Les entretiens d’embauche et les relations professionnelles étaient teintés de propos graveleux
Le 30 janvier le patron de 45 ans, poursuivi pour agression sexuelle, n’a reconnu que « des blagues de cul inadaptées ». Le parquet a requis dix-huit mois de prison avec sursis. Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire rendra son jugement le 26 mars.
L’énumération des témoignages d’une dizaine d’employées de l’Intermarché de La Chapelle-Launay a duré vingt minutes. Deux d’entre eux ont été retenus comme victimes.
Toutes les jeunes femmes ont déclaré que le directeur parlait plus de sa vie privée et faisait des allusions au sexe pendant les entretiens d’embauche, et ont gardé en mémoire des phrases bien peu adaptées à une relation patron-employée par la suite. Telles : «Votre copain a dû vous mettre le tarif hier soir… quelle est votre position préférée? As-tu vu l’engin d’un homme ? etc. » Alors que l’une insistait sur le fait qu’elle avait un petit ami, il osait : « Ce n’est pas parce qu’il y a un gardien que l’on ne peut pas marquer de buts ».
« Il les collait physiquement »
Certaines se sont plaintes aussi «qu’il les collait physiquement ».
À la fin de cette litanie, la présidente interrogeait le quadragénaire : « Quel serait l’intérêt de toutes ces personnes de raconter tout cela aux gendarmes ? » Le prévenu ne se démontait pas, affirmant que l’histoire partait « d’un boucher ayant volé pour être licencié et d’une employée qui a été son ex avant de se remettre avec lui… » Pendant l’instruction, il fait souvent non de la tête avant de tancer : «Il y a beaucoup de mensonges, je ne parle jamais comme ça ».
Le mis en cause n’épargne pas les gendarmes : «Ils ont entendu les 33 salariés, et pas moi. Je suis allé moi-même à la caserne. Il y avait une volonté de trouver quelque chose à tout prix ! ».
« J’ai été trop con »
La présidente a montré son désaccord, lorsqu’il a estimé : «Parler de cul, ça met une bonne ambiance». Alors que de son côté, il jugeait : « avoir été trop con», la procureure préférait le terme « naïveté » sans y adhérer. « La naïveté, c’est ce qu’il met en exergue comme un de ses axes de défense » avance-t-elle et donnant la définition du mot harcèlement, à savoir « aspects répétitifs ».
La magistrate doute qu’il ait saisi la frontière entre patron et employé, ajoutant : «Il rentrait dans les vestiaires dans lesquels se changeait le personnel ».
Une réputation ternie
Plusieurs jeunes femmes ont eu des emplois saisonniers, voire sont retournées en connaissance de cause, ce qui fera aussi réagir la représentante du ministère public : « Il y a des étudiantes qui travaillent pour payer leurs études… » Elle évoque encore « la peur des représailles ».
Alors que sa réputation commençait à se ternir dans le Landerneau local, où vivent trois mille âmes, l’homme a porté plainte pour diffamation, se plaignant « d’une enquête trop longue menée par des rigolos… ».
Avant de requérir dix-huit mois de prison avec sursis pour une première condamnation au casier judiciaire, la magistrate a martelé : « Sa confiance en lui est inébranlable et je constate aujourd’hui que ses arguments n’ont pas changé ».
« Je ne souhaite pas à mon pire ennemi ce que cet homme a vécu », ainsi débute la plaidoirie de Me Pierre-Henri
Marteret. Pour l’avocat, « tout, y compris les réquisitions, est totalement démesuré. Il s’étonne que 33 personnes aient été entendues… “sauf la cheffe caissière!”, et précise que l’ex-compagne du boucher avait reçu trois avertissements. Et surtout, il dénonce les nombreux “J’ai entendu dire…”,
« On parlait beaucoup entre nous… ». Il est également surpris que les deux plaignantes ne se soient pas portées parties civiles, avant de déplorer que les gendarmes étaient venus à 11 h le matin chercher le prévenu dans son magasin. Aujourd’hui, le patron ne s’occupe plus que de la partie technique, plus du personnel. Sa peine sera prononcée le 26 mars.