«Il faut accepter le risque de submersion»

Alors que la tempête Céline a fait de gros dégâts dans les marais salants de Guérande cet hiver, les paludiers attendent avec résilience les plus grandes marées de l’année prévues de samedi à jeudi avec un coefficient de 117 le mardi 12 mars.

Dans les prochains jours, les bénévoles de l’Asa (association syndicale autorisée qui représente 450 propriétaires de marais salants) auront les yeux rivés sur les prévisions météorologiques.

En effet, la surcote (un dépassement «anormal» du niveau de la mer en marée haute) est liée à plusieurs facteurs : vent, pluie, rafales sur le pic de la marée haute et dépression mélangés à des forts coefficients. « À 6,70 m, on s’en sort sans dégât, mais au-dessus, ça commence à être compliqué», explique Yann Henry, président de l’association qui a pour mission de « protéger les biens et les personnes contre la mer, alimenter les marais en eau de mer et assurer l’évacuation des eaux douces». Cet hiver, avec la tempête Céline, l’eau est montée à 7,05 m et endommageant 3,5 km de talus d’argile, qui servent de digue, et causant 18 brèches. « Pour rappel, avec Xynthia, on était monté à 7,32 m et 1/3 du marais avait été submergé en mars, mais on avait réussi à faire une saison de sel», précise Gilles Dessomme, vice-président de l’association syndicale.

Pour la journée du 12 mars, une hauteur d’eau est annoncée à 6,58 m. «S’il fait beau ou que des vents d’est apparaissent, il n’y aura donc aucun problème », commentent les membres de l’Asa qui redoutent un scénario catastrophe : des vents d’ouest avec une dépression (une zone de basse pression atmosphérique). « Pour le 12, le temps ne semble pas trop mauvais, mais il y aura une dépression quelques jours avant. » Et si les éléments se déchainent, les paludiers comptent « faire le dos rond comme on le fait depuis des décennies. On ne va pas et on ne peut pas se battre contre les éléments. Nous sommes dans une politique d’acceptation de la submersion ». Pour surveiller les événements des grandes marées, les paludiers ont divisé les 2 000 hectares du marais en 20 secteurs. Les plans communaux de sauvegarde seront activés en cas de vigilance d’alerte submersion.

« On va faire le dos rond » « Le batardeau, un système simple et peu coûteux »

Actuellement, l’Asa entretient les 144 km de berges d’étier et les 16 km de digue principale (ces derniers km basculeront dans le giron de CapAtlantique en 2025 dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations).

Seize barrages sont installés dans le marais. Pour renforcer ces équipements, l’Asa souhaiterait installer, à l’entrée des étiers, des batardeaux. «Un système simple, réversible, peu coûteux, écologiquement compatible avec le fonctionnement du marais et qui serait ouvert 98 % du temps », selon Yann et Gilles. Cependant, le montage des dossiers auprès de l’administration est long et complexe. Autre piste de réflexion, l’élaboration d’un profil de digue, avec une pente plus douce côté intérieur, qui va supporter une submersion brève et l’équipement des zones en lien direct avec l’océan d’ouvrage d’évacuation des eaux de submersion avec des tuyaux et des clapets. « Un casier équipé de cet ouvrage n’a connu aucun dégât durant Céline », affirment les paludiers.

700 000 € pour remettre en état les digues

En attendant la possible concrétisation de ces projets, l’association a réalisé des travaux d’urgence après le passage de la tempête Céline pour éviter que la situation se détériore. «On a fait des petits chantiers en protégeant les zones impactées, mais on n’a pas pu entamer les gros travaux, car les sols sont encore trop humides ».

Dans ce contexte, l’Asa, dont le budget annuel s’élève à 250000 €, a pu compter sur l’aide financière de CapAtlantique avec une enveloppe de 100 000 €. «Pour remettre en état les digues, le coût est estimé à 700 000 € ».

En espérant que les grandes marées ne viennent pas alourdir la note déjà salée.