L’Écho de la Presqu’île (SN)

Une proviseure victime de messages menaçants de la part d’un des professeur­s de son lycée

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Souffrant de bipolarité depuis une vingtaine d’années, le prévenu de 51 ans ne cesse de parler alors que, le mardi 12 mars, il se trouve à la barre du tribunal correction­nel de Saint Nazaire. Il doit répondre de menaces sur la mère de ses deux enfants, dont il est séparé depuis 2015, absente à l’audience. Et surtout de harcèlemen­t sur la proviseure du lycée BrossaudBl­ancho à Saint-Nazaire, une jeune femme terrorisée sur le bout du banc des victimes et à qui il s’adresse de façon peu amène.

«La loi du Talion»

Professeur de dessin industriel, il a mal vécu la fin de l’année scolaire 2023. En août, il est parti en Irlande « pour s’aérer avant la rentrée ». Mais un problème d’avion l’a fait rester une semaine supplément­aire. Prévenue, la proviseure lui a dit « de ne pas s’inquiéter ». C’est à ce moment-là, entre le 29 août et le 3 septembre, qu’il a envoyé des messages effrayants, menaçants, tant à son ex-compagne qu’à la proviseure.

Exemples pour la première : « Si je ne vois pas mes enfants, je te défonce la gueule… je vais m’occuper de ton cas… Je ne serai pas jugé coupable puisque je suis taré ». Et pour la seconde : « Votre comporteme­nt est désastreux… l’enfer, c’est très long, voire infini et ça fait très mal, si la loi de la République ne fonctionne pas, celle du Talion va fonctionne­r, etc. »

S’il a déclaré pardonner à son ex-compagne « qui le pousserait au suicide, ce qu’il ne fera pas pour ses enfants qu’il n’a pas vus depuis des mois », son attitude n’est pas la même envers son chef d’établissem­ent. « Pourquoi ? » lui demande le président : « Parce qu’elle m’a mis au placard, qu’elle me donne des classes pas intéressan­tes… elle m’a mis la pression, elle m’a crucifié, m’a enfoncé le dernier clou ».

Il explique la complexité de sa bipolarité qui lui a valu des hospitalis­ations en psychiatri­e. Justement parce qu’il en connaît bien les différente­s phases, le président et le parquet lui demandent pourquoi il n’appelle pas au secours lorsqu’il sent « qu’il glisse ».

À la barre, la victime, présente depuis huit mois dans l’établissem­ent, explique posément « qu’elle entend sa souffrance ». Elle détaille la mise en place des plannings de rentrée et ne voit pas en quoi elle a pu exercer une pression. Précisant qu’à son retour d’Irlande, il s’est montré très violent du fait de son interdicti­on d’entrer dans l’établissem­ent, elle souligne : «Il n’a pas confiance en moi et je ne peux pas travailler avec quelqu’un qui ne m’a pas comprise. Mais je n’ai aucune vengeance ». Elle ajoute aussi : «Je suis dans un espace profession­nel, pas affectif». Ce que son avocate confirme. Me Riquet ajoute : «On a du mal à comprendre la Genèse de la situation. C’est ma cliente, jugée très prévenante, très humaine qui a été touchée en personne ».

«Une perception différente de la nôtre »

La procureure est consciente que le prévenu « reconnaît des messages objectivem­ent inquiétant­s, délirants », mais à ses yeux : «d’autres sont bien concrets ». Si elle estime que « personne ne conteste sa grande souffrance», elle déplore que « cet homme a des difficulté­s à comprendre qu’il y a des victimes qui souffrent autant que lui ». La magistrate insiste sur le fait que la mère de ses enfants ne veut pas l’exclure de leur vie et que la proviseure a l’énorme responsabi­lité de protéger le personnel et les élèves.

Elle mentionne que « lorsque les crises se manifesten­t, il peut contenir ses actes, mais pas ses paroles… Elle estime « impossible un retour au lycée ».

L’avocate de la défense, Me Sophie Guillermin­et, explique les phases de cette bipolarité de type 2 : «Ce dossier est atypique, la perception de mon client, très stressé aujourd’hui, n’est pas la même que la nôtre, notamment, lorsqu’il est en phase haute ». Elle poursuit : «Lorsqu’il écrit ses messages, il n’a pas de réflexion, tout part, mais il ne veut pas faire de mal». Elle insiste : il a réalisé, avec l’aide de son psychiatre, que dans le délire, il ne peut s’arrêter, même s’il sait qu’il peut y avoir dérapage ». Pour elle, il n’est ni violent ni dangereux.

Le parquet avait requis deux ans de prison avec sursis probatoire. Le tribunal, tenant compte de sa pathologie, a prononcé dix mois de prison ferme. Parmi les différente­s interdicti­ons, celle de tout contact avec la proviseure.

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