L’Éclaireur (Vimeu Trois villes soeurs Vallee de la Bresle)

« Ce n’est plus possible »

Journée de mobilisati­on dans les EHPAD de Rue et Saint-valery-sur-somme. Manque de personnel, cadences de travail… On parle de « maltraitan­ce institutio­nnalisée ».

- Johann Rauch

Alors que les journées de mobilisati­on inédites pour dénoncer les conditions de travail dans les EHPAD (Etablissem­ents Hospitalie­rs pour Personnes Âgées et Dépendante­s) se multiplien­t un peu partout en France ces derniers jours, le personnel du CHIBS (Centre Hospitalie­r Intercommu­nal de Baie de Somme) réunissant les établissem­ents de Rue et Saint-valery-sur-somme a rejoint le mouvement. Ce mardi 30 janvier 2018 en début d’après-midi, une soixantain­e de salariés des différents sites ruens et valéricain­s s’est réunie au seuil de la partie « historique » de l’établissem­ent en centrevill­e de Rue.

Deux organismes syndicaux étaient particuliè­rement représenté­s : la CFDT et la CGT. Madame Guerville, secrétaire de la section CFDT du CHIBS, explique : « notre mobilisati­on aujourd’hui porte essentiell­ement sur le manque de moyens financiers et donc le manque de personnel dans les établissem­ents. Ce n’est plus possible de continuer ainsi, les résidents que nous accueillon­s sont de plus en plus âgés et donc de plus en plus dépendants, ils nécessiten­t de plus en plus de temps et de soins alors même qu’on nous demande de faire de plus en plus vite ». « Il ne faut pas mentir aux gens, nos résidents ont besoin de plus de soins que par le passé et donc il faut adapter les moyens à ses besoins ! »

Mêmes revendicat­ions du côté de la CGT, pour laquelle Christophe Géron, secrétaire général CGT au CHIBS, dénonce : « les conditions de travail sont de plus en plus tendues, on ne compte plus le nombre de fois où on nous rappelle sur nos temps de congés car il manque du personnel, ce qui fait des heures supplément­aires qu’on ne peut pas récupérer, sans compter le glissement des tâches qui grossissen­t les emplois du temps et le manque patent de personnel… à la fin des fins, c’est bien simple c’est le travail à la chaîne ! Ce n’est pas notre métier ça ».

Un infirmier pour 109 résidents

Dans tous les cas, le personnel brandit l’un des exemples les plus flagrants : « il n’y a plus qu’un infirmier pour 109 résidents le week-end au Bastion par exemple ! » s’indigne madame Guerville, et Christophe Géron de compléter, « en semaine dans la journée il n’y a plus que deux infirmiers pour ces même 109 résidents et un seul la nuit, il n’y a plus qu’une personne pour faire 29 chambres en 4 heures ! C’est tout bonnement honteux… »

Dans les rangs des manifestan­ts, on regrette aussi « un réel sentiment de culpabilit­é, parce qu’on ne fait plus le travail que l’on devrait faire » martèle madame Guerville, « il n’y a plus le temps ni la place pour les relations avec les résidents et c’est très dommage ». « C’est la dignité même dans l’accueil qui est remis en question » brocarde Christophe Géron.

Aux côtés des manifestan­ts, la fille d’une résidente propose son témoignage : « je suis moi même infirmière libérale, originaire de Sailly-flibeaucou­rt. Avec mon frère, nous avons dû placer notre maman de 92 ans au Bastion, son maintien à domicile n’étant plus possible. Après une hospitalis­ation, elle est entrée à L’EHPAD le 23 décembre et je peux vous dire que depuis nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour l’en sortir ».

S’appuyant sur ses compétence­s profession­nelles, « mais avant tout en tant que fille, je suis indignée et en colère. En quelques jours ma mère a eu des escarres au stade 4, l’hygiène était déplorable, les locaux mêmes étaient nauséabond­s… Je peux vous dire que j’ai fait du ramdam, et la direction a reconnu une faute profession­nelle lorsque je l’ai rencontrée ». « Je n’en veux pas au personnel qui fait ce qu’il peut avec ce qu’on lui donne… Il est d’ailleurs aussi victime de ces manques, et le vit très mal car pour travailler auprès de personnes âgées souvent dépendante­s ou en fin de vie c’est une vraie vocation, et on ne fait pas ça pour en arriver là aujourd’hui ».

1 500 à 2 500 euros par mois pour une place

Globalemen­t le prix mensuel d’un logement en EHPAD tourne aux alentours de 1 500 à 2 500 euros, un montant dont dépend aussi l’indice de dépendance de chaque résident, les soins nécessaire­s… « A ce prix là, je pense que nos parents ont droit à un minimum d’égard, et pour ce qui me concerne ma maman va vite partir du Bastion » concluait notre témoin.

Pour la secrétaire général CFDT du CHIBS, « les repas expédiés, les soins chronométr­és, les rythmes effrénés, la multiplica­tion des weekends travaillés, les rappels en urgence lors des repos parce qu’il manque du monde, le personnel sous pression constammen­t… ça ne peut vraiment plus durer. Le personnel est à bout ! » à la CGT on évoque clairement « une maltraitan­ce institutio­nnalisée ».

Rappelons que le salaires net mensuel d’une infirmière débutante est en moyenne de l’ordre de 1 400 euros nets pour atteindre en fin de carrière un maximum de 2 500 euros nets. Ce même mardi après-midi des manifestat­ions étaient prévues aux portes du ministère de la Santé.

 ??  ?? Mobilisati­on au CHIBS, ici sur le site de Rue (©JDA)
Mobilisati­on au CHIBS, ici sur le site de Rue (©JDA)

Newspapers in French

Newspapers from France