Jalouse

Lizzy Mercier Descloux

Égérie du New-york undergroun­d de la fin des seventies, amie de Patti Smith et de Richard Hell, la Française Lizzy Mercier Descloux a croisé punk, new wave et world music avant de s’éclipser. Un livre passionnan­t retrace sa vie fulgurante.

- Par Noémie Lecoq

Dans la deuxième moitié des seventies, Lizzy Mercier Descloux a quitté Paris et le quartier des Halles pour vivre dans un loft new-yorkais, en compagnie d’une colocatair­e pas comme les autres : Patti Smith, avec qui elle partage un goût pour la poésie (Rimbaud en tête), le punk et les looks superbemen­t débraillés. La jeune Française croise toute la scène undergroun­d qui gravite autour du CBGB, club mythique à deux pas de leur tanière, de Jean-michel Basquiat à Alan Vega, en passant par Johnny Thunders.

Dans son autobiogra­phie, I Dreamed I Was A Very Clean Tramp, Richard Hell revient sur sa toute première rencontre avec Lizzy. “La première fois que je l’ai vue, c’était dans la foule du CBGB un soir où je jouais avec The Heartbreak­ers. Quand nos regards se sont croisés, c’était comme si le son s’était coupé et que des spots s’étaient braqués sur nous. Elle portait des chaussons clairs, un pantalon de cuir moulant et une chemise d’homme blanche fraîchemen­t lavée et repassée, avec des boutons de manchette. Elle avait le visage félin d’un garçon manqué et des cheveux si sauvages qu’on les aurait crus plein de feuilles et de brindilles. Ses lèvres étaient superbes et sa peau était la plus claire qui soit. Elle était comme un spectre, mais plein d’assurance.” Un coup de foudre réciproque.

Dès 1978, Lizzy sort un premier EP foudroyant, Rosa Yemen – Live in N.Y.C July 1978, où elle dévoile son style new wave minimalist­e. Plusieurs albums suivront jusqu’à la fin des années 80, mêlant sa rage post-punk à des escapades vers la world music (dont le tube Mais où sont passées les gazelles?). Difficile d’expliquer pourquoi cette artiste au panache étincelant, parfois surnommée “la Patti Smith française”, n’est pas plus reconnue – elle mériterait les mêmes lauriers que ses cousines

avant-gardistes The Slits ou ESG. Sa vie s’achèvera en Corse en 2004, des suites d’un cancer, à l’âge de 47 ans. L’histoire du rock regorge, hélas, d’histoires de figures iconiques et pourtant oubliées du grand public.

C’est à cette muse et créatrice attachante que rend hommage le journalist­e Simon Clair dans une biographie qui se dévore d’une traite, intitulée Lizzy Mercier Descloux, une

éclipse. De ses débuts à sa fin tragique, on suit le parcours singulier de cette beauté androgyne, cette femme libre qui a voyagé à travers le monde, des Bahamas au Brésil, de l’ethiopie à l’afrique du Sud, avant de s’en aller sur la pointe des pieds, dans un anonymat injuste.

En 2015, le label Light In The Attic a commencé à rééditer son oeuvre, en débutant avec Press Color, son premier album, augmenté du Rosa

Yemen EP en bonus et d’une poignée de pépites comme Morning High, en duo avec Patti Smith. Le charme opère toujours quarante ans plus tard, notamment sur le volcanique

Fire, où sa voix piquante de feu follet se pose sur un rythme groovy. Une vidéo Youtube, extraite d’une émission télé française, la montre interpréta­nt cette chanson : elle danse, seule, à la fois pétillante et insouciant­e, audacieuse et nonchalant­e, absorbée par son monde intérieur et désireuse de le partager avec l’extérieur, avant de laisser sa place à Serge Gainsbourg sur scène. À (re) découvrir d’urgence. Lizzy Mercier Descloux, une éclipse, de Simon Clair (Playlist Society), 159 pages, 14 €.

Réédition Press Color (Light In The ATTIC/PIAS).

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