Kiteboarder

ALKITA OLRY-GINAL BOARDS

Franz Olry est un homme passionné, passionnan­t, curieux et discret (sauf sur l’eau). Franz Olry est aussi le premier à introduire le concept de twin tip sur le marché alors que tous les fabricants restent bloqués sur la directionn­elle. Le conformism­e est

-

Salut Franz ! Ça faisait longtemps que l’on ne t’avait pas invité chez Kiteboarde­r pour parler un peu de skysurf. Pour les p’tits nouveaux qui ne te connaîtrai­ent pas encore, raconte-nous qui tu es ? Franz Olry :

Salut les jeunes ! Alors voilà, je suis un ancien jeune, c’est-à-dire un vieux, mais je peux encore rider donc c’est cool ! Je ride et développe pour Wainman Hawaii depuis cinq ans maintenant, et avant ça j’ai bossé avec pas mal de marques depuis le début.

Qu’est-ce que tu t’es dit quand tu as vu du kite pour la première fois ? Et quand tu as essayé pour la première fois ?

Merde!! Je venais de m’apercevoir que la board de windsurf que je venais de shaper et que je m’apprêtais à essayer n’avait plus aucun intérêt. Après on a tracé direct chez Laurent Ness, avec Abre (ex rédac’ chef de Stance ndlr) et Marc (Gondar ndlr), et on s’est battu pour rentrer en premier dans le shop et choper l’unique voile disponible sur le marché. La mienne était rouge, Abre avait choisi violet et Marc la jaune si je me souviens bien. On n’avait guère le choix ! Quand j’ai essayé la première fois, je me suis dit que ce truc était louche, trop facile presque pour être vrai…

Le custom était très tendance il y a une bonne dizaine d’années. Comment expliques-tu le fait que cela soit passé de mode ?

Certaineme­nt parce que les shapeurs sont morts. Oui, tu sais ce que j’ai ressenti très vite avec ce sport, c’est que les acteurs du milieu en termes de business avaient vite compris le potentiel et ont tout fait pour contrôler ce sport et son marketing. L’identité, l’image de ce sport a été faite d’une manière un peu forcée parfois car les marques se sentaient obligées de faire leurs boards et voulaient que leur rideur utilise leur produit évidem-

ment. Donc tous les gars que l’on voit dans les mags ont des planches de série, et du coup on pense que c’est ce qu’il y a de mieux je présume.

Qu’est-ce qui te plaît dans le shape ?

La fonction principale, qui est de faire et d’améliorer les boards, et les miennes particuliè­rement afin d’avoir les sensations que je recherche sur l eau. Pour moi c’est essentiel. J’ai toujours ridé mes propres planches car j’ai une idée précise de ce que je veux. Cependant, le shape en lui-même c’est de la sculpture et le plaisir réside dans le fait de matérialis­er une forme que l’on imagine, que l’on ressent, et qui se dessine lors de la réalisatio­n. En fait, tu découvres cette planche au fur et à mesure que tu la construis et plus tu avances et mieux tu peux la voir. Tu as envie de la voir très bien, très nette, très belle et ça c’est la récompense du ponçage, du masticage et du reponçage. Je comprends bien que les gens ne comprennen­t pas tous ce plaisir de voir des planches, mais moi je t’avoue ne pas pouvoir m’empêcher de regarder une belle board (de surf particuliè­rement) et de la scruter sous tous ses angles. Imagine et ferme les yeux. Tu rêves. Tu es dans une forêt et d’un coup tu as un flash de cette fille trop belle mais que tu n’as pas bien vu. Alors tu avances et veux la voir mieux. Elle est toujours floue donc il faut encore que tu avances, mais elle reste floue et avance aussi. Tu luttes, tu forces pour aller plus vite, pour bien la voir. Elle n’est pas facile et se dérobe, tout en gardant sa robe. Tu cours, enfin tu la vois mieux et tu sens que tu ne t’es pas trompé ! Ça a l’air d’être une bombe et tu veux vraiment la voir d’encore plus près. Alors tu t’arraches un dernier coup ! Là tu vas enfin pouvoir t’arrêter de courir et là tout prêt : elle est magnifique ! C’est la récompense de ta persévéran­ce et de ta bonne vue. Si elle est moche, c’est juste dommage d’avoir couru si vite. C’est ça le shape pour moi, ahah !! C’est aussi pourquoi toutes mes planches sont différente­s, même lorsque j’essaie d’en refaire une à l’identique. Il y a une infinité de bonnes planches. J’ai envie d’en shaper le plus possible et toujours plus belles à mes yeux.

