseaux sociaux, triplerait le nombre d’abonnés du compte @tomokoizumi, ferait l’unanimité parmi la critique, et de l’oeil aux acheteurs prestigieux – dont Dover Street Market et Net-a-porter.
Loin d’être un cas isolé, Tomo Koizumi est plutôt l’exception qui confirme la règle du nouveau maximalisme. La mouvance – sorte d’opposition au monachisme formel des années 2010 – avait commencé à sourdre à Londres, il y a deux ans, quand Molly Goddard en mettait plein les yeux avec ses robes en tulle pour raveuses naïves. Mouvance qui s’était affirmée avec les premières collections du virtuose de la Central Saint Martins Matty Bovan (lui-aussi béni par la fée Katie Grand), et celles du Suisse adepte de l’upcycling déluré : Kevin Germanier. Créateur qui partage avec Tomo Koizumi le même souci de redéfinir par le pop la femme conquérante, en taillant son armure dans du bonbon. Costumier de formation, Koizumi a lancé sa marque en 2012 tout en poursuivant ses activités dans l’entertainment à Tokyo. En 2016, il habillait Lady Gaga d’une robe de ballet déstructurée… La diva a souvent bon nez.