HYDROFOIL PRO TOUR
Vols au paradis
Dans le kite, l’Île Maurice est le plus souvent connue à travers le fantastique spot du Morne dans le Sud Ouest d’une île qui ne peut pourtant se résumer à cet incontestable Eldorado. Elle regorge également d’autres excellents spots comme Anse la Raie ou encore Bel Ombre où s’est déroulée l’étape du GKA World Tour. Mais l’ancienne Ile de France, compte aussi la Pointe D’Esny parmi ses tops spots. Située de l’autre côté de l’île, sur la côte est, à deux pas de l’aéroport la Pointe D’Esny bénéficie d’un énorme lagon translucide. C’est là que le Preskil Hydrofoil Pro Tour 2019 a décidé de s’arrêter pour une étape de rêve. Nous nous y sommes rendus…
L’HYDROFOIL PRO TOUR
L’hydrofoil pro tour est un circuit rassemblant des compétitions de kitefoil sur certains des meilleurs spots de la planète (La Ventana, San Francisco, Ile Maurice, France, Australie, etc.). Son slogan « By the riders for the riders » exprime une volonté de rester très communautaire et en marge des organisations trop institutionnelles. Sur ce circuit qui, comme son nom l’indique, concerne le foil, le matériel est libre, contrairement à la Formula Kite ou d’autres évènements sanctionnés par l’IKA qui sont plus contraignants sur l’enregistrement du matériel pour éviter la course à l’armement. Sur l’Hydrofoil Pro Tour, tout est libre, pour le meilleur comme pour le pire !
LA POINTE D’ESNY, LE PARADIS DU FOIL ?
Imaginez un lagon translucide ventilé par un alizé on shore, mais protégé par une barrière de corail stoppant tout mouvement de houle… Rajoutez une plage de sable fin, quelques cocotiers mais aussi une île sauvage et quelques « patates » de corail ici et là pour donner des nuances de bleu foncé à la surface de l’eau. Si vous avez bien l’image en tête, alors vous êtes à la Pointe D’Esny. Pour naviguer sur ce plan d’eau, vous pouvez au choix rester devant la mise à l’eau côté CNPE dans une zone d’évolution en bord de plage idéale pour le twintip ou le strapless, voir le foil au vent de travers, ou alors contourner l’île aux Aigrettes. Si vous optez pour le second choix, alors s’ouvre un vaste espace d’évolution, idéal pour le foil. L’eau y est toujours translucide et le plan d’eau parfaitement plat. Vous pouvez allonger les bords au travers en direction de l’ïle Aux Cerfs ou au contraire descendre et remonter au vent. Seule la marée basse demandera de prêter attention aux tâches noires. Synonymes de « patates » de corail, il faut les éviter pour ne pas prendre de risque inutile. Le contournement de l’île aux Aigrettes demandera aussi de l’attention pour ne pas quitter le chenal. Avec de très bonnes statistiques de vent (3 jours sur 4 à plus de force 4 en juin, juillet, aoùt et septembre) et une réalité très proche de ce qu’annoncent les fichiers météo, le spot de la Pointe D’Esny gagne à être connu. D’autant plus que le spot se trouve beaucoup moins surchargé que ne peut être le lagon du Morne. Durant la compétition en dehors des rideurs du HPT, le lagon n’a jamais vu de 10 kites supplémentaires. Au niveau du vent, durant l’évènement qui se déroulait
fin août début septembre, les meilleur kitefoileurs du Monde ont utilisé la majorité de leur garde-robe de 11 m2 à 21 m2 dans un vent entre 30 et 10 noeuds. Tous les jours, une fenêtre de vent à plus de 15 noeuds a permis également de naviguer en twintip ou en strapless dans le lagon.
DES LOCAUX QUI SE BOUGENT ET UN SUPER ÉTAT D’ESPRIT
À la tête de l’organisation de la compétition, Jérôme Bonieux est un local engagé pour la promotion de son spot et de son sport.