Comment définirais-tu la philosophi­e de tes boards ?

La forme de mes twin tips est bien caractéris­tique avec des spatules et des rails ronds plus épais que le centre de la board. Si on compare à l’automobile, les twin tips classiques seraient des voitures de villes et mes planches, des tout-terrains rapides. De même, les surfs ont aussi ce rail épais, ou

ce pont rabaissé comme tu veux. Ce concept permet deux choses essentiell­es : la solidité, la facilité et le confort car on est a l’intérieur de la board, un peu comme un zodiac. C’est plus stable et on passe même mieux dans le chantier. Ma philosophi­e est de faire le mieux possible sans compromis, ni de temps, ni de coûts. Mes planches sont faites avec énormément de passion et de patience. J’essaie de faire les meilleures boards pour moi et pour les autres. Je pense sincèremen­t qu’elles sont au-dessus du lot.

Sur certaines boards visibles sur ton site, il y a huit ailerons. Peux-tu nous en dire plus sur cette configurat­ion ?

Je recherche toujours et j’ai testé beaucoup de trucs différents mais il en reste aussi des tonnes. Ces huit ailerons font partie de ces tests et s’avèrent être super intéressan­ts. La surface totale n’est pas forcément plus grande qu’avec et c’est ce qui importe. Tu peux répartir l’accroche aux endroits que tu veux sur le rail et avoir des sensations très fluides tout en gardant une super accroche. Je shape aussi les ailerons de mes planches et les pose avec les angles et les renforts adaptés sans contrainte de boîtiers ou d’ailerons prédéfinis. Je fabrique moimême les plaques de fibre qui me serviront à shaper l’aileron. Ainsi je peux gérer les épaisseurs et rigidités que je veux en fonction de la taille et du programme.

Quel est le concept de board le plus barjot que tu aies shapé ?

Lou ( Wainman ndlr) m’a fait shapé deux boards rondes en carbone. Elles ressemblai­ent à un énorme vinyle et je me souviens que Tom Hebert les avait kiffées, il est bon se Tom ! Après… Pfou, j’en ai fait pas mal… Les twin towers par exemple comme je les ai appelées, étaient aussi intéressan­tes car cela me permettait de rider cette planche de dix-huit cm en largeur max. J’ai récemment fait une board avec un hublot pour voir sous l’eau tout en naviguant, et pour pouvoir pêcher peut-être ? J’en ai aussi fait au début avec mes ailerons escamotabl­es, ça avait été bien galère à faire.

Quel est le prochain ovni que tu as en tête ?

Je suis en train de faire une board plus petite que d’habitude, mais large quand même, qui devrait ressembler à un oeuf un peu mais qui devrait être une boucherie en courbe et surf pour vagues creuses.

Tes décos sont vraiment barjots, psychées, colorées… Où puises-tu toute cette inspiratio­n ?

Oui, tu sais les décos sont importante­s car

elles sont comme un habit pour les shapes afin de les protéger mais aussi de les personnali­ser au mieux selon les goûts des clients. Gum est un ami et est aussi un gars très atypique qui revendique à travers son art enfantin, des idées parfois profondes. Il est unique et je suis super fier qu’il peigne mes planches. Il vend ses toiles aussi et commence â être reconnu sérieuseme­nt. Mes planches sont d’autres toiles pour lui. Il est juste un peu emmerdé par les ailerons à chaque fois. Ahah, désolé Gum ! Je cherche à ce que les décos soient belles mais aussi comiques autant que possible. Je peux aussi faire la déco au cours de la constructi­on en teintant la résine. C’est ce que j’ai beaucoup fait dernièreme­nt et j’aime beaucoup aussi.

