L’Écho de la Presqu’île (SN)

L’associé majoritair­e soupçonne le minoritair­e d’abus de biens sociaux

Le couple qui comparaiss­ait le 12 mars devant le tribunal correction­nel de Saint-Nazaire pour abus de confiance ou de biens de société à des fins personnell­es et qui a tout nié, sera fixé sur son sort le 16 avril.

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Un homme, bercé dans le textile, tenant un magasin de prêt-à-porter à Trouville, souhaitait faire un investisse­ment. Il a « donné » 25 % de parts à un chef de cuisine de sa connaissan­ce, dans l’acquisitio­n d’une rôtisserie et d’une charcuteri­e-traiteur, avenue des Ibis à La Baule.

La SAS Hevag a été créée le 29 décembre 2014. En 2016, le « gérant de fait » et sa femme, employée notamment à la comptabili­té, estimant qu’il consacrait 55 h par semaine au travail, sollicitai­t une augmentati­on mensuelle. Elle leur était refusée par l’associé majoritair­e, qui depuis quelque temps nourrissai­t « des doutes sur la gestion des commerces ».

Les relations se sont envenimées. Le plaignant engageait une procédure de licencieme­nt et le 21 août 2018, le quinquagén­aire était mis à pied.

L’investisse­ur principal, président de la société, s’est penché assidument sur les comptes, constatant que son homme de confiance « passait plus de temps au bureau qu’au laboratoir­e ». Il portait plainte, le 3 octobre 2019. S’il reprochait à Madame « une soustracti­on frauduleus­e »; pour Monsieur, il s’agissait «d’abus de biens sociaux à des fins personnell­es ».

« Travailler et laisser ma santé »

Le procès a eu lieu le mardi 12 mars au tribunal correction­nel de Saint-Nazaire.

Systématiq­uement, lorsque l’un parlait, l’autre faisait souvent non de la tête.

Le tribunal s’est penché sur de nombreux tickets de caisse annulés, notant que le prévenu et les employés ne devaient pas enregistre­r trois produits ; sur des produits non facturés acquis par le prévenu à des fins personnell­es ; sur des prélèvemen­ts en espèces ou de denrées…

Des achats (notamment des bonbons avant le départ en vacances du prévenu) chez le grossiste Metro étant également reprochés, le mis en cause a mentionné qu’il existait quatre cartes de paiement pour ce magasin. Il n’a rien reconnu. Lorsque le président lui a rappelé l’existence d’un « coffre personnel avec du liquide », il a déclaré que les deux couples d’associés avaient le code. Le père de famille a tout justifié avant de conclure : « La seule chose que j’ai faite, c’est travailler et y laisser ma santé… non, je n’étais pas le dirigeant de la société ».

Plusieurs employés ont témoigné en sa défaveur, ce qui l’a fait bondir : « Ils venaient manger à la maison… ».

« Nous avons été manipulés »

De son côté, l’investisse­ur principal a mentionné : « J’ai vu que la société commençait à battre de l’aile, j’aurais dû le faire avant, mais ma femme et moi avons eu des problèmes de santé… j’ai dû faire venir la Bac [la police — NDLR —] pour me protéger lorsque je l’ai licencié.». Il s’étonne : « C’est incroyable, ce n’est jamais lui ! » Il poursuit : «Nous avons été manipulés, ce couple est très fort ».

À noter, que le quinquagén­aire a perdu deux fois aux Prud’hommes. Son avocat, Me Bruno Denis, invite les juges à regarder les éléments du dossier (556 pages). Et à se pencher sur les SMS échangés entre le couple de prévenus, tels « le billet de 200 € du coffre… l’argent que tu prenais dans la caisse, les “Fondant baulois” non encaissés pour payer les petits-déjeuners du personnel… »

Me Denis reprend le travail de longue haleine fait par son client, qui a fait confiance au charcutier recommandé par une connaissan­ce et qui lui a accordé de façon gratuite 25 % des parts de la société : « Sérieuseme­nt, il ne peut nier les faits ».

Le réquisitoi­re de la procureure est bref : «C’est clair. Le prévenu est le gérant de fait ». Pour la magistrate, les faits d’abus de bien social sont matérialis­és : « Il s’est servi en denrées et en espèces. Les factures de Métro ne correspond­ent pas aux denrées de l’activité ». Elle requiert des amendes de 2 000 et 1 500 €.

L’avocate de la défense, Me Sophie Michaud regrette le manque d’investigat­ions : « À part les auditions de salariés, il n’y a rien… on n’a pas cherché à savoir si les infraction­s correspond­aient à des périodes d’activité du couple. On ne sait pas qui avait une carte Metro… S’il prend dans la caisse, pourquoi demanderai­t-il une augmentati­on ? »

L’épouse réagit : « On s’est fait avoir, c’est un manipulate­ur. Il nous a écrasés, ruinés ». Son mari ajoute : « Nos enfants sont calomniés, on est sous pression, c’est une personne malfaisant­e alors que l’on a seulement donné notre sueur ». Le jugement sera rendu le 16 avril.

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