L’Écho de la Presqu’île (SN)

Alice Milliat, pionnière de l’égalité femme/homme dans le sport

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Année olympique en France oblige, c’est à une conférence sur l’égalité des femmes et des hommes au fil des différente­s olympiades depuis leur création en 1896 que nous convie le CaFéminist­e, en partenaria­t avec la ville. Elle sera animée par Stéphane Gachet, historien du sport, le samedi 6 avril à 18 h à la salle Jeanne d’Arc. Elle se prolongera par une exposition qui se tiendra de la mi-juin à la fin août consacrée à l’évolution dans le temps de la place des femmes dans le sport.

«Leur rôle? Couronner les vainqueurs»

Si, aujourd’hui, la présence des femmes au sein des Jeux olympiques (JO) semble naturelle, elle ne l’était pas aux yeux de son père fondateur. En 1912, Pierre de Coubertin déclare : « Le véritable héros olympique est à mes yeux l’adulte mâle individuel. Aux Jeux olympiques, leur rôle [celui des femmes] devrait être surtout […] de couronner les vainqueurs. »

Il faudra toute l’énergie d’une jeune femme, sportive de haut niveau, pour bousculer les codes d’un milieu sportif qui, à l’image du créateur des Jeux olympiques modernes, pensait que « le sport demeure le symbole même de la virilité ».

Une Nantaise, pionnière du sport féminin internatio­nal

Alice Milliat sera cette femme. Née à Nantes, il y a tout juste 140 ans, le 5 mai prochain, elle est à l’origine de la reconnaiss­ance de la place du sport féminin de haut niveau. Veuve après quatre années de mariage, elle s’intéresse à la pratique du football, du hockey, de la natation. Mais c’est surtout à l’aviron que va sa préférence.

En 1915, elle rejoint le Fémina Sport, premier club féminin en France, qu’elle présidera. En 1917, elle encourage la création de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF) dont elle prend la tête deux ans plus tard. En 1921, elle fonde la Fédération sportive féminine internatio­nale (FSFI).

L’organisati­on de jeux mondiaux féminins

Face au refus du Comité internatio­nal olympique (CIO) et de son chef d’intégrer des épreuves d’athlétisme féminines aux JO de 1920, la FSFI organise en 1922 à Paris les premiers jeux olympiques féminins. En dépit de la condamnati­on immédiate du CIO, cette manifestat­ion internatio­nale rencontre un vif succès. Après le départ de Pierre de Coubertin en 1925, le CIO assouplit sa position et cinq épreuves féminines d’athlétisme font leur apparition aux JO de 1928 à Amsterdam. Toutefois, pour Alice Milliat, « la participat­ion aux JO ne peut se comprendre que si elle est totale. […] Une participat­ion aussi petitement mesurée ne peut servir de propagande au sport féminin». Sous l’égide la FSFI, elle organisera les jeux mondiaux féminins à Göteborg en 1926, à Prague en 1930 et à Londres en 1934.

Face à une place des femmes qu’elle juge insuffisan­te, elle demande au CIO en 1935 de «reconnaîtr­e la FSFI comme organisme internatio­nal souverain pour la continuati­on de ses Jeux quadrienna­ux dont le cadre devrait être élargi ». La réponse ne viendra pas et les jeux mondiaux féminins de 1938 qui devaient se dérouler en Autriche n’auront pas lieu. À la veille de la guerre, Alice Milliat retrouve son métier d’interprète. Elle poursuit son existence dans l’anonymat le plus complet, jusqu’à sa mort, le 19 mai 1957.

Une reconnaiss­ance tardive

Elle repose au cimetière SaintJacqu­es dans une tombe longtemps anonyme. Une fondation à son nom sera créée en 2016. En 2017, Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, déclare s’opposer à la mise en place d’une statue à son effigie dans le hall de la Maison du sport français. Elle sera néanmoins inaugurée par ses soins en présence de Roxana Maracinean­u, ministre déléguée aux Sports et Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, le 8 mars 2021, face à celle de Pierre de Coubertin. Depuis une date récente, de nombreuses collectivi­tés lui rendent hommage en dédiant son nom à un site. C’est le cas de l’esplanade de l’Arena de la Porte de la Chapelle. Le projet existe au Croisic dans le cadre des nouvelles infrastruc­tures du complexe sportif Constant Germon. Son action sera évoquée par Stéphane Gachet lors de la conférence du 6 avril. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Alice Milliat : les vingt ans qui ont fondé le sport féminin paru en 2019.

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