« J’organise cette compétition pour montrer notre plan d’eau aux gars, pour promouvoir notre spot paradisiaque, explique-t-il. Alors quand il se montre égal à lui-même avec des conditions de rêve et le lagon turquoise, c’est que du bonheur de
partager ça. » Bien aidé par le Centre Nautique de la Pointe d’Esny, la Mauritius Yachting Association, leurs bénévoles ainsi que par le Preskil Island Resort, Jérôme a fait en sorte que l’évènement soit couronné de succès. D’ailleurs, chacun des participants a salué la qualité de l’accueil en termes de logement, de restauration et bien évidemment sur l’aspect sportif. En plus d’être logés dans un superbe hôtel, les accompagnants avaient un catamaran habitable à disposition pour venir vivre les courses au plus près de l’action ! Au niveau local, les jeunes pratiquants Mauriciens bénéficient grâce à cet évènement d’un objectif annuel et côtoient pendant quelques jours des rideurs de haut niveau qui leur montrent la voie à suivre. Il n’y a rien de plus stimulant que de créer une émulation de la sorte. L’engagement de Jérôme Bonieux, à qui l’on doit également l’invention de la révolutionnaire Duotone Click Bar ou le dessin des foils Spirit GT et Daytona de la même marque, est également récompensé par la reconnaissance de certains participants, qui n’hésitent pas à rajouter un peu de prize money de leur poche, à l’image de « Doctor Phil », venu tout droit d’Australie avec un bonus pécuniaire pour le podium ! Bel état d’esprit, non ?
QUE RETENIR DE LA COMPÉTITION ?
Sur ce format de course ouvert à tous, il y avait clairement plusieurs divisions sur le parcours. En l’absence d’autres ténors du kitefoil mondial, Axel Mazella, Nico Parlier et Théo De Ramecourt évoluent dans une autre dimension. À moins d’une énorme erreur de leur part ou d’une disqualification, les trois frenchies ne laissent aucune chance à leurs adversaires pour se mêler à leur lutte. Même l’excellent local Jean De Falbaire (4e) qui évoluait dans son jardin s’est montré bien impuissant face aux performances des trois leadeurs. Seul Max Maeder (5e) a réussi à glisser quelques manches dans le top 3 en profitant opportunément de faits de course. Néanmoins, il a été intéressant de voir que si Théo De Ramecourt semblait bénéficier d’un très léger avantage en vitesse, les performances des tops rideurs sont désormais extrêmement proches. « Nous avons réussi à bien bagarrer sur toute la durée de l’évènement, témoigne Axel Mazella (2e). Avec Nico, c’était super serré! Nous avons fini à égalitéparfaite et nous avons été départagés sur le résult at de la
dernière manche ! » Après 19 manches validées en quatre jours, c’est en effet assez énorme pour être signalé ! Légèrement en retrait par rapport à ses habitudes et probablement amoindri par un souci de santé qu’il traîne depuis plusieurs semaines, Nicolas Parlier restait « content de (sa) semaine» . Il enchaîne : « Même si je n’ai pas gagné. Le niveau se resserre et je ne peux pas l’emporter à
chaque fois. Physiquement, j’étais un peu juste, mais c’était super de pousser à fond
avec Théo et Axel sur toutes les manches. » Il y a quelque temps encore, les conditions météo dictaient systématiquement le classement. Aujourd’hui, l’évolution du matériel ralentie et les niveaux de performance sont beaucoup plus homogènes. Pour preuve que l’évolue du matériel marque une étape, Axel Mazella préférait utiliser son Mike’s Lab Bullet 3 à son Bullet 5 (la dernière évolution), le trouvant meilleur. En haut du classement, la distribution des places ne se fait plus seulement à la différence de vitesse, mais bien à la faculté à bien régater et bien sûr au mental. La moindre erreur de placement, de trajectoire ou de choix tactique se paye cash. C’est bon pour le spectacle et pour l’intérêt sportif de la course. Théo De Ramecourt livre son analyse : « Pour la première fois de ma carrière je suis venu pour gagner et en plus j’y suis parvenu, donc je suis super content. C’est d’autant plus satisfaisant que j’enchaîne après ma victoire inattendue à San Francisco. Cela me met en confiance pour la suite de la saison. Je pense que j’allais un tout petit peu plus vite et que j’ai fait les bons choix, notamment au niveau des tailles de kite, un élément important ici où cela prend du temps de revenir changer. Je gagne, c’est super, mais je sais que j’ai aussi fait des petites erreurs et que je dois encore m’améliorer pour mettre toutes les chances de mon côté. » Vous l’aurez compris, Théo De Ramecourt est sorti vainqueur de cette bataille navale dans le lagon de la Pointe D’Esny face à ses valeureux adversaires, mais rien ne dit que la hiérarchie est clairement établie. Au contraire, tout indique que les régates de Kitefoil seront de plus en plus disputées et indécises à l’avenir. La preuve, si Théo avait déjà remporté la course précédente aux USA, sa domination ne s’est pas poursuivie par la suite en Chine sur le circuit IKA.
