Deuxième roman pour la première profileuse de France
Cheffe de la division des affaires non élucidées (Diane) au sein du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (Pjgn), l’officier MarieLaure Brunel-Dupin signe, avec la journaliste Valérie Péronnet, un deuxième roman policier qu’elle présentera lors d’une rencontre dédicace, vendredi 26 avril, à 20h30, à la librairie Lettre & Merveilles.
Lorsqu’elle évoque son métier, la lieutenante-colonelle de gendarmerie Marie-Laure Brunel-Dupin n’emploie pas d’anglicisme. Jamais de « profiler » ni de « cold case ». En adepte de la langue française, elle préfère analyste comportementale et affaire non élucidée. Pourtant, c’est le thriller américain, Le Silence des Agneaux, qui a impulsé son choix professionnel. Telle Clarice Starling, la jeune analyste du FBI qui affronte Hannibal Lecter, un psychopathe, serial killer (tueur en série), l’enquêtrice française contribue à élucider des affaires, en dressant le profil psychologique d’un criminel. On la présente ainsi, comme la première « profileuse » de France. Il y a vingt-trois ans, elle a créé le département des sciences du comportement, au fort de Rosny-sous-Bois (SeineSaint-Denis). « Certains se demandaient ce que la psychologie venait faire dans une enquête », se remémore Marie-Laure Brunel-Dupin. Depuis, elle a prouvé son utilité. À son tour, elle a formé cinq analystes comportementaux. Elle est désormais à la tête d’une équipe qui appuient toutes les sections de recherches de France.
L’audace
Son histoire est partie d’une démarche audacieuse, lorsqu’à 21 ans, elle envoie une lettre au directeur de la gendarmerie en lui affirmant : « qu’il aurait besoin de ses services, mais qu’il ne le sait pas encore ». Sa pertinence tombe au moment où la gendarmerie cherche un moyen de faire face au phénomène des tueurs en série, depuis l’arrestation de Patrice Alègre. Les renseignements pris aux États-Unis et au Canada décident ses responsables à se munir de profileurs. Marie-Laure BrunelDupin, qui s’est forgé une vocation pour ce métier dès 19 ans, est diplômée en droit pénal et en criminologie. Elle fait l’affaire. Devenue analyste comportementale de la gendarmerie, elle dirige la Diane (division des affaires non élucidées) au Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale. Un département qu’elle a aussi lancé au sein de l’Ircgn (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) à Pontoise.
Son parcours a d’ailleurs commencé dans le Val-d’Oise, à l’université de Cergy-Pontoise, par des études de droit, avant de passer par diverses facultés, bien décidée à se créer un cv spécialisé en criminologie. Une branche qui n’existait pas encore. « Il n’y avait pas de filière de criminologie », se souvientelle. On est alors aux origines de l’analyse comportementale dans le milieu judiciaire. Elle suit des études de psychologie, de criminologie appliquée à l’expertise mentale, un peu de médecine légale aussi et même une spécialisation auprès d’un enseignant américain sur le concept des crimes en série. « Les Américains avaient déjà engagé un travail dans ce domaine », rappelle MarieLaure Brunel-Dupin. « Des enquêteurs du FBI s’étaient intéressés au parcours de tueurs en série », souligne-t-elle. La série Mindhunter, visible sur Netflix, est assez proche de la réalité des deux agents à l’origine de l’analyse comportementale, qui a fait école dans le reste du monde. Partir de la scène d’un crime, sans en connaître son auteur, c’est le quotidien des analystes comportementaux. Le rôle de Marie-Laure Brunel-Dupin et de son équipe est d’orienter l’enquêteur vers une suggestion d’investigation, depuis la garde à vue jusqu’à la cour d’assises. « Nous ne sommes pas sur des intuitions d’enquêteurs. Il n’y a pas d’inspecteur Columbo. On retient des éléments objectifs et des traces de comportement que l’auteur a laissées sur une scène de crime », rapporte l’experte.
Tome II
Soucieuse de déconstruire certains clichés sur les criminels et souvent agacée par les approximations que l’on peut lire dans la littérature policière, Marie-Laure a eu envie de se lancer dans la littérature à travers un roman, en écrivant pour raconter son métier, au plus près de la réalité. Au plus près de son quotidien. « Parce que ma vie est une succession de polars », estime l’autrice. Son roman se déroule ainsi dans le milieu de la gendarmerie.
Après le premier tome Avant que ça commence, Marie-Laure vient de sortir Serrer les dents, suite d’une série dans laquelle le lecteur se plonge dans les techniques et le savoir-faire des spécialistes du comportement, de leur rôle dans les enquêtes criminelles et de leurs méthodes pour analyser et « coincer » les criminels. « C’est un polar inspiré de ma carrière d’enquêtrice. Le quotidien décrit est réel et les faits aussi », précise-t-elle. Les codes, articulations et mécanismes d’investigations sont les mêmes, mais aucune affaire connue n’est relatée. « C’est de la fiction réaliste, car je suis en activité et il en va de la crédibilité de ma profession », souligne la gradée.
L’héroïne de l’histoire est ainsi très inspirée de Marie-Laure. Pour adapter son quotidien, sans trop dévoiler son métier, la professionnelle s’est contrainte sur le temps passé sur une affaire. Pour mieux rythmer la lecture. « La seule concession que j’ai faite », reconnaît-elle. Dans la réalité, une affaire peut prendre plusieurs mois, voire des années.
Pour la rédaction du livre, elle s’est adjoint le talent de la journaliste et autrice Valérie Péronnet, avec qui elle a créé le personnage de Mina Lacan, son double romanesque. « Elle a des traits communs de ma personnalité », dévoile Marie-Laure. L’agent Lacan est en phase avec l’univers de l’officier Brunel-Dupin. « Je voulais casser l’image de l’enquêteur solitaire et insociable par un personnage totalement ouvert au monde qui l’entoure », explique-telle. Côté auteur des faits, elle est aussi réaliste. Pas de narcissisation de tueur en série, comme on peut le voir à l’écran. « Ils sont rarement brillants et intelligents. Plutôt minables », corrige la gendarme.
❝ Certains se demandaient ce que la psychologie venait faire dans une enquête
❝ Ma vie est une succession de polars
■ Marie-Laure Brunel-Dupin et Valérie Péronnet : Serrer les dents, Hachette Fiction, collection Black Lab, 512 pages,
21,90€. À lire aussi : Avant que ça commence 256 pages, 20,90€. En vente à la librairie Lettre & Merveilles, place du Grand-Martroy.