L'Action Républicaine

Sans le savoir, Marrounett­e a sauvé Camille, victime de harcèlemen­t scolaire

Victime de harcèlemen­t scolaire, Camille a tenté de se suicider. Marrounett­e, sa biquette, et ses chevaux, l’ont aidée à s’en sortir. Reconstrui­te, elle invite les victimes à libérer la parole : « on peut passer au-delà ».

- • Carine ROBINAULT

« J’ai tout avalé »

Dans le terrain de la maison de famille, à Saint-Denisdes-Coudrais, Camille Torché, tout juste 18 ans, a installé un parcours d’agility. Des obstacles que Marrounett­e franchit désormais sans problème.

Mais l’animal n’est pas un chien, ou tout autre poney d’ordinaire adepte de la discipline. Non, Marrounett­e est... une chèvre. La jeune femme l’a acquise voilà quatre ans. « Pour maman, de base, sourit malicieuse­ment Camille. Mais finalement, j’ai commencé à la dresser. Une biquette, ça met du temps à comprendre, mais une fois qu’elle a compris, elle aime nous faire plaisir. »

Les locaux les auront peutêtre croisées, en balade du côté du lac de Tuffé Val de la Chéronne, ou à Bonnétable, « quand on va au pain, à pieds, avec Marrounett­e en laisse », pour 14 kilomètres de balade aller-retour.

Sa chèvre l’a beaucoup aidée : « il n’y a pas de jugement »

Et sans le savoir, du haut de ses 8 ans, la chèvre a sauvé la vie de Camille. « Elle m’a beaucoup aidée. Tout comme mes chevaux ensuite. » La Dionysienn­e -c’est ainsi que se nomment les habitants du petit village du Nord Sarthe- a toujours aimé le contact avec les animaux, elle qui côtoie depuis l’enfance chiens, lapins, poules et rattes. « Avec eux, il n’y a pas de jugement ».

Un échange auquel elle n’était jusque-là pas habituée.

Prématurée de deux mois

Née prématurém­ent, deux mois avant le terme, Camille Torché souffre du syndrome transfuseu­r/transfusé. « Ma jumelle avait toute la nourriture, et manquait d’air. Moi, l’inverse », rembobine la jeune femme, entre deux gorgées de jus de fruit.

« Je ne pesais qu’un kilo, pour 36 centimètre­s. J’ai été mise en couveuse. » De cette prématurit­é, la jeune femme garde des séquelles. « J’ai des problèmes aux jambes. Le nerf de mon mollet reste tendu en permanence, du coup, cela me provoque des tremblemen­ts incontrôla­bles. »

« Traitée d’handicapée: j’ai tout gardé pour moi »

Un handicap visible qui lui vaudra bien des moqueries. « Pas en primaire, mais dès mon arrivée au collège, ça a commencé. Même les profs s’y sont mis », se remémoret-elle. Avant d’avouer : « J’ai aussi eu des soucis de dyslexie. Encore aujourd’hui, la lecture, c’est pour moi compliqué. »

De railleries, elle se souvient surtout « d’être traitée d’handicapée ». Sans rien oser aborder dans la sphère familiale. « J’ai tout gardé pour moi. On me disait qu’il fallait que je parte, que je n’avais rien à faire là, qu’il fallait que j’aille en école spécialisé­e. »

Sa soeur sera témoin, et en parlera. « Là, j’ai changé de collège. » Tout se passe mieux pour Camille. Au début. « Puis, tout a recommencé. » Jusqu’à ce que « je ne supporte plus ». Durant l’année scolaire 2018-2019, elle tente de mettre fin à ses jours.

« J’avais pris des plaquettes de médicament. J’avais tout prévu. Je finissais plus tôt et suis sortie pour attendre mes parents, comme si de rien, en saluant tout le monde et en rigolant avec eux. Je suis allée sur une place et j’ai tout avalé. Avant, j’avais envoyé un message à une amie, en lui disant que j’abandonnai­slà. »

Bien en a pris à Camille puisque l’amie en question alerte le collège, ses proches. Après une semaine d’hospitalis­ation, de retour chez elle, Camille ne tardera pas à rencontrer Marrounett­e. « Je la sortais et ça aide à créer la confiance avec l’humain. C’est plus facile d’approcher quelqu’un avec un animal, ça crée plus de lien aussi. Les gens sont contents de voir une chèvre. Autant leur donner du plaisir et aller vers eux. »

Vivre en autonomie, dans une tiny-house

La biquette aide Camille à se reconstrui­re, puis ses chevaux, un hongre de 6 ans et une jument de 17 ans, débarquent dans sa vie, eux aussi, qui l’aideront autant. D’ailleurs, ses projets de vie tournent autour d’eux. « Je suis en train de passer le permis pour vite travailler, en tant que cavalier-soigneur puisque je suis diplômée, ou avec les chèvres, qui m’intéressen­t aussi beaucoup. Parce que je veux acheter une Tiny house pour y vivre autonome en eau et en électricit­é, avec tous mes animaux autour », livre Camille, dans un large sourire. S’il fallait encore une preuve que le harcèlemen­t scolaire est loin derrière elle.

 ?? Carine ROBINAULT ?? Aujourd’hui, Camille Torché croque la vie à pleines dents, et a un projet : acheter une tiny house. Une revanche après avoir été harcelée, qu’elle doit en partie à sa rencontre avec sa biquette, Marrounett­e.
Carine ROBINAULT Aujourd’hui, Camille Torché croque la vie à pleines dents, et a un projet : acheter une tiny house. Une revanche après avoir été harcelée, qu’elle doit en partie à sa rencontre avec sa biquette, Marrounett­e.
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Avec sa chèvre, Camille enchaîne les tours ; un travail de dressage de longue haleine.

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