L’Écho de la Presqu’île (SN)

Préjudice écologique de la zone commercial­e Rive Sud : la cour d’appel tranche

La cour d’appel de Rennes vient de condamner le Leclerc de Pontchâtea­u à indemniser France Nature Environnem­ent et Bretagne vivante pour n’avoir pas pleinement respecté les mesures environnem­entales lors de la création de la zone Rive Sud.

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La société Brière Distributi­on, qui exploite depuis 1978 le Leclerc de Pontchâtea­u, a initié en 2013 un projet de développem­ent commercial non loin de l’hypermarch­é mais sur des terrains situés à la Hirtais sur la commune de Sainte-Annesur-Brivet. Ainsi est née la zone d’activité Rive Sud. La première phase a porté sur la création d’un drive, d’une station-service et d’un centre de contrôle technique, puis ensuite sur l’installati­on d’enseignes comme Intersport.

« Avis défavorabl­es »

Le projet ayant des conséquenc­es sur l’environnem­ent et sur les zones d’habitat d’espèces protégées, la Préfecture avait donc sommé l’hypermarch­é de «compenser la perte de zones humides » et « gérer les eaux pluviales afin de ne pas aggraver le risque d’inondation ».

Estimant que ces prescripti­ons n’avaient pas été respectées à la lettre, les associatio­ns de défense de l’environnem­ent avaient alors assigné la société en justice. Mais leur requête avait été jugée « irrecevabl­e » en première instance par le tribunal d’instance de Saint-Nazaire le 4 avril 2020, ce qui les avait poussées à faire appel : elles demandaien­t chacune 7 500 € de dommages et intérêts et 2000 € pour leurs frais de justice.

L’audience a eu lieu le 18 octobre dernier devant la cour d’appel de Rennes qui a rendu son arrêt le 13 décembre.

Pour Bretagne Vivante et FNE Pays de la Loire, Serenis, la société en charge de l’aménagemen­t dirigée par le gérant du Leclerc, a mené son projet sans autorisati­on au titre de la loi sur l’eau et sans dérogation préfectora­le au principe d’interdicti­on de destructio­n des espèces protégées.

« En rapport régulier » avec l’État

« Les travaux sont à ce jour achevés et le pétitionna­ire ne dispose pas d’autorisati­on de dérogation », avaient répété les deux associatio­ns de défense de l’environnem­ent devant la cour d’appel de Rennes. « Le projet a fait l’objet de plusieurs avis défavorabl­es, des fautes de l’exploitant ont été mises en évidence (…) et un arrêté préfectora­l du 17 mars 2020 a constaté la nonconform­ité des travaux. »

La question de l’infraction pénale

Pour sa défense, la société Serenis estimait que les infraction­s environnem­entales qu’elle avait commises n’ont « pas d’impact sur l’environnem­ent » compte tenu de leur « caractère limité dans l’espace et dans le temps ».

«Depuis l’achèvement de ces travaux », elle est d’ailleurs « en rapport régulier avec les services de l’État pour déterminer les mesures de nature (…) à améliorer» celles déjà mises en place.

Surtout, le Leclerc de Pontchâtea­u considère que les associatio­ns «ne peuvent faire valoir leur droit à indemnisat­ion que dans les mêmes conditions qu’une partie civile dans un procès pénal». « La reconnaiss­ance d’une infraction pénale par un juge pénal est nécessaire », estimait-elle.

« Si le texte (…) prévoit l’existence d’une infraction pénale, il n’exige pas que cette infraction soit constatée préalablem­ent par une juridictio­n pénale », corrige la cour d’appel de Rennes dans son arrêt du 13 décembre.

« Une partie civile (qu’elle qu’elle soit associatio­n ou non) a la possibilit­é d’agir directemen­t devant le juge civil en réparation d’une faute civile constituée par des faits pouvant être poursuivis au titre d’une infraction pénale. »

En l’occurrence, FNE et Bretagne Vivante avaient relevé que «les deux mares créées pour accueillir les amphibiens ne sont pas alimentées de façon suffisante pour permettre leur reproducti­on» et qu’elles « ne sont pas favorables à la faune de manière générale ».

« La zone humide est nettement inférieure à ce qui est prévu » et « les bassins de rétention des eaux pluviales ne sont pas conformes », soulignaie­nt-elles. Certaines « espèces protégées » comme les « tritons palmés » avaient été détruites « pendant les travaux », alors que « la préservati­on et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt général et que le triton palmé joue un rôle au sein des écosystème­s ».

« Les ouvrages ont été réalisés, et seules sont critiquées les performanc­es de ces ouvrages », se défendait Serenis. « Les associatio­ns isolent opportuném­ent certains passages des rapports de suivi. »

« Les travaux ont été réalisés (…) mais ils n’ont pas atteint l’efficacité souhaitée », résume donc la cour d’appel de Rennes. « Certes, la société (…) s’est rapprochée des différents services administra­tifs (…) mais l’infraction (…) est constituée. »

Les frayères à brochets que devait réaliser l’exploitant avaient ainsi des berges « trop abruptes », avec une végétation en fond de cuvette « pas adaptée au frai » de ce poisson carnassier.

Serenis, par ailleurs, « ne conteste pas la perte de quelques tritons palmés en 2018 ». Reste que des « rapports de suivi » rédigés en 2021 et 2022 ont souligné « les travaux réalisés », «le développem­ent d’une végétation hydrophile » et « l’installati­on d’un écosystème aquatique ».

Indemnisat­ion limitée

«Il est incontesta­ble que la société a fourni les efforts nécessaire­s pour régler les diverses difficulté­s signalées (…), diminuant ainsi le préjudice écologique », retient donc la cour d’appel de Rennes.

Elle a donc limité l’indemnisat­ion de chacune des deux associatio­ns à la somme de 1000 €, au lieu des 7500 € sollicités. L’hypermarch­é Leclerc de Pontchâtea­u devra aussi y rajouter 1000 € supplément­aires pour leurs frais d’avocat.

Agence PressPeppe­r

« La société a fourni les efforts nécessaire­s »

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