Est-ce que tu as déjà eu un client qui voulait un portrait de son chien ou de sa grand-mère sur sa board ? Tu fais quoi dans ces cas-là, tu refuses ou tu adaptes le portrait à la sauce Olry ?

J’adorerais ! Ahah oui, je pense que je vais soumettre l’idée à Gum. Pour le chien, c’est fait ! J’avais un teckel qui trainait toujours dans l’atelier et je l’ai peint sur une board.

Quelle constructi­on proposes-tu ?

Mes planches de kite ont la plupart du temps un pain de mousse haute densité en PVC et stratifié avec de l’époxy et de la fibre de verre. Je fais aussi des boards avec du polystyrèn­e selon les besoins de volume. Les boards sont stratifiée­s sous vide quand il faut.

La tendance est à l’écologie aux bio-résines et autres fibres naturelles. Est-ce que tu as déjà testé ces matériaux ? Quelles sont les contrainte­s de ce type de matériaux ?

Je suis assez écologiste dans l’âme et je prône le non gaspillage, que ce soit dans mon boulot ou dans la vie. Je produis peu de boards et du coup je ne suis pas un gros pollueur, mais je fais gaffe. Je répare aussi les boards et c’est également un processus important pour ne pas tout jeter. Ces matériaux sont surtout une belle occasion marketing mais dans les faits, je voudrais bien savoir exactement le bénéfice pour l’environnem­ent notamment pour la biorésine. Les fibres naturelles comme le chanvre, le jute et le bambou, je ne les ai pas essayées. Ceci dit je répare les boards et voit bon nombre de planches bambou qui après avoir pris l’eau se retrouvent toutes moisies car le bambou pompe et diffuse l’eau partout. Il faut voir le truc ! Quand tu répares, le bambou entre en putréfacti­on, et même l’odeur est insoutenab­le. C’est une misère à réparer. Alors évidemment les pubs vous diront le contraire et donneront une apparence angélique à tous ces produits. Mes planches sont faites en époxy, c’est relativeme­nt polluant, mais elles sont faites pour durer comme des avions. Je l’utilise peu et bien. Je garantis mes twin tips cinq ans et les surfs trois ans (et ils sont bien plus légers que les surfs de série).

Et au fait, pourquoi Alkita ?

C’est ce qui définit pas mal mon état d’esprit un peu provoc et comique. Tout ceci n’est pas très sérieux de toute façon, mais le monde qui nous entoure l’est encore moins, j’en ai bien peur. Étant donné que l’on entendait tellement parler d’Al- Qaida toute la journée, et bien ce nom profiterai­t peut-être d’une promotion indirecte mais gratuite, ahah !! Je suis un pacifique, et espère ne pas être mal compris ou pris pour ce que je ne suis pas. Je suis évidemment contre toute forme de terrorisme, et de violence.

 ??  ?? Ci-dessus : Retour à l’atelier pour quelques ajustement­s avant un nouveau lancement.
Ci-dessus : Retour à l’atelier pour quelques ajustement­s avant un nouveau lancement.
 ??  ?? À gauche : Session de ponçage des ailerons. Le processus de création est en phase finale et Franz porte énormément
d’attention à la finition. À droite : Appartenan­t à la catégorie des anciens jeunes, Franz n’a rien perdu de son style incroyable. Son...
À gauche : Session de ponçage des ailerons. Le processus de création est en phase finale et Franz porte énormément d’attention à la finition. À droite : Appartenan­t à la catégorie des anciens jeunes, Franz n’a rien perdu de son style incroyable. Son...
 ??  ??
 ??  ?? En haut : Un des concepts orignaux des boards de Franz : un pont en creux afin de baisser le centre de gravité et de gagner en contrôle à haute vitesse dans le clapot. Ci-dessus : Franz s’amuse à aplatir les vagues à coup de roller incisif.
En haut : Un des concepts orignaux des boards de Franz : un pont en creux afin de baisser le centre de gravité et de gagner en contrôle à haute vitesse dans le clapot. Ci-dessus : Franz s’amuse à aplatir les vagues à coup de roller incisif.

Newspapers in French

Newspapers from France