Tour classée à Villès-Martin : l’erreur de la mairie fait capoter le projet immobilier
Le tribunal administratif de Nantes a annulé un permis de construire validé par la municipalité autour d’un bâtiment classé au patrimoine balnéaire. Derrière cette décision, un étonnant imbroglio urbanistique. Explications.
Est-ce une tour ? Un phare ? Un ancien moulin ? Les interprétations varient, quoi qu’il en soit, cet élégant bâtiment en pierres de la fin du XIXe siècle, situé près du front de mer rue Ferdinand Buisson, ne passe pas inaperçu.
Inscrit au patrimoine balnéaire de Saint-Nazaire, il fait à ce titre l’objet de protection. Dans quelle mesure ? C’est là que l’affaire se corse... et qu’elle a abouti in fine à un désaveu de la municipalité nazairienne par la justice administrative.
Le classement des bâtiments inversé
Début 2022, le propriétaire de la tour et de la villa attenante a déposé une demande pour une importante extension de 125 m2 de surface, 7 mètres de hauteur, avec piscine intérieure et trois places de stationnement. Validée par le service urbanisme, mais contestée par l’association environnementale SPCNE (1) et des riverains qui ont dénoncé un projet « sans aucun effort d’intégration » ni « continuité architecturale ». Ils ont surtout fait valoir que toute extension est interdite en continuité d’un monument classé 3 étoiles comme l’était alors la tour dans le règlement du Plan local d’urbanisme intercommunal (Plui), adopté en février 2020. Une « erreur matérielle » selon la mairie, le monument aurait du être 2 étoiles, un classement moins contraignant. Il est d’ailleurs inscrit ainsi dans une annexe du règlement.
Faute d’accord entre les parties, le dossier a été porté en justice. Le tribunal administratif de Nantes a relevé une « inversion » complète du fameux règlement, « 36 bâtiments » étant classés 3 étoiles au lieu de 2, et « 47 bâtiments » classés 2 étoiles au lieu de 3. La bévue a été rectifiée par une modification simplifiée du Plui, votée par le conseil communautaire en avril 2023. Trop tard pour les juges qui ont conclu à « l’illégalité » du permis, dans une décision du 5 décembre 2023.
Le permis annulé
Plutôt que d’accorder un délai en vue d’une régularisation, ils ont trouvé plus sage de prononcer une « annulation » pure et simple. Car si la tour est désormais bien étiquetée 2 étoiles, la modification du Plui d’avril 2023 a opéré « le reclassement de deux en trois étoiles de bâtiments dans l’environnement proche du terrain d’assiette du projet ». De quoi peut-être rebattre les cartes en cas de nouvelle demande de permis de construire.
La justice a également condamné la municipalité de Saint-Nazaire à verser 1 500 € aux requérants. Contacté, le propriétaire n’a pas donné suite.
Nouvelle polémique ?
L’association SPCNE s’est récemment émue de la construction d’une petite extension adossée à cette même tour « sans demande de permis de construire ou de travaux impactant fortement ce patrimoine balnéaire » et a adressé trois courriers de protestation aux élus. Du côté de l’hôtel de ville, on fait valoir que l’ouvrage est « a priori » conforme, ne nécessitant pas d’autorisation s’il fait moins de 5 m2, mais que des « vérifications » sont en cours.
(1) Sauvegarde et protection de la corniche nazairienne et de son environnement
Julien BOULIOU