La chasse au surpoids
Les joueurs professionnels étant humains, ils sont tentés par des excès pendant les fêtes de fin d’année. Mais selon les médecins des clubs, aucun dérapage n’a été constaté pendant la mini-trêve, en raison notamment du contexte sanitaire.
Quand les amateurs reprendront le foot, peut-être avant l’été, ils auront perdu, espérons-le, ce petit matelas qui réchauffe sur les pelouses enneigés ou sur les bancs de touche glacés et qui dessine, sans surprise, une courbe arrondie sous le maillot tendu. En attendant, ils n’auront pas besoin de passer sur la balance ni de réaliser un bilan sanguin pour savoir qu’à Noël, ils n’ont pas mangé que des brocolis.
Pour les joueurs professionnels de L1, évidemment, une telle silhouette deviendrait problématique, et contrairement à ce que pouvait déclarer ironiquement Dimitri Payet dans L'Équipe, le 16 décembre, il serait trop simple de marquer pour maigrir.
La coupure des derniers jours, sans match donc sans but, aurait d’ailleurs pu effrayer les staffs de Ligue 1, au coeur d’une période réputée pour ne pas rendre hommage aux légumes et à l’eau pétillante.
Pourtant, à l’issue d’une reprise entamée dès le 30 décembre pour certains clubs, les médecins concèdent « une bonne surprise » au moment des premiers bilans. « La plupart ont même perdu du poids, probablement du muscle, constate Michel Kergastel, le médecin de Brest. Les joueurs avaient un programme qu’ils ont bien respecté avec des exercices d’appui, du cardio et du travail en décharge à base de vélo et de rameur. Et ils n’ont pas trop abusé des agapes familiales. » À Lille, aussi, tout va bien et le médecin Thibaut Boitel avait anticipé cette mini-trêve marquée par des interactions familiales moins fortes (moins de repas donc) et des voyages exotiques assez rares (moins de fêtes) : « Un des grands principes est de ne pas perdre le contact avec eux. On les a donc suivis avec notre diététicienne, Camille Rombaut, on avait un regard particulier sur certains. Ce qui fait que nous savions avant même leur rentrée comment nous allions les retrouver. »
À Reims, personne n’a triché selon Barthélémy Delecroix, le directeur de la performance : « Les joueurs ont effectué leur renforcement musculaire et des courses, pas trop longues, sur des séances de trente minutes. L’objectif était de gérer le bénéfice du repos, en réduisant le volume mais en gardant l’intensité. »
La sanction de la balance, à laquelle auraient échappé les staffs (« secret médical » indique l’un des médecins), est souvent irrévocable. À Metz, les coéquipiers de Farid Boulaya ont eu droit à une double pesée, la première, symbolique, pour acter la rentrée et la seconde, quelques jours plus tard, « quand les effets éventuels des excès se font ressentir», sourit Patrice L'Huillier, le médecin des Grenats. À Brest, même menace avec, en plus, un code couleur : «On relève leur poids chaque semaine et, en fonction de leur morphologie, ils se trouvent dans les cases verte, orange, rouge, violet… Ce qui n’est alors pas bon signe, plaisante Kergastel. Le poids est affiché, tout le monde peut constater l’évolution, c’est motivant.»
Parfois, un seul regard à la silhouette suffit à déterminer si le joueur a abusé du foie gras et des pralinés, saturés de graisse. «Dans ce cas, on discute pour comprendre avec les joueurs les raisons de cette prise de masse grasse, tolère Delecroix. On les sensibilise à ce qu’ils mangent, sans les contraindre car la notion de plaisir est importante. Avant qu’ils partent, on leur a juste conseillé d’éviter les aliments frits, qui sont très gras, les biscuits apéritifs, de privilégier les fruits… Et de sur
“Le poids est affiché, tout le monde peut ,, constater l’évolution, c’est motivant
MICHEL KERGASTEL, MÉDECIN DE BREST
veiller leur poids quotidiennement. L’idée, c’est de dire “profitez de tout, n’abusez de rien.”»
Les hommes de Christophe Galtier sont restés dans les clous mais le médecin nordiste concède avoir eu, par le passé, des cas « de joueurs en surpoids mais avec des éléments que nous avions moins besoin de suivre habituellement que d’autres car ils étaient plutôt stables en termes de poids. Dans ce cas, sauf catastrophe, il n’y a pas d’exercice supplémentaire, juste des conseils diététiques. » À l’échelle de la population, 3ou 4 kilos en plus en début d’année n’ont rien de dramatique mais Patrice L'Huillier s’étrangle si «un joueur de 70 kilos revient avec un surplus de 3 kilos. Dans ce cas, il faut les perdre, mais pas trop rapidement, au risque de créer un déficit énergétique. En quinze jours, trois semaines de séance normale, c’est réglé logiquement.»
Tout dépend, selon le diététicien-nutritionniste Thomas Ladrat, des origines de la surcharge pondérale : « Si ce sont 2 kilos qui ne sont pas liés à la masse grasse, mais à de la rétention d’eau parce que, pendant les fêtes, on mange plus salé et plus alcoolisé, cela se régularise les jours qui suivent, analyse celui qui a travaillé pour les Girondins de Bordeaux, ArlesAvignon et conseille aujourd’hui une quinzaine de joueurs de L1 et de L2. Si cela dure, que c’est lié à la masse graisseuse, on établit un programme avec un léger déficit calorique, un rééquilibrage. Ne surtout pas passer du tout ou rien, jeûner ou sauter un repas. C’est contre-productif, cela pénalise l’organisme, implique un déficit énergétique et donc un stress pour le corps.»
Ce qui serait l’inverse de l’effet recherché avec les fêtes pendant lesquelles «des excès sont acceptés » (Thibaut Boitel) après des derniers mois pénibles, sous tension, entre la crise sanitaire, le repos forcé puis la reprise avec de nombreux tests PCR et sérologiques. « Ils sont humains, ils ont besoin de couper avec leur activité, accepte Thomas Ladrat. Il faut donc plutôt comprendre ce qui s’est passé.» Une tolérance attendue (et espérée) sur les terrains amateurs du dimanche matin.
,, “Des excès sont acceptés
THIBAUT BOITEL, MÉDECIN DE LILLE