L'Equipe

Diop ne se pose pas de questions

Alors qu’il devait quitter le club, le milieu offensif est devenu titulaire à Monaco où il était déterminé à s’imposer depuis son arrivée qui avait fait du bruit, en 2018.

- ANTHONY CLÉMENT

Perdu en juillet dernier dans la masse des joueurs non retenus pour s’entraîner avec l’équipe première, destiné à partir afin de réduire un effectif beaucoup trop dense, Sofiane Diop suit un chemin que personne ne lui avait prédit. Titularisé treize fois en dix-sept journées de L1, le milieu offensif est vite devenu la première option à droite du 4-4-2 de l’AS Monaco, dont il est la révélation. Il en a l’habitude car on lui avait déjà accordé ce statut en 2018, quand son talent et son volume avaient séduit Leonardo Jardim et Thierry Henry. Il n’a que 18 ans quand il profite d’une concurrenc­e décimée pour apparaître en Ligue des champions, et sa confiance n’est pas atteinte par les soucis de l’ASM. Il porte le ballon comme s’il avait toujours été là mais ses dirigeants empilent les joueurs pour échapper à la relégation, les recrues expériment­ées chassent les jeunes et Diop disparaît.

S’il n’est pas le premier à voir se transforme­r le tremplin monégasque en impasse, il peine à s’éloigner de son rêve mais finit par accepter un prêt à Sochaux, en septembre 2019. C’est la L2, le Doubs, pas exactement la Côte d’Azur et les frissons européens. «Ses deux premiers matches ont été très bien, c’était plus compliqué ensuite avec peu d’espaces, des terrains difficiles, explique Omar Daf, l’entraîneur socha

lien. Quand tu as fait quelques matches de Ligue des champions et que tu arrives ici, que tu es sur le banc, il faut que tu comprennes ce qu’il se passe. C’est un bon gamin, vraiment passionné. Il y a eu des moments difficiles où je l’ai bousculé un peu, il n’était pas dans le groupe et ne comprenait pas. Il veut tout le temps s’entraîner mais il voulait tellement jouer qu’il allait partout. Il devait se canaliser.

Comme il est intelligen­t, il a compris qu’il devait aller dans les zones où il fait mal, et quand il était vraiment bien, il y a eu le confinemen­t…»

Retour à Monaco, donc, où une nouvelle révolution envoie sur le banc Niko Kovac, qui va changer le destin de Diop. «Sofiane a fait deux séances avec le deuxième groupe et il travaillai­t très dur, avec passion, cela a fait la différence. Je l’ai fait monter avec le premier groupe, raconte l’entraîneur monégasque.

Il s’intéresse, veut comprendre, pose beaucoup de questions, veut voir des images de ce qu’il fait bien et mal. Il doit progresser dans tous les secteurs, notamment défensif, ce qui est normal à 20 ans. Il est sur la bonne voie mais le chemin est long.»

La route a été bien dégagée par la blessure à une cuisse d’Alexandre Golovine, le 30 août, mais la polyvalenc­e de Diop est une garantie de temps de jeu. Avant de se fixer à droite, il avait été utilisé à gauche ou comme milieu relayeur, et Daf le préférait en soutien de l’attaquant à Sochaux. «Avec nous, il jouait 6, 8, ou 10, et il nous arrivait même de le faire jouer arrière droit, se souvient Ibou Diaw, directeur adjoint du pôle Espoirs de Châteaurou­x, qui a ac

cueilli Diop de 2013 à 2015. Il ne rechignait pas car c’est un vrai passionné du jeu. À partir du moment où le ballon roule, on peut lui demander ce qu’on veut. À la détection, on a tout de suite vu son potentiel avec mon collègue Fabrice Dubois. En finale du concours, il s’est cassé le poignet. Il était en larmes, pas parce qu’il avait mal, mais parce qu’il voulait continuer à jouer. Ce genre de réaction prouve qu’un garçon est destiné au haut niveau. » Diop en est persuadé très tôt, et cela se sent. «Sofiane a un ego qui paraît surdimensi­onné pour quelqu’un qui ne le connaît pas, poursuit

Diaw. Il est conscient de ses qualités et dégage une certaine arrogance car il s’éclate sur un terrain, il adore le jeu. Son ego fait sa force, c’est une façon de se donner à fond, mais dans la vie, il n’est pas du tout comme ça. Je l’ai appelé pour faire une visioconfé­rence avec les gamins, il s’est dépêché d’être dispo pour expliquer son parcours pendant une heure. C’est juste un garçon qui n’a pas peur.»

Il fallait en effet un certain courage pour affronter la tempête née de sa décision de rejoindre Monaco au lieu de signer son premier contrat pro à Rennes, où il a été formé de 2015 à 2018. Actuelleme­nt prêté à Bastia-Borgo (National), Wilson Isidor fait le mêmechoixe­tleurdépar­testvécuco­mme un traumatism­e en Bretagne, où on déplore l’explosion de l’accord tacite qui empêchait les clubs français de solliciter les joueurs sous contrat aspirant. « Quand tu refuses un contrat

pro du Stade Rennais avant la fin de la saison, il faut assumer de se retrouver à la cave, estime son meilleur ami, Mala Doumbouya, milieu qui a signé pro l’été dernier à Lo

rient. Son départ a fait beaucoup de bruit mais il n’a jamais douté, il a vraiment réfléchi, et son choix porte ses fruits. L’année dernière, il a connu un peu la galère mais il a remonté la pente. On se connaît depuis qu’on a 10 ans. Il jouait à Tours, je jouais à Blois, et on s’est retrouvés au centre de formation de Rennes où on est devenus des frères. Il a toujours été sûr de lui, depuis tout petit, il n’a jamais peur de l’adversaire. Il est généreux, fait tout pour ses proches mais c’est un têtu. Il a vraiment envie de réussir et il veut tout savoir, il est très pointu. C’était un des seuls mecs du centre qui récupérait des vidéos de tous ses matches pour les analyser.»

Il ne manque pas non plus de devoirs à la maison avec Niko Kovac, mais trouve le temps de s’engager. «J’ai une associatio­n à

Blois ( B.L.O.) où il intervenai­t en restant anonyme, souffle Doumbouya. On s’est dit qu’on pouvait aussi faire des actions à Tours, chez lui, et on organise des distributi­ons de nourriture. Une nouvelle aura lieu dimanche, dans son quartier d’enfance, et on en a déjà fait une le 6décembre.» Diop n’était pas là mais il avait une bonne excuse: il jouait à Lille (1-2) avec l’ASM, où son hiver ne ressemble pas du tout à ce qu’il attendait l’été dernier.

“À partir du moment ,, où le ballon roule, on peut lui demander ce qu’on veut

IBOU DIAW, L’UN DE SES FORMATEURS

“Il veut tout savoir, il est très pointu. C’était un des seuls mecs du centre de formation qui ,, récupérait des vidéos de tous ses matches pour les analyser

MALA DOUMBOUYA, SON MEILLEUR AMI, MILIEU À LORIENT

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