Punaises! Quelle psychose... Son chien de détection ne sait plus où donner de la truffe
Lorsqu’il a créé sa société de détection canine des punaises de lit il y a cinq ans, Marc Denize était loin d’imaginer la psychose actuelle, les sollicitations pleuvent partout.
« Vas-y Drake, cherche, cherche »… Certes la pièce est plutôt petite, certes le terrain de jeu est connu, mais voir ce splendide malinois de 7 ans, « marquer » en quelques secondes la présence de punaises de lit dans un canapé ou un petit meuble, a quelque chose d’impressionnant.
À Rémalard-en-Perche (Orne), Marc Denize et Drake forment un duo qui exerce depuis cinq ans avec la société Détect’iz, société de détection canine de punaises de lit. Un fléau qui est aujourd’hui l’objet d’une véritable psychose, à fortiori avec l’échéance prochaine des Jeux olympiques de Paris 2024! Et les sollicitations dépassent l’entendement.
« On refuse jusqu’à vingt clients par jour »
La petite entreprise communique très peu depuis sa création, le bouche à oreilles suffisant amplement d’autant que Marc Denize tient à cultiver la qualité de ses prestations et une vraie relation de confiance avec ses clients qui se traduit par une déontologie à laquelle il tient plus que tout, car, comme dans tout secteur en tension, les dérives peuvent exister face à des personnes désemparées.
Sa micro-entreprise a ainsi intégré le Syndicat des experts en détection canine des punaises de lit (SEDCPL) peu de temps après sa création en janvier 2021, qui défend justement de telles valeurs éthiques. Le SEDCPL s’engage avec ses membres dans une démarche de qualité et de contrôle, en partenariat, et sous le contrôle indépendant de Bureau Véritas. Le fait d’avoir suivi certaines formations lui a valu d’être référencée par les sites gouvernementaux avec évidemment la chambre d’écho que cela amène.
Alors, avec la véritable psychose qui s’est emparée de la société, impossible de répondre à toutes les sollicitations. « Avec la période estivale, il y a eu énormément de transferts de population et puis maintenant la médiatisation, c’est juste fou! Aujourd’hui c’est simple, on refuse de dix à vingt clients chaque jour ! On n’a même parfois pas le temps de répondre. »
En trois jours sur des chantiers et la boîte mail est totalement saturée.
L’éthique et les punaises
Le SEDCPL a élaboré une charte de qualité pour encadrer la profession en répondant notamment à un grand nombre de critères qui vont largement au-delà de l’aspect détection des punaises de lit.
Il s’est attaché aussi à la résolution du problème en déterminant les causes et les conséquences, mais aussi sur les engagements des maîtres concernant les origines des chiens de détection, sur leur fin de vie professionnelle, sur leur bien-être, le respect de temps de repos. Tous les adhérents bénéficient de formations spécifiques aux punaises de lit, parfois même avec un entomologiste. C’est aussi un engagement environnemental sur le devenir des tubes d’entraînement, etc.
Un cadre devenu nécessaire tant il peut être tentant pour certains de s’engouffrer dans une pratique si demandée en ce moment.
Des infestations de niveau 5 et 6 qui explosent
Le SEDCPL recense un boom des infestations de niveau 5 et 6 ces derniers mois, c’està-dire des immeubles entiers voire des quartiers. Au fil des années la punaise de lit se développe de plus en plus et cela s’explique par le fait qu’il y a de plus en plus d’infestation de niveau élevé, c’est-à-dire très concentrées.
Une échelle mesurant le niveau d’infestation a été retenue par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
De quoi alimenter par conséquent la psychose «d’autant que désormais, avec les réseaux sociaux, la viralité est énorme avec des personnes qui postent photos et vidéos, mais parfois ce sont des cloportes ou autres insectes sans que ce soit des punaises de lit » relève Marc.
La détection pour lever les doutes
Les conséquences pour la vie sociale de particuliers ou la vie économique d’entreprises comme des hôtels, des Ehpad, des résidences ou des cinémas sont telles que le préventif tourne à plein régime actuellement « certaines fédérations professionnelles invitent les exploitants à “envoyer le chien” pour lever les doutes, de nombreux syndics de propriété également ».
Alors, bien évidemment, Marc et Drake se retrouvent tout simplement sur tous les fronts. Les entomologistes précisent en effet que l’on ne peut pas, sur simple piqûre, affirmer que c’est de la punaise de lit, d’autant qu’une partie de la population est asymptomatique et ne présente pas de boutons après s’être fait piquer.
Comme une maladie honteuse
L’une des grandes difficultés rencontrées vient du fait que nombre de personnes ayant une infestation chez elles n’en parlent absolument pas, on se retrouve comme dans le cas de maladies honteuses « sauf qu’un locataire qui ne dit rien et qui part risque de provoquer l’infestation de tout l’immeuble ».
Marc relève que 30 % des cas peuvent se régler en amont, uniquement sur photo, «rien qu’en discutant avec la personne pour bien appréhender la situation et déclencher, ou pas, une détection. Par exemple si une personne est piquée puis ensuite n’a plus rien pendant deux semaines, on peut estimer qu’il y a peu de chances d’avoir des punaises de lit. On n’exclut alors rien, mais on invite la personne à de la vigilance ».
De même si quelqu’un dit être piqué depuis plusieurs semaines, «s’il n’y a pas de déjections identifiées alors on peut penser que c’est autre chose ».
Autant dire que les conseils représentent une bonne part de l’activité de Marc, gracieusement, mais c’est une mission qu’il considère comme cruciale. Des conseils qui portent notamment sur les signes de présence : mues, déjections, punaises et nombre de bouton et fréquence que l’on peut avoir une indication d’une infestation.
Tout le grand Ouest
En se déplaçant sur tout le grand Ouest, Marc ne s’est pas non plus facilité la tâche, car, de Cherbourg à Nantes en passant par la région parisienne, il y a de quoi faire.
D’où la nécessité aussi de ce travail en amont pour bien comprendre une situation et jauger de la pertinence d’une intervention. Détect’iz n’assure pas le traitement — question de déontologie — mais en revanche peut conseiller sur le nettoyage, l’entretien, la vigilance… C’est le désinsectiseur qui décide du traitement optimal et Marc indique qu’il peut exister des traitements plus naturels que la version chimique, par la vapeur ou congélation par exemple, selon le niveau d’infestation et la localisation des punaises.
Là où ne s’y attend pas !
Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas être sûr à 100 % de son habitation ou de son mobilier. Marc a ainsi en tête une anecdote récente où le chien a marqué un… lave-vaisselle. Pas franchement l’endroit que l’on imaginerait. Ses clients étaient piqués dans leur banquette de salon, donc les investigations portaient davantage dans cette pièce.
Sauf que le chien était formel lui! Eh bien, malgré la chaleur du moteur de ce lavevaisselle, l’électro-ménager livré deux semaines auparavant était bien le coupable de l’infestation.
Il faut vraiment très peu de contacts pour que ces prolifiques bestioles envahissent un environnement parfois conséquent comme dans ces bureaux de plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés en région parisienne. Un membre du personnel peut amener le début de la colonie. On parle de déplacement actif de la punaise (pour se nourrir) ou bien passif (en se posant sur un vêtement, un bagage).
Ce qui est sûr c’est qu’elles affectionnent les recoins sombres, car elles sont lucifuges (elles fuient la lumière), grégaires et se nourrissent tous les trois à quinze jours, mais peuvent rester à jeûner des mois en attendant du sang neuf.
Et quand elles se réveillent, elles ont une faim de loup !