Un 42 qui taille grand
La barre symbolique du maintien en Ligue 1 est fixée à 42 points. Mais 38 devraient suffire cette saison. C’est scientifiquement prouvé.
« D’abord les 42 points, ensuite on verra. » La formule renvoie souvent à Guy Roux et à ses années auxerroises. Elle a fortement déteint sur ses collègues au fil des ans. Au point que beaucoup d’entraîneurs actuels prendraient un sacré risque en promettant ne jamais avoir évoqué cette barre symbolique : celle d’un maintien assuré.
Pourtant, cela devrait, encore une fois, se jouer bien en deçà. Pour L’Équipe, Raphaël Chétrite (*) et Sylvain Le Corff, tous deux chercheurs au CNRS – le premier en physique- mathématiques et en probabilité à Nice, le second en statistique à Orsay ( Essonne) –, ont accepté de calculer le nombre de points nécessaires pour se sauver cette saison. Ils ont utilisé une version améliorée du modèle dit de Bradley- Terry : un modèle de prévision des probabilités pour les résultats d’un match entre deux équipes, en fonction de leurs forces. Pour ce faire, il a fallu assigner, en prenant plusieurs paramètres en compte ( dynamique actuelle, valeur des effectifs, etc.), un coefficient de force pour les vingt clubs de Ligue 1. « Par exemple, il y a Rennes- Metz lors de cette journée, explique Raphaël Chétrite. Le coefficient de force de Rennes va être bien plus élevé que celui de Metz. Cette assignation des forces est le point délicat mathématiquement et capital pour la validité du résultat mathématique. Si on met que Metz est l’équipe la meilleure dès le départ… »
Une fois la base de données constituée, la « machine » va simuler les six journées de L 1 rest a n t e s – c e q u i r e p r é s e n t e soixante matches avec trois résultats possibles. L’opération a été répétée 5 000 fois, en respectant les probabilités. La multiplication des tests permet de lisser d’éventuelles erreurs, mais aussi de couvrir un nombre de scénarios important. Dans près de 1200 cas, le dix- septième termine avec 37 points. Et près de 1000 fois, soit avec 36, soit avec 38 points. En somme, même s’il ne gagnait aucun de ses derniers matches, Christophe Pelissier a toutes les chances de maintenir Amiens ( 13e, 37 points) en Ligue 1.
La semaine écoulée est encore venue rappeler combien il était difficile, voire impossible, de prédire les résultats. Ils sont donc à interpréter avec une certaine prudence. Raphaël Chétrite en convient : « Le résultat que nous donnons est probabiliste : si tu dois parier de l’argent, parie sur ça. Mais ça ne veut pas dire que tu vas gagner à coup sûr. »
Le modèle Bradley- Terry ne peut pas tout prévoir, donc. Une simulation similaire à celle- ci, lors de la saison 2010- 2011, au soir de la 32e journée, n’aurait certainement pas envoyé Monaco et ses 44 points au final en Ligue 2. « Cela aurait dû être dans les cas de probabilité très faible, avoue- t- il. C’est comme si, aujourd’hui, le 18e terminait avec 42 points. C’est extrêmement improbable. » Selon leurs résultats, cette année, le barragiste ne t erminera au- dessus des 39 points que dans 10 % des cas. Autrement dit, avec ce nombre d’unités, le maintien sera quasiment assuré. Quant à la barre symbolique des 42 points, le dixseptième ne l’atteindra que dans une dizaine de cas sur 5 000.
(*) Raphaël Chétrite et ses collègues, Roland Diel et Mathieu Lerasle, ont notamment publié un article dans la prestigieuse revue scientifique The Annals of Applied Probability sur les probabilités de champions non attendus dans le football. Une présentation grand public de cet article se trouve sur le site du CNRS.
Sur 5 000 simulations, le 17e termine près de1 200 fois avec 37 points