Une pièce qui fait parler les jeunes de quartiers
Un projet inédit. Au théâtre 95, Points communs, la scène nationale de Cergy-Pontoise propose, les 26 et 27 avril, une pièce écrite à partir des témoignages de jeunes collégiens issus du quartier de La Challe, à Éragny-sur-Oise.
Si tu me cherches, tu me trouves. C’est le nom de la pièce mise en scène par Ahmed Madani que propose le théâtre Points communs à Cergy, vendredi 26 et samedi 27 avril, à 19h. Sa particularité : elle a été pièce écrite à partir de récits et de témoignages de jeunes collégiens issus de « quartiers prioritaires politique de la ville » d’Éragny-sur-Oise. Autour du thème de la violence à la fois subie et celle dont ils sont partie prenante, la jeunesse se raconte.
C’est à partir d’activités ludiques, de jeux et de questions que le metteur en scène a recueilli les récits de ses comédiens en herbe et en a dégagé une trame. « Je leur ai posé des questions volontairement orientées du type : parlez-moi de votre école, parlez-moi de votre quartier, quels sont vos rêves ?, que faites-vous lorsque vous rentrez de l’école ?, parlez-moi de votre famille, que faites-vous sur Internet ? Par le biais de ces questions, les jeunes en disent beaucoup », confie-t-il. Ces différentes sessions de travail mettent en lumière leurs façons de s’exprimer, de se tenir, ce qu’ils dégagent. À travers la diversité de leurs histoires personnelles, ces temps d’échanges nourrissent l’écriture de la pièce. « Mon premier matériau, c’est eux. »
Jeunesse, exprimez-vous
C’est dans un climat social tendu, où la montée de la violence entre jeunes dans les quartiers s’intensifie, que cette pièce s’inscrit. L’idée vient de la préfecture du Val-d’Oise. Cette dernière a fait appel à la scène nationale de Cergy-Pontoise, labellisée par le ministère de la Culture, qui fait le choix d’amener cette jeunesse au sein de ce projet artistique. Cinq communes du Val-d’Oise sont concernées. Après Éragny, ce sera au tour de Taverny et de Cergy, les saisons suivantes.
Des non-initiés engagés
S’ils ne connaissaient pas grand-chose au théâtre, ces collégiens se sont engagés à suivre un parcours constructif. « C’est la construction d’un projet commun, mais aussi une construction de soi. Le théâtre va les obliger à travailler leur image, comment la valoriser, comment se tenir… », précise le metteur en scène. Au-delà de la performance artistique, ce que recherchait Ahmed Madani, c’était de trouver « des jeunes curieux, investis, qui respectent les horaires de travail, apprennent leurs textes. Et surtout les amener à réfléchir sur eux-mêmes et montrer qu’ils peuvent développer d’autres façons d’être dans la vie. »
Pour cette première édition, c’est du côté du quartier de La Challe, à Éragny, que les équipes de la scène nationale ont rencontré les futurs comédiens. Si une quinzaine d’adolescents a répondu favorablement dès juin 2023 au projet, ce sont finalement dix collégiens, âgés de 13 à 14 ans, qui font partie de la troupe. À l’issue de la phase de « sélection », le metteur en scène a constitué sa troupe définitive en janvier dernier. Avec lui, les jeunes auront travaillé environ six semaines en tout et pour tout, y compris pendant les vacances scolaires.
Issue du même quartier, la troupe se connaît très bien. « C’est moi qui ai dû montrer patte blanche, sourit le metteur en scène. Il y a parfois des affronts ou en revanche beaucoup de pudeur entre eux. Ce que je peux comprendre parce qu’ils ont peur d’être ensuite ciblés dans leur quartier. »
Si dans les spectacles d’Ahmed Madani, le
❝ Mon premier matériau, c’est eux. AHMED MADANI, METTEUR EN SCÈNE DE LA PIÈCE
chant et la danse tiennent une place importante comme d’autres formes d’expression, il en est moins sûr dans cette pièce en raison de cette trop forte proximité entre eux. « Danser, chanter relève de l’intimité », ajoute le metteur en scène.
Entre affronts et pudeur
À quelques jours de la première représentation, le texte n’est toujours pas figé, la pièce est mouvante. Au gré des répétitions, Ahmed Madani ajoute ou retire du texte afin de s’adapter aux jeunes comédiens. Une adaptation constante et réciproque.