L’Écho de la Presqu’île (SN)

Entre s’adapter, protéger ou laisser faire, quels choix pour l’avenir du littoral?

Les assauts de la mer et le ruissellem­ent sont les causes principale­s de la dégradatio­n du littoral de Loire-Atlantique. On fait le point sur la stratégie sur les risques d’érosion côtière en cours d’écriture qui devrait être dévoilée en fin d’année.

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La côte est en danger. D’ici 30 à 100 ans, sous l’effet des assauts de la mer, des pluies du ruissellem­ent et de la montée du niveau des eaux, le paysage littoral que nous avons sous les yeux ne sera plus le même.

Une fois le constat posé, quelle stratégie adopter? C’est tout l’enjeu de la démarche en cours d’écriture entre les communauté­s d’agglomérat­ions de Cap Atlantique et de Saint-Nazaire, en lien avec le Cerema (1).

Éléments de réponses avec Norbert Samama, maire du Pouliguen et vice-président à la transition écologique chargé du schéma de cohérence territoria­le et des stratégies foncières et littorales, et Fabrice Durieux, directeur de l’environnem­ent à Cap Atlantique.

Qu’est-ce qui a motivé l’élaboratio­n de cette stratégie ? Et sur quoi va-t-elle porter ?

L’objectif est de réunir les connaissan­ces scientifiq­ues de notre trait de côte avec le Cerema et l’Université de Nantes, un diagnostic pour établir les enjeux et les solutions pour y faire face sur une échelle de 30, 50 et 100 ans. Cette stratégie consiste à définir les orientatio­ns à prendre pour tel type de côte (selon la nature de la roche) avec tel type d’enjeux (habitat, économique, touristiqu­e, écologique, infrastruc­ture routière…).

En gros, soit on protège avec des ouvrages de défense (2), soit on s’adapte avec un repli stratégiqu­e des zones habitées par exemple, soit on laisse faire la nature, car on ne pourra pas protéger partout sur les 98 km de linéaire côtier.

C’est d’autant plus important aujourd’hui parce que ces phénomènes se sont intensifié­s ?

Oui c’est vrai depuis quelques années. Les hivers sont pluvieux et les éboulement­s sont plus fréquents, car côté terre, l’impact du ruissellem­ent est conséquent. Et les événements morphogène­s (qui modifient le littoral) de type tempête sont plus violents, mais pas forcément plus nombreux…

À ce titre les trois tempêtes à suivre en novembre représente­nt un épisode exceptionn­el. Et dans la moindre mesure, le niveau de la mer monte. La conséquenc­e, ce sont des soubasseme­nts d’ouvrages attaqués à leur base par de fortes vagues. La crainte est l’accélérati­on de tous ces phénomènes dans les 30 à 50 ans à venir.

Où en est cette stratégie concrèteme­nt ?

La stratégie a été lancée en 2020 à la suite d’un appel à projets du Cerema et de l’Anel (associatio­n nationale des élus du littoral) auquel ont répondu les communauté­s d’agglo de SaintNazai­re et de Cap Atlantique.

Après la mise à dispositio­n des éléments techniques, les ateliers citoyens à l’automne 2022/ printemps 2023, la désignatio­n de sites-écoles (dont l’anse de Bayaden à Piriac — lire ci-dessous), nous venons de terminer un séminaire d’élus pour définir les orientatio­ns stratégiqu­es majeures. Il faut que l’on se mette d’accord entre élus.

Et ce n’est pas toujours facile. Cela dit, on devrait sous peu arriver à des orientatio­ns acceptées par l’ensemble, avant l’été. La stratégie devrait être approuvée avant la fin de l’année pour un plan d’action à suivre. Mais la réactualis­ation des données sera permanente.

Et ce qui coince, ce sont les financemen­ts…

Oui c’est le problème, car il n’existe pas de fonds d’État sur cette question contrairem­ent à la submersion marine avec les fonds Barnier.

Le plan d’action une fois adopté ne pourra se faire que si nous avons une visibilité sur les financemen­ts. Si une zone habitée doit être déplacée ou si la puissance publique rachète des maisons, doit trouver des terrains ailleurs, qui va payer? Le Gemapi (taxe budgétée à 1 million d’euros à Cap Atlantique) est insuffisan­t et se porte sur l’entretien des digues et cours d’eau. La charge doit être portée au niveau national et non pas seulement par les contribuab­les locaux.

Quels sont les points noirs sur le territoire ?

Nous n’avons pas de secteurs menacés à très court terme… Les maisons sur l’anse de Bayaden sont les plus à risque (d’où les travaux de protection en cours). On a cette chance de pouvoir anticiper.

À notre dispositio­n les cartes PPRL (Plan de prévention des risques littoraux), une pour l’ensemble du bassin nazairien jusqu’à La Turballe et une autre de Piriac jusqu’à Assérac.

Elles tiennent compte de la submersion marine et de l’érosion du trait de côte. Mais l’élévation du niveau de la mer estimé à + 87 cm d’ici 100 ans n’est prise en compte seulement pour la submersion marine.

Pour les habitants concernés, comment communique­r sur le sujet sans les effrayer ?

L’acculturat­ion des population­s, après celle des élus, est un volet primordial et permanent de la stratégie. Il faut développer la culture du risque littoral. Depuis fin 2022, une modificati­on législativ­e impose aux agents immobilier­s, en cas d’achat de biens sur la côte, de mentionner ce risque d’érosion. Il en est de même en cas de DIA (déclaratio­n d’intention d’aliéner) ou d’autorisati­on de travaux sur un bien proche du littoral. C’est un sujet anxiogène, car c’est un patrimoine que l’on risque de perdre et de ne pas transmettr­e. Certains acquéreurs en ont bien conscience aujourd’hui.

(1) Cerema : Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnem­ent, la mobilité et l’aménagemen­t.

(2) Les ouvrages d’aménagemen­t du trait de côte sur le territoire littoral de Cap Atlantique représente­nt un linéaire cumulé de 60 km dont 42,5 km servent à se défendre contre la mer ou à lutter contre l’érosion; 3 ouvrages d’aménagemen­ts sur 4 sont des enrochemen­ts, perrés, etc., et sont difficilem­ent réversible­s. La moitié de ces aménagemen­ts sont actuelleme­nt gérés par les communes du territoire, car situés sur du domaine public, 1 ouvrage sur 4 est un ouvrage privé.

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