UNE BELLE COURSE PRO-AM
Mais revenons à la course de l’Île Maurice. Virtuellement dans une autre ligue, mais réellement sur la même ligne de départ et le même parcours, sur l’Hydrofoil Pro Tour, les amateurs ont la possibilité de se mesurer aux meilleurs mondiaux. C’est ce qu’a, par exemple, apprécié Billy Guy Maupas venu tout droit de Lorient, pour des vacances en famille où il a joint l’utile
à l’agréable : « À force de naviguer en France avec mes amis, j’avais envie de me mesurer aux meilleurs mondiaux pour voir un peu où j’en suis et pour progresser. J’avais déjà rêvé devant les images des précédentes éditions de l’épreuve ici à Maurice. Alors, lorsque j’ai vu le package proposé au Preskil Island Resort pour cette étape du Hydrofoil Pro Tour Mauritius, j’ai foncé sur l’occasion pour joindre l’utile à l’agréable en prenant des vacances en famille dans un cadre incroyable tout en régatant. C’est vraiment génial de pouvoir bagarrer sur un parcours dans ces conditions paradisiaques. C’est beaucoup plus accessible que ce que l’on pourrait croire. Chacun régate à son niveau tout en côtoyant le top niveau mondial. D’ailleurs, les tops rideurs sont vraiment super sympas et n’hésitent pas à donner des conseils sur la technique ou le matos. C’est vraiment super intéressant. » Au final, Billy prend une belle 6e place au classement général en se payant le luxe de finir l’épreuve avec plusieurs magnifiques manches de 4e, sur les talons des tops rideurs ! Juste devant Billy au classement général, un autre rideur a bluffé autant les autres concurrents que les spectateurs. À seulement 12 ans - oui, vous avez bien lu - Maximilien Maeder est un véritable prodige du kitefoil. Si la flotte de niveau hétérogène et une faible densité de rideurs sur le parcours avantageaient son profil peu expérimenté, le jeune Singapourien s’est montré impressionnant de performance et de maturité. C’est par exemple le seul rideur à avoir saisi les opportunités pour se glisser dans le top 3 sur certaines manches et il s’est souvent montré bagarreur pour tenter de garder le contact avec les intouchables français ! Ceux-ci n’en revenaient pas mais Maximilien ne se montrait nullement impressionné par le palmarès de ses ainés : « Je fais du kite
depuis 6 ans déjà, nous a-t-il raconté. Je me suis mis au foil il y a 2 ans car je ne voyais pas beaucoup de jeunes en faire, contrairement au twintip racing qui ne me bottait pas trop. Je manque encore d’expérience pour rivaliser avec Nicolas Parlier, mais je compte bien devenir champion du
Monde avant mes 19 ans. » avec 7 ans devant lui, une large marge de progression et un âge où l’on apprend à la vitesse de la lumière, les leadeurs actuels du circuit ont toutes les raisons de se méfier. Et pour la petite histoire, sachez également que son petit frère de 10 ans arrive également sur le circuit. Tous deux suivent déjà l’école à distance et, forts d’un niveau de vie très privilégié, ils voyagent de compétition en compétition avec leur coach.
CLASSEMENT GÉNÉRAL FINAL APRÈS 19 MANCHES :
1. Théo De Ramecourt (FRA) 2. Axel Mazella (FRA) 3. Nicolas Parlier (FRA) 4. Jean De Falbaire (MRI) 5. Maximilien Maeder (SIN) 6. Billy Guy Maupas (FRA) 7. Hector Paturau (MRI) 8. Philip Rowlands (AUS)